13/ Quand le destin s'en mêle.

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Le soir même, en l'honneur d'une récente promotion professionnelle, Cathy avait invité toute la petite bande à diner. Lola aussi était présente, elle était devenue une bonne amie de Cathy et Mel et faisait officiellement partie de notre joyeuse équipe. Elle était venue seule, Franck étant retenu à l'hôpital pour une garde. Egoïstement, j'étais heureux qu'il n'ait pas pu se joindre à nous. Quand je les voyais ensemble, mon humeur avait tendance à devenir massacrante. C'était une chose de savoir qu'ils étaient ensemble, c'en était une autre de le voir la bécoter ou l'entourer de ses bras puissants.
La soirée se passait bien, le repas était simple et l'atmosphère chaleureuse comme toujours lorsque nous étions tous réunis. Fred et moi racontions le match à Tristan ainsi que l'épisode du bar et de la serveuse alors que les filles papotaient entre elles.
A un moment, je surpris un coup d'œil furtif de Lola dans ma direction. Alors que nous discutions entre gars, j'avais senti son regard sur moi et quand j'avais porté mon attention sur elle, elle avait détourné les yeux, trop rapidement pour que cela paraisse naturel. Pour en avoir le cœur net, j'avais continué de l'observer discrètement tout en poursuivant la conversation. Je n'avais pas eu à attendre longtemps, à peine quelques secondes plus tard, à son tour elle me fixa.
Pendant quelques instants, le temps parut s'arrêter, il n'y avait qu'elle et moi, son regard dans le mien, le bruit autour de nous m'arrivait comme un murmure lointain. Une onde électrique parcourut tout mon corps me procurant une vague de frisson. Elle se mit à rougir légèrement, visiblement troublée et détourna encore une fois son regard, s'intéressant de nouveau à la discussion entre Cathy et Mel.
Brusquement ramené à la réalité par la rupture du lien visuel, je me rendis compte que mes battements cardiaques s'étaient emballés. J'avais bloqué ma respiration, me noyant littéralement dans ses yeux.
C'était quoi, ça ? Cathy avait-elle raison sur les sentiments de Lola à mon égard ?
Avait-elle compris ma maladroite explication de cette après-midi ?

Nous allions attaquer la superbe tarte tatin de ma belle-sœur quand le téléphone de Lola sonna.
Elle fronça les sourcils en regardant son portable, s'excusa et répondit. Le bruit des conversations l'empêchait de bien entendre son interlocuteur. Elle se leva pour s'isoler du brouhaha.
Soudain, j'entendis hurler un « NOOOOONNNN !!! »
C'était Lola. Le désespoir dans sa voix me fit frémir. Je fus le premier à me lever, faisant crisser ma chaise au passage, et la rejoignit presqu'en courant. Elle était dans le couloir, assise à genoux par terre, les mains cachant son visage, son téléphone gisant à côté d'elle. Elle murmurait « non, c'est pas possible, non, c'est pas possible » en boucle. Je m'approchais d'elle doucement, m'agenouillai et la prit dans mes bras. Je ne savais pas ce qui se passait mais il était évident que quelque chose de grave venait d'arriver. Les autres s'étaient tous levés et se tenaient derrière moi, ne sachant que faire.
Je serrai Lola dans mes bras. Elle tremblait et était secouée de sanglots. Son corps oscillait d'avant en arrière. Elle répétait « c'est pas possible, c'est pas possible ». Elle semblait en état de choc. Je ne savais pas quoi faire mis à part la rassurer par ma présence ett ma chaleur. Je caressais doucement ses cheveux, tentais de l'apaiser.
Au bout de quelques minutes, j'osais lui demander :
-Lola, qu'est ce qui se passe ?
-Mes parents.... Un accident.... Ils sont.... Oh mon Dieu ! bafouilla-t-elle.
Sa phrase se perdit dans un sanglot. Vu son état, j'imaginais le pire...
Je me retrouvais huit ans en arrière, à la mort de mon père, je connaissais la souffrance qu'elle endurait. Je fermais les yeux, son monde venait de s'écrouler et je ne pouvais rien y faire.
Nous restâmes assis par terre longtemps, Lola dans mes bras, sa tête contre mon torse. Elle pleurait tellement que je sentais l'humidité de ses larmes à travers le tissu de ma chemise.
Les autres avaient préféré rejoindre la table pour nous laisser seuls. Mais le cœur n'était plus à la fête. J'entendais leurs murmures inquiets.
Quand ses sanglots se calmèrent un peu, j'osais parler à nouveau :
-Tu veux que je te ramène chez toi ?
Elle hocha la tête.
-J'appelle Franck ?, ajoutai-je avec un pincement au cœur.
-Non.... Tu peux rester avec moi ?
Sa voix était si implorante que je sentis mon cœur se briser, j'avais mal pour elle. J'aurais voulu prendre sa peine pour alléger son fardeau, trouver les mots pour l'apaiser. La voir dans cet état était insupportable.
Je nous excusais rapidement auprès de tout le monde, leur expliquant la situation. Etant venu en deux-roues, j'empruntai la voiture de Tristan et ramenai Lola chez elle.
Elle ne dit rien durant les quelques minutes du trajet. Je restais moi aussi silencieux, qu'aurais-je bien pu dire ? Je voyais encore des larmes silencieuses rouler sur ses joues. Je serrais les dents. Franck n'étant pas là, elle allait avoir besoin de moi, de mon soutien et de mon réconfort.
Une fois dans son appartement, elle semblait perdue, ne sachant que faire. Elle avait l'air épuisé, complètement abattu. Il était tard. Je pris la décision pour elle, je la guidais vers sa chambre, elle s'allongea en chien de fusil sur le lit, encore toute habillée.
-Me laisse pas, implora-t-elle.
Acquiesçant, je m'installai face à elle. Elle se pelotonna contre moi, enfouissant son visage contre ma chemise, posant une main sur mon ventre. Je lui caressais les cheveux, lui offrant tout le réconfort possible. Ses larmes coulèrent encore longtemps, parfois je sentais un sanglot agiter son corps.
Au bout d'un long moment, je sentis sa respiration s'apaiser, ralentir. Elle s'endormait, toutes ces émotions l'avaient anéantie.
Mais je n'avais pas envie de dormir. Je restais là, sans bouger, le nez dans ses cheveux, une main sur sa nuque, l'autre dans son dos. Je sentais sa chaleur, son parfum, et sans que je le veuille vraiment, je me mis à bander. Je soupirai, tentai de me calmer. Ce n'était vraiment pas le moment. Ce soir, elle avait besoin de tendresse, de soutien. Pas de sexe.

Les yeux de Lola Où les histoires vivent. Découvrez maintenant