Cristal et Rubis

Drôles de yétis : Rubis

Allez ! On s'réveille là d'dans ! C'est pas parce qu'on a fait la java hier, que c'est un prétexte pour faire la grasse mat' ! On a une méchante à neutraliser !

Maiiiiis ! Vraiment, j'comprends pas Emma. Comment elle fait pour se lever aussi tôt ?

On arrive, Emma...

Quelques minutes après, nous sommes fin prêtes, habillées, coiffées et nos affaires sont rangées. Dehors, tous les autres nous attendent, attablés autour d'un petit déjeuner encore plus frugal que d'habitude. Comme je m'inquiète de ce qu'il nous reste de nourriture, Ana me rassure :

Il nous reste juste assez à manger pour ce midi. On devrait être sortis demain de cette forêt d'épouvante. On n'aura qu'à ramasser ce qu'il nous manque ce soir.

J'acquiesce et après nous être lavé les dents (très important), nous démontons les tentes et nous remettons en route.

En chemin, je me rends compte que hier soir, nous avons totalement exclu Fabien, je me rapproche de ce dernier et engage la discussion :

Bien dormi ?Oui, votre Majesté Impériale, je vous remercie.Tant mieux. Ça fait un an que je t'ai rencontré, mais je ne connais presque rien de toi... Ça te dérange si je te pose des questions ?Non, votre Majesté Impériale.Cool ! Donc, t'as quel âge ? Dix-sept ans votre Majesté Impériale.C'est quoi ta nourriture préférée ?Je n'en ai point, votre Majesté Impériale.Oh... C'est quoi tes passions ?Vous bien servir est mon unique préoccupation, votre Majesté Impériale.

Ce manque total de caractère commence à m'énerver et je décide de mettre les points sur les «i» :

Fabien. Si tu pouvais arrêter de me parler sur un ton aussi formel, ce serait bien.Oui, votre Majesté Impériale.

Je soupire, agacé, mais garde mon calme.

Cela implique que tu me tutoies et m'appelles Rubis.

Alors que je pensais qu'il allait se récrier, il se contente de répondre passivement :

Bien, votre Majesté Impériale.

Pour le coup, je réagis aussitôt. Je déteste qu'on ne m'écoute pas.

Bon sang, Fabien ! Tu m'écoutes, là ???

En m'entendant, il semble sortir d'un rêve éveillé, il secoue la tête pour se reprendre et, même si cela ne dure qu'une demi seconde, il pince les lèvres, comme contrarié.

Excusez-moi, votre Majesté Impériale, j'étais plongé dans mes pensées...

À ces mots, je me radoucis; ça m'arrive à moi aussi de ne rien écouter pour cette raison...

Pas grave. Je te demandais juste d'agir en ami.D'accord, votre Ma... Pardon, Rubis.

Je lui souris, contente. Il a toujours su ce que j'aimerais avoir...

À partir de ce moment, nous sympathisons plus que nous ne l'avons jamais fait en un an de connaissance. Les filles se joignent même à nous, et le chemin se poursuit dans la bonne humeur et les rires. À croire que nous ne sommes pas constamment en danger... Après une pause pour déjeuner, nous nous remettons en marche, toujours dans la même ambiance.

Soudain, mon alarme intérieure se déclenche. Je ressens la présence de petites créatures malicieuses... Alors que je lis en elles, je comprends ce qu'elles prévoient de faire, et j'essaie de rester impassible; on va bien rire. Pour ne pas attirer les soupçons, je reprends activement la conversation, mais cette fois, une part de moi reste aux aguets. Et ça ne loupe pas ! À peu près cinq minutes plus tard, des sortes de clown fabriqués à partir de feuilles rouge sang surgissent des fourrés sur un cri poussé par les êtres cachés : «Oh heeeellll nooo ooo ooo !»