Partie 18 - Entre passé et présent

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/!\ Scènes qui peuvent porter atteinte à la sensibilité dans ce chapitre


Il s'appelait Emanuel Carreiras.


Mon père avait toujours vécu dans la misère. A l'époque où ma mère et lui se sont connus, c'était tout juste s'il arrivait à se nourrir et se loger. Quand ma mère est tombée enceinte, une lanterne s'est éclairé dans l'ombre. J'étais leur futur trésor. Celui que même l'argent ne peut acheter, peu importe le prix. Mais cette nouvelle était aussi un coup de massue. Comment subvenir aux besoins d'un bébé alors que l'on ne pouvait garantir d'assurer les siens ? Cela revenait à creuser la tombe de l'enfant avant même sa naissance.

C'est ainsi qu'Emanuel prit une décision. Celle d'accepter leur offre. Cette offre qu'on lui avait proposée il y avait plusieurs mois déjà et qu'il avait bien sûr rejetée. Il s'était toujours refusé à plonger dans cette facilité malsaine, bien qu'elle pendait littéralement sous son nez. Mais aujourd'hui, l'heure n'était pas à la réflexion. Le choix, il ne l'avait plus.

C'est avec ces sombres pensées en tête que le jeune homme avançait d'un pas vif dans la petite ville délabrée. Il pouvait marcher au centre de la rue car il n'y avait personne. En même temps, qui aurait eu l'idée de sortir aussi tard par une nuit glaciale ?

Emanuel ne tarda pas à apercevoir le pont qui marquait le passage du canal. Il soupira, mais ce n'était pas de soulagement. Ses pas longèrent quelques instants le cours d'eau. Malgré le faible débit du courant, le silence était pesant. Seules ses chaussures en lambeaux claquaient sur le béton. Le jeune homme atteignit un petit attroupement de bateaux. Il s'arrêta. Son regard balaya les alentours avec appréhension. Les silhouettes des montagnes s'élevaient comme des montres autour de lui, sombres et menaçantes. Elles semblaient disproportionnées dans l'obscurité, prêtes à l'engloutir. Maintenant qu'il ne marchait plus, il sentait le froid mordant s'insinuer jusqu'à ses os. Il avait l'impression qu'il le grignotait depuis l'intérieur. Il frotta ses mains plongées dans ses gants noirs épais pour se réchauffer.

Soudain, un bruit sourd attira son attention. Des pas. Trois silhouettes noires se détachaient dans la nuit. Elles le rejoignirent, lentement. Lorsque les trois hommes furent à sa hauteur, l'un d'eux sortit un petit paquet de sa poche. Il le pencha vers Emanuel, qui attrapa une cigarette sans un mot. L'homme saisit un bâtonnet à son tour et fourra le paquet dans sa poche. Il sortit ensuite un briquet pour les allumer et, ensemble, il tirèrent une bouffée. Plusieurs secondes s'étaient déjà écoulées. Une minute peut-être. Finalement, un autre homme prit la parole.

- Tu en auras mis du temps pour te décider, hombre... »

Emanuel tira sur sa cigarette et expira lentement la fumée avant de répondre.

-  Je ne prends pas ce genre d'engagements sur un coup de tête.

- Tu es au courant de ce que ça implique ?

Emanuel eut un rire sans joie. Il s'était torturé en retournant la question sous tous les angles pendant des jours et des jours. « Au courant »... C'était peu dire !

-  Je crois y avoir suffisamment réfléchi. Oui.

Un bref silence s'installa dans la nuit. On entendait de nouveau l'eau circuler dans le canal.

-  Tu sais t'en servir ?

L'homme avait désigné l'arme rangé dans son pantalon, au niveau de sa taille et sous son manteau. Comment avait-il pu savoir qu'elle était là ? Emanuel devina qu'ils faisaient référence à une question bien plus précise.

Is it love ? Daryl - Seule reste la plumeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant