1894 : Prologue

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Lors d'une nuit comme celle-ci, lorsqu'aucune étoile ne vient illuminer les cieux, il est facile de se perdre. L'air glacial est lourd et épais, semblant tuer tous les sons vivants et ne laissant qu'un semblant d'aura de ville mourante pourtant si vivante lors de la journée. Les faibles flammes brûlantes des lampadaires se plaisent à mourir sous les coups de vent, celles-ci trop vulnérables au temps dans le vieux verre briser des vielles lampes. Certains lieux, plus chanceux, abrite encore de la vie, du son et des lumières, comme si les gens refusaient de dormir de peur de se réveiller aux côtés d'un corps trop froid pour ouvrir à nouveau les yeux. Dans cette grande place, entourée d'immeubles de classe moyenne, les quelques fortunés possédant assez d'argent pour se tenir au chaud, profitent des lumières des guirlandes décorant la zone dans un rideau de lumière artificiels, la musique dansante montant jusqu'aux cieux et couvrant les hurlements du vent hivernal. Le bar est ouvert, offrant de quoi se réchauffer un peu plus le cœur et se laisser danser entre les arbres décorant la place tandis que, d'autres moins chanceux, se contentent d'écouter ces mélodies entraînantes afin de cacher leurs claquements de dents et leurs corps mourant sous la douleur d'être encore en vie et de ne pas avoir le loisir d'en profiter.

Traversant la fête, une petite femme s'engouffre parmi les rues en suivant les lanternes, jusqu'à se faire avaler par le l'épais brouillard de cette nuit froide. Les sons faiblissent et changent, les odeurs de bières et de joie se font remplacer par celles de sang, de vomi et de moisissure. De ses talons délicats, elle fait résonner les dalles poisseuses dans le silence, indiquant sa présence à qui s'aurait l'entendre. Mais personne se trouve aux alentours. Whitechapel, résident à présent dans la peur et la ruine, se trouve démuni de vie à la tombée de la nuit. Les quelques malheureux obligé à rester sur place sombrent tous à la peur et se laisse mourir dans le froid, laissant la vermine se délecter de la chair putride et glaciale leur servir de repas. L'aura de peur règne encore et le quartier autrefois en pleine croissance se trouve à l'état de fantôme. Pourtant, la jolie petite femme ne se trouve nullement apeurée par cet endroit. Son esprit n'est obnubilé que par une seule et unique chose. Et malgré son cœur d'une douceur inégalée, elle ne peut se permettre de se laisser distraire par les problèmes des humaines qui ne sont pas sous sa garde.
Soudainement, le vent se lève davantage et la jeune femme voit la capuche couleur de jais recouvrant sa chevelure atypique se retirer. Ses mèches rosées se voient libre de danser au gré du vent, les perles qui les décorent brillant parmi le brouillard comme les seuls étoiles parvenant aux yeux des vivants se laissant encore mourir ici. Ses grands yeux bleus décoré de longs cils délicats scrutent les environs, comme si elle s'attendait à voir surgir quelque chose du brouillard, et ses lèvres charnues laissent un soupir s'échapper lorsque seul le silence lui répond tandis que ses pieds continuent de la mener à destination. Elle connait par cœur, ce chemin-là Chaque tournant, chaque dalles, chaque odeur entourant ce petit coin devenu la seule maison encore vivante. Pourtant, une fois arrivée au dernier croisement, aucune lumières ne semblent traverser les vitres. Seul les deux luminaires accrochés de part et d'autre de la porte de bois illumine la ruelle. The Queen's Head semble tout aussi mort que le reste de Whitechapel. Mais la rosé connait cet endroit. Elle sait qui réside dans l'appartement à l'étage, elle y passe la moitié de son temps, en sécurité dans l'éteinte de bras puissants l'entourant pourtant avec douceur. Elle s'arrête devant la porte sans faire signe de vouloir entrer durant un moment. Elle préfère regarder son reflet quelque peu sombre dans les vitreux poussiéreux. La tête désormais dégagée, son manteau ne couvre que son corps, s'arrêtant à ses cuisses aux formes généreuses. Ses jambes recouvertes d'un pantalon au tissu riche, la couleur ressemblant à du sang s'apprêtant à sécher. Ses bottes remontant jusqu'à ses genoux, sont ornées des mêmes bijoux décorant ses cheveux, un petit détail devenu important avec le temps. Autour de son buste, et à peine visible derrière le manteau, un corset aux broderies délicates recouvre une fine chemise de soie blanche nue de toutes imperfections. Son cou, laissé découvert à la merci du froid, est orné d'une chaîne portant simple mais ornée d'une petite pierre précieuse se cachant timidement dans le creux de sa poitrine. Lâchant un autre soupir, elle laisse ses yeux brillants se poser sur le dernier détail, pourtant le seul vraiment important, décorant sa tenue. Accroché par une chaîne dorée à un des boutons de son corset, une vielle montre à gousset au verre brisé. D'une touché délicat, elle la prend entre ses doigts et contemple de ses yeux brillants et chargé d'émotions, les aiguilles immobiles. Le doute s'installe dans le creux de son estomac tandis que la peine s'installe dans ses traits doux.

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