Est-ce que j'ai encore une chance d'atteindre la gare Montparnasse avant 14h ? Franchement ça va être chaud. Je sors fébrilement mon portable pour vérifier l'heure tout en accélérant dans l'entrée de la station de métro Porte de Clichy. Bon sang !
13H12, pas question de traîner. Je dévale les escaliers et manque de me vautrer lamentablement au milieu du flot de touristes et vacanciers avec leurs valises. Poussez-vous bordel !
Interminables ces boyaux. Je cours sur les derniers mètres et m'engage rapidement sur le quai de la rame. Ligne 13. Directe mais 10 stations. Ça va être chaud, ça va être chaud.
L'enseigne lumineuse annonce deux minutes d'attente avant le prochain métro. Je sors mon portable pour parcourir nerveusement son dernier SMS, reçu il y a un quart d'heure à peine et qui m'a projeté hors de chez moi comme un taré.
« Slt, prise de tête avec ma mère, retour 2 jours plus tôt que prévu,pourra pas se croiser, rentre direct. A + ».
Je n'ai même pas pris le temps de lui répondre. J'ai foncé tête baissée vers le métro le plus proche. Pas question qu'on se rate. Des jours que j'attends ce moment.Je fais les 100 pas sur le quai. Ces deux minutes me paraissent une éternité. Il y a un monde fou en plus. Va falloir slalomer entre les valises et jouer des coudes pour entrer dans la rame. 10 stations, bon sang !
J'avise le panneau lumineux. Deux minutes sont toujours affichées, l'horloge est détraquée ou quoi ? Merde, merde, merde. Mon cœur bat la chamade. J'ai le ventre noué et les mains qui tremblent.
Il fait une chaleur suffocante en plus. Les auréoles sous mes bras s'agrandissent, mon short en jean colle mes fesses comme un vieux chewing-gum trop mâchouillé et j'hyperventile comme un basset après un 100 mètres haies. Bordel. Je vais être au top de mon sex appeal c'est clair. Enfin si j'arrive à temps.
Je regarde l'heure sur mon portable. 13H18. Ça peut peut-être le faire si le métro arrive enfin. Un coup d'oeil au panneau lumineux m'indique qu'il est à proximité.
Je me précipite alors même que le freinage strident me déchire le tympan gauche et saute littéralement dans la rame les portes à peine ouvertes.
J'essuie des remarques et protestations sur mon impolitesse mais j'en ai cure. Je me plaque contre les portes du fond en toisant les voyageurs d'un air mauvais. On m'oublie vite.Chacun essaie de trouver sa place avant la sonnerie indiquant le départ. On est serré comme des sardines défraîchies et chacun tente de relever la tête pour bénéficier un peu du courant d'air offert par les fenêtres entrouvertes et la vitesse. Ça sent le goudron et la sueur. Beurk !
C'est dans ces moments là que j'apprécie mon 1m85 qui m'offre une perspective olfactive au-dessus de la mêlée !
A la deuxième station, je sors mon portable histoire d'être occupé à autre chose qu'à égrener les secondes qui ne passent pas. Je jette un œil aux photos de juillet, à Berlin.
Mon cœur a des ratés devant certains souvenirs. Je ne les avais pas regarder depuis plusieurs jours. Trop douloureux. Le manque. J'avais jamais connu. Ça pique méchamment. Et puis je me sens tellement con aussi. J'ai vraiment foiré.
Tout me semble pourtant évident maintenant, comme un voile qui s'est levé d'un coup sur mes sentiments, sur la conduite à tenir, sur l'urgence à le vivre.
Il y avait eu des signes bien sûr, depuis longtemps même, mais c'est tellement facile de se mettre la tête dans le sable. Jusqu'en juillet, j'en avais pas conscience. Seulement avec toi, l'effet boomerang, je l'ai pris en plein dans les dents !
Saint-Lazare.Bon sang c'est la cohue intégrale. La blonde devant moi m'écrase littéralement. Courage, encore 8 stations.
Je range mon portable et les photos qu'il contient. A quoi bon se fracasser le cœur ?
Depuis 4 semaines toutes mes pensées, ma vie même tournent autour de Berlin et de cette nuit-là. Je pense à toi sans arrêt, au réveil, en marchant en ville, en soirée avec mes potes et même endormant et je me réveille chaque jour un peu plus en manque.Au début je pensais que ça passerait, avec le temps comme dit la chanson mais non. Tu as foutu un sacré bordel dans mon cœur et dans ma tête. Un changement complet de perspective. Un virage à 360 degrés.
Nerveusement j'extrais mon portable de la poche arrière de mon short passé la station des Champs Elysées. 13H27. Encore 5 stations.
On respire un peu mieux, un flot de touriste quitte la rame et libère un peu d'espace et d'oxygène pour ceux qui poursuive le voyage. Je dégouline de sueur, mes cheveux collent à ma nuque, c'est super désagréable. Mon t-shirt est tellement trempé qu'on croirait que je viens de participer à un concours du plus beau t-shirt mouillé.
J'attache mes cheveux rapidement en une queue de cheval approximative et tire un peu sur le col de mon t-shirt pour laisser passer un peu d'air.
Une jolie brune est en train de me mater et de glousser avec sa copine un peu plus loin. Elles parlent en Anglais je crois.
Eh ouais, je sais les pretties english girls comme vous ne peuvent pas résister à un french tombeur comme moi, hyper beau gosse avec des yeux verts, des cheveux noirs, un corps sculpté par le sport et une peau si magnifiquement dorée à jogger en bord de Seine ! Bon, vu comme elles se marrent, elles semblent plutôt se foutrent de ma gueule !Tant pis pour vous les filles ! Je leur décoche mon sourire le plus charmeur et après un clin d'oeil complice, je les oublie le temps de guetter le nom de la prochaine station.Invalides. Encore 4 avant Montparnasse.
Bon sang, ça n'avance pas. Les petites Anglaises descendent en me faisant un petit signe de la main. Je réponds à leur salut et reprends le fil de mes pensées.Admettons que j'arrive à temps, qu'est-ce que je vais pouvoir lui dire en deux minutes ? Que je m'excuse ? Que je suis fou amoureux ? Que je crève littéralement de son absence depuis 4 semaines ? Que j'ai été trop con pour le piger avant ? Putain, ça va pas être simple !
Pourtant à la base c'était pas compliqué, elle était simple cette histoire. Enfin ça allait.
Sans blague, avoir un coup de coeur, c'est habituel, je veux dire, ça arrive à tout le monde. Enfin, moi, ça m'arrive tout le temps même quand je sortais avec Ninon. Je ne cédais pas à la tentation c'est tout.
Ce sont juste des élans éphémères, des bulles de désirs fugaces, des parenthèses de vie.Ça ne compte pas. Enfin,ça c'était avant Berlin. Avant cette nuit-là. Avant toi.J'ai le cœur en vrac. Je pose ma tête contre la vitre et tente de calmer la tension qui monte à mesure que le métro s'approche de Montparnasse.
13H39. Bon sang, c'est le prochain ! Je me prépare à bondir sur le quai comme un fauve hors de sa cage.
VOUS LISEZ
Berlin my love
RomanceEthen, 17 ans, a moins d'une heure pour traverser Paris. Moins d'une heure pour se rattraper, pour l' intercepter avant que le train n'arrive et lui dire combien il a été aveugle et stupide à Berlin. Réussir ou y laisser sa peau. Le chrono est encle...