Les Aléas du Direct

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2050 – Quelque part en Europe

« Rémy tu es prêt ? L'antenne sera à toi dans cinq minutes.

-Oui oui ne t'en fais pas. Rah merde... où est-ce que j'ai mis mon bloc-notes. Bon sang !... Ah le voilà ! »

Rémy était nerveux. Il était bien loin de son premier passage télé et de sa première émission qu'il animait mais ce soir c'était de l'inédit. Tout le monde serait sur les dents craignant le moindre incident, tout serait filmé et retransmis sur des dizaines et des dizaines de chaînes de par l'Europe, voire même dans le monde entier.

En effet, suite à la promulgation de la loi dite « Droit universel de défense face à l'opinion publique », les criminels les plus notoires et dangereux avaient désormais la possibilité lorsqu'ils le souhaitaient de venir se présenter sur un plateau TV afin de donner leur version des faits en rapport avec ce qui leur était reproché. C'était là une ultime marque de liberté qui visait à permettre l'impartialité totale du public.

Bien que la population n'avait aucun pouvoir d'agir sur le jugement, cela leur permettait néanmoins de se faire leur propre opinion et de savoir si la condamnation était légitime.

« Rémy il reste quatre minutes. »

Les débats avaient duré longtemps avant que cette loi ne soit définitivement adoptée et les réactions furent très virulentes de la part de toutes les catégories de population.

D'un côté se trouvaient des gens convaincus des bienfaits de la justice et qui considéraient que les avocats des criminels suffisaient amplement à leur défense et que peu importait l'opinion publique générale sur leur condamnation. Parmi eux se rassemblaient la plupart des professions du droit sauf quelques rares progressistes qui voyaient là l'occasion de se faire médiatiser et de transformer ses allocutions publiques en vastes campagnes de communication et de politique.

On y trouvait, évidemment, aussi un certain sens de voyeurisme digne de la télé-réalité.

« Trois minutes. »

Rémy s'installa sur son siège et remis en place ses vêtements se préparant à passer à l'image. Les projecteurs se tournèrent sur lui et la mise en scène fut totalement prête.

« Deux minutes. »

Il s'éclaircit la gorge avec un peu d'eau pour être sûr de ne pas rater son entrée en matière. Il jeta un œil par la baie vitrée, la nuit était totale et quelques flocons de neige venaient danser au milieu de ce mois de novembre.

« Une minute. »

Allez, c'était parti dans sa tête. Le moment de faire le vide de l'esprit et de se concentrer sur le prompteur et la caméra. On ne pouvait plus reculer.

« Cinq, quatre, trois, deux, un, ça tourne ! »

*

Il était recroquevillé dans un couloir, à genoux et les mains attachées dans le dos. Soumis à la société, au monde qui l'avait enfanté. L'univers semblait se tenir sur ses épaules et on lui aurait volontiers donné quelques pièces de monnaie si on l'avait croisé dans la rue.

Pourtant Jared n'avait rien d'un pauvre, d'un soumis ou d'un être en déclin. Il était paria, le pire monstre connu du grand public. L'assassin de vingt-cinq femmes de par le monde, le sanguinaire qui avait goûté le sang de chacune, l'esprit pervers qui avait manipulé des milliers de personnes par le biais de sa secte. C'était le parfait anti-héros, celui qu'il faut déchoir à tout prix et détruire définitivement.

Ce soir c'était sa grande humiliation, le passage à la TV pour montrer le visage de son horreur au public qui prendrait cela comme un divertissement, un verre de vin à la main et quelques chips.