cachée

Le magasin ce situait près de la Part-Dieu, certain y aurait vu un avantage de travailler près de tout : des transports, des magasins, des restaurants... . Mais pas Mathis, non Mathis lui était effrayé par ce trop plein de tout. Pourquoi me diriez vous ? Les gens. Des gens. Toutes la journée des gens.
Et même s'il savait que c'était de l'ordre de la paranoïa, Mathis sentait toute la journée leurs avis reprobateurs, lourds de reproches, se faufiler le long de son dos et s'infiltrer dans sa tête.
À chaque instants, il redoutait le moment où un client allait rentrer et, tout sourir, lui dire :
《- Bonjour monsieur !》
Le matin, il avait des noeuds dans le ventre à l'idée de rejoindre cette petite supérette qui lui permettait de payer ses études et, le soir dans le métro, de grosses gouttes d'angoisses ruisselaient sur son front sous l'effet des regards brûlant de curiosité.
Lorsqu'il était au magasin, il n'était plus que l'ombre de lui même et il ne pensait pas se rappeler de ce que c'était que la joie.
Mais dès qu'il rentre chez lui, Mathis quitte ces chaussures d'hommes et se réfugit dans la salle de bain. Il prend une douche comme pour se laver des moqueries des autres et commence sa transformation. Il se sèche et révêti une longue robe bleu qui danse, souple et fluide autour de ses jambes. Mathis se contemple devant le mirroir mais reste encore insatisfait face à son reflet. Il se dirrige alors vers sa chambre où il extrait d'une pile de cartons poussiéreux une petite boite en métal dorée. Il retourne dans la salle-d'eau et dépose au dessus de sa tête le trésor contenu dans la petite boite : un diadème de boucles rousses qui vient orner ses épaules comme celles d'une reine. Il ajoute une touche de couleur sur ses lèvres, et, tél une goutte d'aquarelle sur une feuille de papier blanc, la couleur se répend et fini de donner vie au visage de Ambre.
Elle se regarde de nouveau dans la glace et se sourit ; ces yeux autrefois gris et ternes sont maintenant bleus et spitants, sa carrure courbée par le passé et fière et droite par le présent.
Du jeune Mathis, frèle et incertain, a fleuri la belle et gracieuse Ambre. Tous les soirs, cette femme sort du jeune-homme, et elle ne se retient plus : toute la journée Mathis dissimule ses envies, et le soir Ambre explose ! Comme les racines des mangroves qui se nourricent dans l'eau sombre pour faire éclater un arbre à la surface. Et alors parée de ses plus beaux bijoux, elle sort et se laisse aller à-vau-l'eau dans les rues de Lyon. Les regards des gens ne l'atteignent plus, elle se sent belle, elle se sent forte. Elle discute, elle flirt, elle danse peu lui importe tant qu'elle est elle !

Mais tous les matins, c'était un seau d'eau glacé qui le réveillait, une ondée, une véritable averse de dure réalité : "elle" devait redevenir il, "Ambre" devait de nouveau se faire engloutir par Mathis. Il devait ranger ces boucles rouges et cette robe bleu pour ressortir ses habit gris. Il devait se préparer pour aller travailler, et quand il se regardait dans le mirroir : "plouf" son moral replongeait aussi bat que ses chaussures d'hommes.

Ce personnage c'est son échappatoir, son oasis et son royaume. Mais c'est aussi son secret, cela ne se dit pas, cela, doit rester cachée.