CHAPITRE 18

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Quand j'arrive devant la porte de ma maison, les rayons du soleil levant rosissent déjà les quelques nuages qui parsèment le ciel. Il doit être 5h mais j'ai l'impression que cette nuit a duré une vie entière.

Jason a proposé plusieurs fois de me ramener en voiture mais j'ai refusé, tenant trop à ma vie. Je ne regrette pas ma décision, cette marche m'a fait du bien et m'a permis de remettre un peu d'ordre dans mes idées.

Je retire mes chaussures pour faire le moins de bruit possible une fois à l'intérieur. J'expire un grand coup et pose ma main sur la poignée de la porte. Cette dernière s'ouvre d'un seul coup, me faisant sursauter. Je tombe alors nez à nez avec Régis, ses boucles châtains en pagaille, qui me renvoie un regard aussi surpris que le mien. Je souffle.

- Et bien, vous n'avez pas tenu longtemps avant de revenir à ce que je vois. Vous filiez en douce avant que ma mère se réveille ? Interrogé-je d'une voix amère en désignant du menton les chaussures qu'il tient à la main.

L'homme lâche un petit rire nerveux et louche avec insistance sur mes propres baskets, que je tiens également dans une main.

- Je crois que je ne suis pas le seul à jouer les hommes de l'ombre. Rétorque-t-il d'une voix amusée.

J'ouvre la bouche pour lui lancer une nouvelle pique mais il est plus rapide :

- A vrai dire, c'est plutôt toi que je fuyais, soupire-t-il.

- Ben c'est raté, fais-je platement.

Un silence s'abat entre nous. Visiblement gêné, Régis jette un coup d'œil en arrière puis finit par sortir sur le perron et refermer sans bruit la porte. Il se laisse choir sur l'escalier de l'entrée et tapote la première marche pour m'inviter à le rejoindre.

J'obéis, mais seulement parce que j'ai les jambes coupées par la fatigue.

- Tu as une sale tête mon garçon, la nuit a été longue ? Me demande-t-il en tentant de briser la glace.

- Merci. Je réponds froidement en gardant obstinément mon regard fixé sur l'horizon et en ignorant volontairement la question.

Régis rit doucement.

- Je vais prendre ça pour un oui.

Il fait une courte pause puis reprend d'une voix douce :

- Je comprends que tu ais eu besoin de prendre l'air. Nos présentations n'ont pas été très conventionnelles. Est-ce-que la promenade nocturne t'a apaisé ?

- Sans vouloir vous offenser, je doute fortement que vous compreniez quoique ce soit. Déclaré-je d'une voix neutre.

Il hausse les épaules.

- Des choses m'échappent parfois mais il paraît évident que rencontrer l'amant de sa mère dans ces conditions est perturbant. Elle n'a jamais eu personne depuis le décès de ton père n'est-ce-pas ?

- Je ne vous le fais pas dire. Pas que je sache, mais visiblement elle est extrêmement douée pour conserver ce genre de secret pendant des mois. Qui sait, elle a peut-être sauté toute la ville sans que personne ne le sache.

Je me mords les lèvres, regrettant immédiatement mes paroles insultantes.

- Oubliez ce que je viens de dire. Je suis fatigué. Je vais me coucher. Dis-je d'un ton las.

L'homme se lève et s'ébroue. Il me tend une main que je serre mollement. Son regard gris acier est bienveillant et ne trahit aucun reproche. Je crois qu'il est foncièrement gentil, bien que ça me pèse de le reconnaître.

Les Ailes de l'EnsorceleuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant