XX.

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     Il était un peu plus de 21h lorsque le manoir se vida complètement. Il ne restait que ma famille et moi. Mon père nous racontait son séjour au Paraguay, avec un engouement que nous n'avions jamais vu chez lui. Il était heureux, il disait même qu'il se sentait revivre. Malgré que ses histoires nous mettent tous en joie, je n'avais pas réellement le cœur à la fête.
   Ayant remarqué que ma mère n'était pas des nôtres, je quittai discrètement le salon pour la rejoindre dans la dépendance qu'on lui avait donné. En entrant je la trouvai dans son salon, une tasse de tisane à la main, en face de la cheminée.

- Salut Maman ; dis-je en m'installant près d'elle dans son canapé.

- Ah Poussin, ça va?

- Je te retourne la question, on dirait bien que tu n'aimes pas rester avec les Parker; la taquinai je.

     Elle sourit à ma remarque avant d'ajuster son coussin pour mieux se mettre en face de moi.

- Je ne suis plus une Parker chérie, et j'avais besoin de me retrouver un peu toute seule pour jeter un œil aux récents contrats de Bella. J'espère que personne ne s'est offusqué de mon absence ; répliqua-t-elle.

- Non, à vrai dire personne ne l'a remarqué.

      Je me mis à rire face à son regard outré. Ma mère ne prenait pas au sérieux ce que je venais de dire, raison pour laquelle elle me suivit dans mon rire. À vrai dire si j'étais venue la trouver, c'était pour qu'elle me remonte le moral, ce qu'elle fit en me racontant ses aventures de jeunesse. Je l'écoutais à moitié, à cause de la continuelle présence de Amir dans mes pensées ; elle le remarqua certainement vu qu'elle interrompit son récit et passa une main dans mes cheveux. Elle l'a souvent fait lorsque j'avais un chagrin d'amour au lycée, et ce contact m'apportait un certain réconfort.

- Je vois bien que tu ne vas pas bien Annie, tu veux en parler ?

- C'est au sujet de Amir ; avouai je en baissant les yeux sur mes mains.

    Elle ne répondit rien, et continua juste à me caresser les cheveux.

- Il m'a avoué tout à l'heure qu'il avait des sentiments pour moi et... Je n'ai pas su quoi lui répondre.

- Qu'est-ce que tu aurais aimé faire ? Sincèrement.

      C'était une question, j'aurais pu l'éluder en temps normal, mais cette fois je ne cherchais pas à y échapper. Il fallait bien qu'à un moment où un autre je sois confrontée à la réalité. Ma mère était certainement la meilleure dans ce domaine.

- À vrai dire, je lui aurais sauté dans les bras. Je l'aurais embrassé jusqu'à perte d'haleine, mais je lui aurais dit aussi que...

- Tu l'aimes ; ajouta ma mère face à mon hésitation.

    Elle prit mes mains dans les siennes, et me mit face à elle.

- Je comprends Annie que tu te refuses à l'admettre, à cause de ce qu'il t'a fait il y'a cinq ans. Mais tu dois comprendre que tout ce que tu y gagneras c'est encore plus de tristesse.  C'est vrai que tu as peur d'être déçue à nouveau, mais tu pourrais tout aussi bien être heureuse si tu décidais enfin à aller de l'avant.

- C'est plus dur à faire qu'à dire; répondis-je.

- Ecoute Annie, tu mérites le bonheur. Et si Amir fait partie de ce bonheur auquel tu aspires, il n'y a pas lieu de se poser toutes ces questions. Lâches prise et va vers cet homme que tu aimes tant. Tu es assez intelligente pour voir que tu n'es pas entière s'il n'est pas avec toi et inversement. Donnez-vous une autre chance, et si jamais ça devait capoter une nouvelle fois, tu n'aurais que des regrets, pas de remords. Crois moi c'est bien pire.

     Je la regardai longuement. Ma mère était une femme de sagesse, même si elle avait fait des mauvais choix par le passé. Je crois que j'avais surtout besoin d'entendre son avis au sujet de cette histoire, sachant qu'elle était de nature rancunière. Elle n'avait pas avancé une seule insulte au sujet de Amir -- comme l'aurait fait mon père -- et s'était contentée de me pousser dans la direction que je m'interdisais de prendre jusqu'à présent. Ses paroles me firent longuement réfléchir. Machinalement, je me rapprochai d'elle et me glissai entre ses bras.

- Sois heureuse Ann-Louise, et ne laisse pas le passé t'en empêcher ; ajouta-t-elle en conclusion.

    Nous restâmes là un bon moment, face au feu de la cheminée avant que je ne ferme les yeux, bercée par les caresses douces de ma mère.

                        

                                 ***

 

      Cela faisait déjà une semaine depuis le barbecue chez mes parents. Amir avait littéralement pris ses distances vis-à-vis de moi, s'il apprenait que j'étais dans les locaux de sa société il s'enfermait dans son bureau. J'avais été tentée plusieurs fois d'aller le voir chez lui mais je me stoppais toujours dans mon élan. Mais aujourd'hui, je ne devrais pas fuir et lui non plus ne pourrait m'éviter, pas au mariage de nos amis les plus proches.
    C'était un samedi plutôt ensoleillé, probablement un bon présage pour la future union entre Roger et Lyliane. Ma tasse de café à la main, je cherchais le parfait look pour cette occasion. Le designer de Béatrice s'était proposé de m'aider à choisir ma tenue. Ma chambre s'était donc transformée le temps d'une demie journée en salon d'essayage. Chaque robe que j'avais essayé, ne m'avait pas subjuguée tant que ça. J'hésitais maintenant entre une robe sirène sans manches couleur champagne, et une robe de sequin bleu nuit à fines bretelles au décolleté plongeant et une fente.

- On cherche la tenue parfaite pour séduire Amir ?; introduit Gina en entrant dans ma chambre.

- On cherche surtout la robe qui dira " Je suis une femme d'affaires qui n'est pas tombée dans la dépression depuis son renvoi"; répliquai je en déposant la robe couleur champagne sur moi.

- Annie on va à un mariage, pas à un des galas de ton père ; répliqua-t-elle en riant.

- Au lieu de rire tu ferais bien de m'aider à en choisir une.

     Elle hésita un moment, toucha chaque tissu des robes.

- Tu ferais sensation dans les deux, mais je suis sûre que Amir restera sans voix sur la bleu.

- Tu crois ?; dis-je soudainement excitée.

- Alors tu admets que tu veux lui plaire ce soir ; me taquina-t-elle.

- Je ne vois pas à quoi aurait servi tout ceci, si ce n'était pas pour attirer son attention; avouai je.

- Dans ce cas, cette robe sera idéale. Tu pourras ainsi passer à ta mise en beauté pour que nous n'arrivions pas en retard. En tout cas j'y vais de ce pas moi, à tout' Annie.

       Après qu'elle fut sortie, l'équipe du designer rangèrent les affaires et poussèrent les ports vêtements vers la sortie de ma chambre. J'admirai une nouvelle fois ma robe, me prenant à imaginer Amir me brûler du regard comme il le faisait autrefois. J'avais hâte d'être à ce mariage, il me tardait réellement d'y être.

De la comédie Au réel...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant