Acte I, 18e Epître - Edmons & Co

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Le grand jour était enfin arrivé. Après vingt-deux jours d'hôpital, Ben était enfin autorisé à retourner dans le monde extérieur. La dernière visite ne releva pas de changements dans son état, et le docteur Edwards signa donc l'autorisation de sortie, non sans avoir donné rendez-vous dans un mois à son patient pour un bilan de contrôle. Comme convenu, Jim arriva à dix heures précises, et les deux hommes partirent pour l'immeuble d'Edmons & Co, en plein cœur de Manhattan, dans la partie Sud de l'Upper East Side. Tandis que la berline s'éloignait du Presbytérien, s'engageant dans Madison Street en direction de Bowery, Maners laissait vagabonder son regard vers l'extérieur, regardant les immeubles défiler tout en écoutant d'une oreille distraite le reporting qui lui faisait son assistant.

Pendant son absence, l'entreprise n'avait pas chômé. Steven Whittmore, l'un des deux « Co » d'Edmons & Co, avait signé un gros partenariat avec Knighters Engineering, permettant d'intégrer leurs nouveaux moteurs révolutionnaires dans le projet en cours pour l'armée. Avec cette association, le groupe espérait taper un grand coup et assurer sa place de leader du secteur, qu'il tentait de subtiliser au poids-lourd Lockheed depuis plusieurs années. En parallèle, le directeur général, Robert Edmons, s'était positionné pour participer à la reconstruction du pont de Brooklyn.

Il était persuadé que l'expertise de la société dans le domaine de l'aérodynamique pouvait être un atout pour améliorer la résistance de l'infrastructure du nouveau pont aux tensions et aux chocs. Cette assurance lui venait des premiers résultats prometteurs du dispositif de protection en cours de développement pour les avions de chasse, qui démontrait une résistance aux impacts directs de 95%. Et si un chasseur pouvait s'en sortir indemne, alors qu'il subissait un choc en se déplaçant à la vitesse du son, un objet immobile de la taille d'un pont devait certainement pouvoir s'en tirer sans la moindre fissure.

En entendant Jim parler du système de protection, Ben ne put s'empêcher de repenser à Azraël. La façon dont il avait repoussé les attaques de Shorty et la sienne lui faisait penser à un champ protecteur, probablement très similaire à la technologie développée par son entreprise. Sans s'en rendre compte, il esquissa un sourire. Il avait eu une réflexion similaire ce jour-là. « Chassez le naturel, et il revient au galop, pas vrai ? pensa-t-il. » Et s'il n'avait pas été marqué dans sa chair de la sorte, peut-être pourrait-il encore croire qu'il s'agissait juste d'une armée privée avec une technologie de pointe.

« - J'ai dit quelque chose de drôle, Monsieur Maners ? demanda l'assistant en voyant son sourire.

- Non, Jimmy. C'est juste que ton histoire m'a fait repenser à quelque chose. Mais je t'en prie, continue.

- Pas de soucis. Ça fait plaisir de vous voir sourire. Après ce qui vous est arrivé... Si j'étais à votre place, je ne sais pas si j'aurais la force de... Enfin, je ne devrais peut-être pas parler de ça avec vous, si peu de temps après la disparition de Madame Maners...

- Ne t'inquiète pas, Jim. Je vais bien. Enfin, mieux, plutôt. Je ne te cache pas que ça a été dur au début, mais je commence à m'y faire. Je crois...

- C'est ce que j'ai toujours admiré chez vous, Monsieur Maners. Vous êtes fort comme un roc ! Mais n'oubliez pas que je suis là, si vous avez besoin de quoi que ce soit ! s'enthousiasma le jeune homme en se pointant la poitrine. Quand je suis arrivé ici, Madame Maners m'a tellement aidé à m'acclimater, ça serait ma façon de lui rendre la pareille, vous voyez ?

- Je suis sûr qu'elle apprécierait ta sollicitude, Jim. Et donc, tu n'avais pas terminé de m'expliquer, reprit Ben, pour changer de sujet. Où en est-on dans ce projet de reconstruction ?

DIES IRAE - Cycle I : L'AngicideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant