Dans une relation, il faut être deux. Du moins, c'est ce que tout le monde a toujours entendu dire. Parfois, il faut être trois, ou seul. Mais passons.
Luc et Cynthia se sont rencontrés un peu par hasard, ou plutôt grâce à la force d'inertie du destin et à son aspect plutôt joueur. Les deux étaient célibataires, les deux se sont rapidement entendus, et une attraction naturelle s'est développée entre eux.
Comme c'est souvent le cas avec la passion, la consumation a été rapide. Dès le début, ils sentaient tous deux qu'ils étaient face à quelque chose de grand, quelque chose de fort. Ils ne se sont pas souciés de mettre en place certaines « règles » pour leur relation, car ils avaient la certitude qu'entre eux, tout irait bien. Alors ils ont avancé à tâtons, rapidement, semant des mines sur leur chemin sans même s'en rendre compte.
Au début ça ne posait pas forcément de souci, car l'esprit charmeur des premières semaines camoufle nos travers, nos petits défauts. Il nous aide à taire nos idéaux, nos exigences, nos jalousies.
Puis, un jour, on se réveille et la lune de miel est terminée. Les petits tracas du quotidien à deux pointent le bout de leur nez.
Ce jour-là, Luc a envie de changer la station de radio dans la voiture de Cynthia. Alors il le fait. Elle est un peu frustrée, car il vient de zapper une musique qu'elle adore, mais ce n'est pas très grave, alors elle ne dit rien. Pourtant, Luc ne supporte pas qu'elle touche à la radio dans sa voiture à lui, mais voilà, chaque personne a ses petites particularités, il vaut mieux en sourire.
Quelques jours plus tard, Cynthia arrive chez lui avec une heure de retard, car des impératifs familiaux l'ont empêchée de prendre la route avant. Luc ne lui adresse pas un mot pendant trois heures, trop vexé de ce contretemps. Quand enfin il se décide à lui pardonner une faute qu'elle n'a pas commise, Cynthia est trop soulagée pour lui faire remarquer l'absurdité de la situation. Elle est même trop soulagée pour lui en vouloir ou lui reprocher quoi que ce soit.
Le week-end suivant, c'est à Luc de se rendre chez Cynthia. Il arrive avec deux heures de retard, sans avoir pris la peine de prévenir ou s'expliquer. Quand il voit la tête de Cynthia, qui visiblement n'est pas très contente, il se braque. Elle lui en veut ? Qu'à cela ne tienne. Il ne lui adresse pas un mot pendant quatre heures. À la fin, Cynthia est trop soulagée pour lui faire remarquer l'absurdité de la situation. Elle est même trop soulagée pour lui en vouloir ou lui reprocher quoi que ce soit.
De fil en aiguille, Luc prend de plus en plus de libertés dans la relation, et Cynthia s'écrase un peu plus chaque fois, car elle craint de subir à nouveau le silence insupportable de celui qu'elle aime. Alors de plus en plus souvent, c'est Luc qui décide de leur programme ; ce qu'ils vont manger, faire, écouter. À quelle heure, avec qui. Plus le temps passe, et moins Cynthia a son mot à dire, mais elle s'en accommode, car cela vaut mieux que rien. En plus, chaque fois que Luc lui laisse l'occasion de choisir le programme, il finit par en conclure que c'est « de la merde ». Cynthia préfère alors ne plus prendre de décisions qui risquent d'être la porte ouverte à une nouvelle humiliation.
Un mercredi, alors qu'ils se promènent avec quelques amis, Luc commente outrageusement le physique d'une fille qu'ils viennent de croiser. « Les seins qu'elle a ! » s'est-il exclamé. « Et ses fesses !! » a-t-il ajouté. Ses amis sourient, mais Cynthia, elle, bouillonne de rage. Malheureusement, Cynthia fait partie de ces nombreuses filles qui ne sont pas à l'aise dans leur corps. Et ça, Luc le sait très bien, elle s'est déjà confiée à lui à ce sujet. Il l'avait vainement rassurée, sur le moment « mais si, tu es belle ! » Et c'était tout.
Mais aujourd'hui, dans ce parc, Cynthia aimerait lui dire que cette réflexion, sur la jolie femme qui vient de passer, c'est typiquement le genre de choses qui la renvoie à ses insécurités. Elle ne comprend d'ailleurs pas ce qui a poussé Luc à commenter à haute voix, car à ses yeux, c'est juste une forme d'irrespect envers elle. Il faut dire aussi que la veille, quand elle lui a montré le nouveau soutien-gorge qu'elle venait d'acheter, Luc lui a dit « mais de toute façon, tu n'as pas de seins ». Voyant qu'elle était vexée, il a ajouté « mais c'est pas grave, moi non plus je n'en ai pas ! »
YOU ARE READING
Demain tout ira mieux
Short StoryOn connaît tous quelqu'un, qui connaît quelqu'un à qui c'est arrivé. A moins que cette personne, ce soit nous. Quand une relation commence à sembler toxique, bien souvent, elle l'est déjà depuis longtemps.