Rouge frise la cinquantaine. Rouge n'a pas à rougir de se voir dans le miroir mais elle sait aussi que son corps n'est plus de la première jeunesse. Et dans les magazines, les corps sont sculptés dans un marbre lisse, sans flétrissure , sans aucun défaut. Les galbes sont parfaits, les lignes sont fuselées. Ce n'est plus son cas. Cela ne l'a d'ailleurs jamais été. Culpabilité....
Alors Rouge épie chaque corps, où qu'il soit, piscine, supermarché, dans la rue qui marche devant elle pour comparer. Pareil que le sien? Mieux? Pire? Elle en vient à demander aux amies, aux collègues ce qu'elles en pensent. Plus grosse qu'elle? Moins? Mieux faite? Plus jolie? Plus fraîche? Plus désirable? Coeur battant, mal au ventre...elle craint la réponse. De toute façon, si on lui qu'elle est jolie, elle ne le croira pas . De toute façon... Combat perdu d'avance.
Le regard de l'autre peut clouer au sol. Ou donner des ailes.
L'autre soir, Rouge a regardé un film où une actrice très belle, mais d'un bel âge était couchée, en nuisette. Scène de nuit classique. Et Rouge a eu un moment de répit. Point de poitrine saillante sous le satin blanc. Les mêmes seins qu'elle, ne se dressant plus fièrement. Les mêmes traces de l'âge.
Rouge l'aurait embrassée, pour le soulagement qu'elle lui offrait.
