MB MORGANE - Ezéchiel - Tome 3 [Terminé]

Episode 5

Il est tard quand j'ouvre les yeux, je contemple Ezéchiel qui est profondément endormi à côté de moi. J'essaie de me défaire de l'emprise de ses bras sans le réveiller afin de prendre un peu de distance. Comme cela, il parait être le même, mais mon ventre se serre au souvenir de ce qu'il s'est passé tout à l'heure. Sans bruit, je descends pour me servir un verre d'eau. Je regarde machinalement mon téléphone et décide de faire parvenir un sms à Clara. Tant qu'il est endormi, je ne risque pas d'être scanné...

« Ma sœur, il faut que tu m'aides. Je dois absolument trouver une solution pour qu'Ezéchiel ne puisse pas lire dans mes pensées. Reste discrète SVP. Merci. »

J'appuie rapidement sur "envoyer" et efface tout de suite le message quand je respire enfin. J'espère qu'il ne s'est pas réveillé entre temps et décide d'aller prendre un bain. Je passe devant la chambre et constate qu'il dort toujours. Rassurée, je me dirige vers la salle de bain. Je me regarde dans la glace et touche ma lèvre, une petite entaille l'a fait gonfler, mais il s'est arrêté à temps, demain je n'aurais plus rien. Je ne sais pas ce qui me terrasse le plus, est-ce ses mystères qu'il ne souhaite pas partager avec moi ou bien son caractère presque démoniaque. Mais, en quelque sorte, la seule expérience que j'avais des êtres infernaux était Abel, et visiblement il tendait vers autre chose. Je m'assois sur le rebord de la baignoire et finis par me demander quel arrangement il a pu faire avec mon père. Manifestement, c'est bien ce pacte qui l'a transformé en quelqu'un de différent.

- Pas différent... Amélioré !

Je sursaute, il est devant moi, mais depuis combien de temps est-il réveillé ? Il s'approche et ferme le robinet d'eau, je profite encore une fois de l'odeur de sa peau.

- Depuis assez longtemps.

Puis il me sourit, ses yeux sont bruns et il ajoute.

- Puis-je me joindre à toi ?

S'il veut jouer à ça, nous allons jouer. Aussi je ne sors aucun mot et pense : « Ai-je le choix ? »

- Je suis désolé, mon amour, je n'ai jamais souhaité que ça se passe comme ça tout à l'heure.

- Alors pourquoi l'as-tu fait ?

Il s'assoit à côté de moi et me prend la main.

- Je te connais parfaitement et sais jusqu'à quel point tu peux être habitée par ta condition démoniaque. Il fallait que tu sois au courant de ce que tu risques en ne suivant pas mes consignes. Je suis capable de tout, rien ne peut m'arrêter afin de mieux te protéger...

- C'est trop facile ! De qui veux-tu me protéger ?

- En premier, de toi-même...

Je reste sans voix et il continue.

- Il y a quelque chose d'incontrôlable en toi, et qui menace d'exploser. Je suis au courant de ce que tu souhaitais faire à Morgane après le meurtre d'Abel. Sans t'en rendre compte, tu as ébranlé le mince équilibre qui était autour de toi et tu t'es élevée dans les airs. Tu n'as pas pu te maîtriser et tu t'es dévoilée aux yeux de pas mal de monde, c'était une grave erreur.

- Mais je suis incapable de le refaire. J'ai essayé.

- Je suis au courant. Comme je sais que tes facultés démoniaques viennent et te quittent régulièrement.

Il me caresse la joue et la lèvre qu'il m'a mordue.

- Urielle, il faut que tu te reposes sur moi inconditionnellement et je ne veux pas te faire de mal.

- Désolée, je ne comprends pas.

- Tu dois t'abandonner totalement à moi pour éviter que ta nature se révèle. Écoute bien ce que je te dis, je suis prêt à tout pour ça et j'en ai le pouvoir...

Je me lève et je pénètre dans le bain chaud.

- Peux-tu me laisser seule ?

Il acquiesce de la tête et sort en fermant la porte derrière lui. Je ne sais plus quoi croire. Il faudrait que je lui fasse confiance totalement, mais ce n'est vraiment pas ce que j'aime. Surtout, qu'il ne fait rien pour me conforter dans cette voie. La vapeur s'élève au-dessus de moi et je ne dois absolument plus penser à tout cela. Je tente de me détendre quand je finis par trouver au bout d'un certain temps l'eau un peu froide. Je décide donc de sortir en prenant soin de bien nouer ma serviette autour de ma poitrine. Il doit être deux heures du matin et je sens que je vais passer le reste de la nuit à tergiverser. Lorsque je quitte la chambre, je ne vois pas Ezéchiel, il doit être en bas. J'enfile un bas de jogging, un t-shirt et le rejoins. Il est effectivement sur un des bancs de bar de la cuisine et semble envoyer à toute hâte des messages avec son téléphone. Je remarque qu'il est habillé comme s'il s'apprêtait à sortir et je m'approche en me demandant bien ce qu'il me cache encore.

- Rien.

- Comment ça, rien.

Il relève ses yeux vers moi, tout en descendant de sa chaise.

- Je dois m'absenter quelques heures, je dois rejoindre Aurel.

- Parfait, je vais me changer.

La réponse ne se fait pas attendre.

- Tu ne viendras pas avec nous.

Je croise les bras et le regarde d'un œil noir.

- Tu n'es pas très logique comme garçon...

Il sourit et continue.

- Tu ne seras pas seule, Clara va rester avec toi.

- Tout le monde t'obéit au doigt et à l'œil à ce que je vois.

- En effet, ils savent eux, ce dont je suis capable...

- Tu te répètes très cher.

- Exact, car j'ai l'impression qu'il faut répéter. Alors, tu ne sortiras pas cette nuit et Clara a ordre de me tenir au courant. Est-ce clair ?

Je commence tout doucement à m'énerver. J'ai cet irrésistible besoin de savoir ce qu'il me cache, encore plus, depuis les événements récents et depuis son pacte avec Lucifer. Je ferme les poings, je suis prête à en découdre et s'il le faut par la force, mais il se met à sourire de plus belle, cette fois-ci il ne me regarde plus quand il annonce dans un calme soutenu.

- Ne joue pas à ça Urielle, tu n'auras pas le dernier mot et je n'ai pas envie de te faire mal.

Puis doucement, il lève ses iris rouge-écarlate sur moi et je me raidis en entrouvrant la bouche sans qu'aucun son puisse en sortir.

- Parfait... Nous sommes donc d'accord.

Il saisit son blouson et les clés de sa voiture pour ouvrir la porte d'entrée sur Clara qui n'a pas eu le temps de frapper. Il se tourne vers elle.

- Clara, je te la confie et tu seras responsable de tout ce qui lui arrive. Alors, fais bien attention, je n'aurais aucune clémence !

Il disparait dans la nuit noire. Je croise le regard de ma sœur, elle parait terrorisée.