Parasite

58 4 0
                                    

La voûte céleste était plongée dans la plus grande obscurité, laissant apparaître son magnifique ballet d'étoiles. Un astronome amateur sur Terre sous le ciel le plus pur ne pouvait espérer atteindre cette perfection. Il ne pouvait pas distinguer clairement la myriade de points lumineux, véritables boules de gaz en fusion, former des constellations plus envoûtantes les unes que les autres. Certes, il pouvait voir la majeure partie de ce spectacle spatial, mais ça ne restait qu'une partie. À quoi bon une symphonie à laquelle il manquerait un instrument ? Un tableau sans arrière-plan ? Un livre sans conclusion ? Un film sans décors ?

Cela faisait déjà deux semaines que Céline était sur Lunar Temple, et la nuit était tombée quelques jours plus tard. Depuis, elle ne perdait pas une occasion pour contempler cette magnificence, et elle ne s'en lassait pas. Les étoiles l'avaient toujours intriguée, c'est pour cela qu'elle s'était engagée dans l'Armée de l'air française, pour essayer de les approcher un peu plus. Si elle avait réussi à passer l'école, ses talents de pilote n'étaient malheureusement pas son point fort ; et ses supérieurs avaient découvert qu'elle était un excellent agent de renseignement électronique.

Il fallait comprendre par-là que c'était une as des communications et des messages codés. Depuis, elle restait soit au sol, soit de temps à autres à bord des avions AWACS[1]. Cependant, si elle avait techniquement les qualifications pour prendre les commandes d'un aéronef, piloter de nuit et tenter un appontage demeureraient du domaine du rêve.

Par conséquent, quand elle avait reçu un ordre de mission six mois plus tôt pour le programme Lunar basis, elle avait exulté de joie. Le programme LB avait été lancé au début des années 2020 par un financement international entre la NASA, l'Agence spatiale européenne, l'Administration spatiale nationale chinoise et l'Entreprise d'État pour les activités spatiales « Roscosmos », sous la supervision du Bureau des affaires spatiales des Nations Unies. Il s'agissait de la première étape d'un programme visant à envoyer une mission habitée sur Mars et y développer une base d'expérimentation scientifique. Pour cela, la Lune devait être le siège d'une base avancée à partir de laquelle les fusées partiraient vers la planète rouge, pour un coût minimum en carburant du fait de la faible gravité du satellite.

La première étape consistait à établir une base lunaire, que les colons martiens rejoindraient depuis la Terre à l'aide de VHVS[2] équipés des récents moteurs ioniques. De là, ils partiraient à bord de fusées plus traditionnelles et pleinement équipées pour leur mission martienne. Après plusieurs mois de tractations, il fut établi que deux bases seraient positionnées sur la Lune, une sur chaque face, et utilisées selon celle qui présentait le meilleur rapport carburant/temps de trajet. Il fut décidé que la face visible serait sous la responsabilité américaine, celle de la face cachée sous la supervision de l'Europe et que la Chine et la Russie seraient responsables des trajets Terre-Lune selon les disponibilités de leurs lanceurs.

Pour assurer la continuité du projet de colonisation de Mars, une équipe d'astronautes par base était affectée en permanence sur la Lune pour des missions d'une durée d'un cycle lunaire. Il y avait en moyenne deux à trois missions lunaires par an, en fonction de la position de la planète rouge par rapport à la planète bleue. Et Céline participait à la sixième mission Lunar-Temple. L'armée française l'avait sélectionnée six mois plus tôt pour faire partie du programme spatial, en remplacement d'un désistement. Elle avait suivi un entraînement et une formation pour un séjour prolongé sur la Lune dans un espace réduit ; puis il y a un peu moins de quatre semaines, elle avait été sélectionnée pour être la responsable communication de Lunar-Temple 06.

Sa première mission. Elle pourrait enfin voir les étoiles. De près.

Une lueur rouge clignotante attira l'attention de Céline. Pendant quelques instants, elle se demanda s'il ne s'agissait pas d'une balise, avant de réaliser que c'était la lumière de son intercom qui se reflétait sur la fenêtre blindée à champ de force. Dans la précipitation, elle se retourna vivement et, sous l'effet de la faible gravité, fut propulsée au plafond. Sa grande taille n'aidant pas, elle évita de justesse de se cogner la tête en parant avec ses bras. Elle se rattrapa finalement aux rambardes qui jalonnaient sa chambre en différents points et réussit à se stabiliser. Décidément, elle n'arrivait pas à s'y faire malgré tout son entraînement. Essayant de ne pas faire de gestes trop brusques, elle enfila son uniforme par-dessus son débardeur et le boxer qu'elle portait.

ParasiteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant