Turn our eyes away - Ruby Amanfu

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nb : les récits ne racontent pas l'histoire de la chanson. C'est la mélodie qui m'inspire et me donne envie d'écrire.

"Leaning on the hope that, one day, even we. Oh, one day, even we will be saved."

J'ai l'impression de tomber, de m'écrouler, j'ai cette impression de vide autours de moi. J'ai l'impression que tout est fini. Tout est fini ? Comment y croire, je ne peux pas à réaliser. Devant moi, mon médecin m'annonce, le sourire aux lèvres, que je suis guérie. Je le vois taper dans ses mains énergiquement, pour me féliciter, comme si c'est moi qui avait exterminé cette tumeur. Comme si j'étais allée enfiler des gants de boxe pour le défier en duel. Pourtant je n'ai fait que faire ce que les médecins m'ont ordonnés. Me faire opérer, prendre des médicaments, faire une chimiothérapie, souffrir en silence pour vivre en souffrant. Tout tourne dans ma tête. Je n'arrive plus à respirer, je manque de m'évanouir. Les larmes commencent déjà à glisser sur mes joues rouges. Doucement, je tourne la tête vers la fenêtre, sur ma gauche. Il fait si froid en ce moment, il pleut si souvent. Vivement l'été. Car, oui, je le verrai. Je pourrai mettre cette robe bleu qui traîne dans mon placard et me plaindre de la chaleur en espérant le retour de l'hiver. Aujourd'hui, je vais vivre.

Je reporte mon regard vers le médecin, qui est tout aussi ému que moi. J'ai peur qu'il ne s'agisse que d'un rêve. Je me pince le bras. J'ai peur de me réveiller, toujours malade de ce foutu cancer du sein. Celui qui m'a fait perdre une partie de moi. J'ai peur d'espérer pour quelque chose de faux, encore, comme toujours. Je me fais mal, je me pince jusqu'à entrevoir une marque bien profonde. C'est bien la vie réelle. Aujourd'hui, je suis guérie du cancer. Aujourd'hui, ma nouvelle vie commence.

Je me retourne, surexcitée vers la chaise à mes côtés, elle est vide. Je ne devrais pas être seule aujourd'hui, je ne devrais pas commencer ma nouvelle vie sans mon plus grand soutien. Sans lui. Sans Hugo. Mais aujourd'hui, il n'est pas là. Il faut dire, que notre dispute d'hier était virulente. Pire que les autres, plus importante, plus réelle. Ce que l'on oublie de préciser aux patients, c'est que le cancer n'affecte pas seulement votre vie, mais aussi celle de votre entourage. Il n'infecte pas seulement votre organisme mais celui de vos êtres les plus cher. Il ne tue pas au fil et à mesure une seule vie, mais beaucoup plus. Hugo est malade, pas aux yeux des médecins, pas aux yeux des gens dans la rue. Hugo est malade pour moi.

Moi, Sacha, vingt-cinq ans, je ne suis pas facile, je ne l'ai jamais été. Déjà petite, mes camarades savait qu'il me fallait peu pour m'emporter. J'étais celle qui craquait en premier, et qui s'énervait, qui se mettait à pleurer pour des petites choses insignifiantes. On se moquait de moi car je portais un prénom de garçon. Parce que j'étais plus frêle, plus fragile. Pas étonnant que le cancer m'ait choisit. Il pensait me vaincre facilement, tout le monde pensait qu'il gagnerait au fond. Hugo et moi nous étions rencontrés dans un cinéma diffusant de vieux films près de chez moi. J'y allais seule, c'était mon petit plaisir des mardi soirs. Ce soir là, il diffusait Breakfast At Tiffany's, Hugo assis à mes côtés, par manque de place dans la salle, étrangement remplie, me glissa à l'oreille que mes yeux étaient semblables à ceux d'Audrey Hepburn. Le cinéma était si noir, il ne pouvait rien voir. J'avais trouvé ça déplacé, j'avais eu envie de me décaler. Je n'avais jamais vraiment été à l'aise avec les autres. J'avais trouvé ça aussi ringard que les répliques des acteurs des années 60. Mais voilà comment tout commença, par un faux compliment ringard. Une invitation au restaurant à la fin du film et je fus comblée. Deux ans plus tard, on m'annonçait que j'avais tous les symptômes d'un cancer du sein. La vie d'Hugo s'est arrêtée en même temps que la mienne. Soudainement, il devenait le fiancé d'une future morte.

Hier soir, nous regardions la télévision et Hugo se mit à pleurer. Sur le coup, je n'ai pas compris. Puis la remarque que je venais d'énoncer me revint :

Au rythme des battements de nos coeursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant