I.
Quand Dazai ramena Chuuya au sein de la Mafia portuaire, il avait espoir qu'ils puissent rester à deux. Leurs capacités se complétaient parfaitement : Dazai était axé sur la ruse, Chuuya sur l'action ; l'un pouvait réduire à néant tout pouvoir, l'autre, au contraire, détenait une puissance digne d'un dieu. Mais pour parvenir à leur plein potentiel, il était indispensable qu'ils soient tous les deux.
Ils avaient fait leurs preuves sur l'affaire Rimbaud, improvisant à moitié ce début de complicité. Chuuya avait finalement juré allégeance à la Mafia et à Mori, s'engageant à servir ceux qu'il avait naguère combattus. Il reçut en cadeau le chapeau qui avait appartenu à Rimbaud comme gage d'entrée dans la pègre, et Dazai attendait avec impatience le moment de pouvoir repartir en mission avec lui –pour profiter de sa susceptibilité qui l'amusait, pour apprendre à le connaître, peut-être aussi pour s'excuser, à l'occasion.
Ce jour-là, juste après l'arrivée officielle de Chuuya, il était justement convoqué dans le bureau du parrain. Mori était dans son fauteuil en cuir noir, surplombant tout Yokohama derrière une vitre renforcée.
-Dazai-kun, le salua-t-il sans le regarder.
Dazai vit Eris qui dessinait dans un coin : elle lui adressa un grand sourire qui n'avait rien d'enfantin.
-Je n'ai pas eu l'occasion de te féliciter pour cette dernière affaire, déclara Mori. Tu as bien travaillé.
Osamu se contenta de hocher la tête, humblement, attendant la suite avec un sourire de circonstance –il n'était pas vraiment sincère, rien n'était vraiment sincère chez lui, mais c'était l'attitude la plus appropriée pour l'instant.
-C'est une bonne recrue que tu nous as amenée, également, poursuivit Mori en sirotant un verre de vin. Ce... Nakahara Chuuya. Il est très intéressant.
-Je sais, se permit de commenter Dazai, et sourire lui parut tout un coup moins forcé.
-Je vais le confier à Kouyou.
Cacher ses émotions était nécessaire dans la Mafia. Dazai garda donc une surface impassible, ignora la déception, et releva poliment les yeux sur Mori :
-Ah, vraiment ?
-Oui, oui. Elle saura lui apprendre tout ce qu'il y a à savoir dans le métier. Elle est tout à fait compétente, je lui fais confiance. D'ailleurs, je les ai déjà mis en rapport et le courant est très bien passé. Tu sais comment il l'appelle ? Ane-san.
-Non, je ne savais pas.
Les yeux de Dazai revinrent sur le bout de ses chaussures. Pourquoi se sentait-il aussi déconcerté ? Pensait-il vraiment que parce qu'il avait ramené Chuuya dans la Mafia, il aurait le droit d'être tous les jours avec lui, que Mori le prendrait sous son aile comme il avait fait pour lui ? Il savait que ce n'était que des espoirs vains, il n'espérait rien –mais il ressentait un profond dépit.
Peut-être qu'au fond, il aurait voulu être le point d'ancrage de Chuuya dans la Mafia, son repère, quelque chose qui aurait forcé l'autre garçon à revenir vers lui constamment. Voir qu'il était déjà si à l'aise dans le milieu, qu'il se créait déjà des relations si intimes avec les autres mafieux, lui donnait l'amère impression de s'être trompé.
-Un problème, Dazai-kun ? interrogea Mori en posant son verre.
-Aucun, mentit aisément Osamu.
Est-ce qu'il a deviné quelque chose ? se demanda Dazai sans rien laisser paraître. Est-ce qu'il est possessif, est-ce qu'il m'isole de Chuuya pour m'avoir pour lui tout seul ?
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Cinq fois où Dazai quitta Chuuya, et une fois où il resta
Fanfiction5 + 1. Soukoku pour Saorie-Yuki ♥