"Je me dis alors qu'il ne servait à rien de parlementer avec lui; après tout, il se montrait trop taiseux, cela m'agaçait, et mon humeur ne le poussait qu'à se refermer davantage sur lui-même. Je pris une décision qui me sembla sage; je le laissai tranquille."
"Tranquille; personne ne l'était, mais même mon cousin fit un effort, et le reste de la journée se passa sans trop de difficultés. Les invités revinrent; c'étaient tous des amis de d'Arcourt. Aucune famille, à part sa sœur, n'avait fait le déplacement.
'Ses parents sont morts il y a quelques années; il n'a pas de famille proche, m'expliqua ma mère. Son parrain et sa marraine sont là; cela suffit amplement.
-Sûrement, oui.'
L'argument était loin de me convaincre. Comme ma mère avait vu ma mine perplexe, elle ajouta:
'Ton cousin n'a ni père, ni mère, ni sœur pour justifier de sa situation. Seulement son parrain. Cela ne l'empêche pas d'être une personne de confiance.
-Oui, mais...
-Laisse le bénéfice du doute à d'Arcourt. Il s'est montré charmant avec tout le monde depuis son arrivée.
-Mais sa sœur...
-Laissons sa sœur là où elle est. Tu es assez déterminée et joyeuse pour vous deux. Si tu la hais tant que cela, ne t'en approche pas.'
Je me conformai tant bien que mal à ce conseil. Quand le matin décisif arriva, Lorelei était bien trop heureuse pour que je ne me plie pas aux efforts que j'avais imposés à Maël."
"Ma robe enfilée, je me ruai dans la chambre de ma sœur et m'affalai sur son lit, sous les protestations de ma mère et d'Agathe, le regard abasourdi du coiffeur venu de Nantes et les éclats de rire de Lorelei.
'Iris, me gronda gentiment cette dernière, redresse-toi un peu. Tu vas abîmer ta mise.
-Quand apprendras-tu enfin à te tenir? me tança ma mère.
-Mon chignon est encore en place! protestai-je.
-Au lieu de ralentir Monsieur Dupas, va plutôt voir si la femme de ton cousin s'en sort avec Madeleine.
-Avec Madeleine?'
L'inquiétude grandit en moi. Agathe tenta de me rassurer:
'Je viens de les quitter, et Monsieur Maël était avec elles.
-Vous avez raison, Maman. Je vais y jeter un coup d'œil.'
Je repartis dans le couloir, le traversant pour parvenir à la chambre des époux. Maël n'avait sûrement pas dormi avec sa femme; je l'avais entendu dans la nuit s'installer dans le petit salon, et retourner se changer au petit matin. Même s'il était mon cousin, je n'avais que peu confiance en lui pour s'occuper d'Amal."
"Il se trouvait pourtant adossé contre l'encadrement de la porte, surveillant attentivement les gestes de la femme de chambre avec un regard dur.
'Que s'est-il passé? m'enquis-je.
-Rien, me répondit mon cousin d'un ton étonnamment clair. Je regarde seulement ma femme se faire délicatement et soigneusement coiffer par Madeleine. N'est-ce pas, Madeleine?
-Ou-oui, Monsieur', bégaya faiblement la domestique.
Ma surprise ne fit que grandir. Depuis quand Madeleine avait-elle peur de quelqu'un?"
"J'attendis qu'elle eût fini et qu'elle fût sortie de la pièce pour demander:
'Je peux savoir ce que tu lui as fait?'
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Mémoires du Siècle Dernier, tome 3: Les témoins
Ficción históricaSeptembre 1834, Pays de Retz, Loire Inférieure: Après de nombreux détours et déceptions, tout semble se passer en accord avec la famille de Douarnez: Lorelei, l'aînée, va devenir Madame d'Arcourt. Iris, la cadette, accepte enfin le destin de femme q...