Chapitre 52

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Ma mère était assise au bar, avachie sur le comptoir. A cette heure-là, le café devait normalement être fermé et j'étais surprise de voir que Jack se tenait à la place de Leith derrière le bar, couvant ma mère d'un regard un peu inquiet pendant que Leith rangeait la pièce en essayant de faire comme si de rien n'était.

En m'apercevant, Jack poussa un soupir de soulagement. Il déposa un verre à côté de la bouteille de vin déjà bien entamée par ma mère et contourna le comptoir pour me rejoindre.

« On va vous laisser, avec Leith, m'expliqua-t-il en attrapant sa veste sur le porte manteau, à l'entrée. Appelle-moi quand vous voulez rentrer. On vous raccompagnera.

- C'est gentil, murmurai-je. Désolée du dérangement.

- Ne t'inquiètes pas, va, me rassura doucement mon patron. Je serais un bien piètre tenancier si je laissais quelqu'un dans le besoin de chaleur humaine sur ma porte.

- Elle ne vous a pas embêté ? m'enquis-je quand même tandis que Leith déposait son balais pour imiter son père et enfiler sa veste.

- Non, c'est une amie de la famille, ajouta gentiment le serveur. Va t'occuper de ta mère. »

Je les remerciai silencieusement, d'un sourire un peu trop inquiet pour être tranquille et rejoignais à grande enjambées ce qui me semblait être le corps quasi inanimé de Sam Green. Grimpant sur le tabouret du bar, je me servais un verre de vin. La clochette de la porte tinta et je sus que nous étions seules dans le café.

« J'espère que c'est important, murmurai-je, en remuant le liquide rouge dans mon verre. J'ai quand même annulé un rencard pour toi. »

Ma mère ne réagit même pas. Je vis son dos s'arrondir, comme lorsqu'on prend une profonde inspiration puis se creuser. Au moins, elle respirait. C'était déjà une bonne nouvelle.

« Maman, c'était une blague, hein... m'excusai-je en reposant mon verre et en me penchant vers elle. »

Elle sentait le vin, un peu de son parfum au musc de lavande et la mer.

« Carly... hoqueta-t-elle tout à d'un coup. »

Sam se redressa brusquement, m'effrayant un peu au passage. Son maquillage avait presque disparu. Ses yeux étaient gonflés, ses joues, rouges et humides. Quelques larmes restaient encore accrochées à ses mèches de cheveux tandis que d'autres roulaient encore jusque dans son cou.

« Je suis là, maman, la rassurai-je. Tu me dis ce qu'il va pas ? »

Elle hocha la tête, chassa quelques larmes du revers de la main et renifla bruyamment. Comme une Green.

« C'est Viktor, marmonna-t-elle après ce qu'il me parut être une vie de suspens. »

Sam attrapa la bouteille et la porta directement à ses lèvres.

« Il m'a quittée, avoua-t-elle finalement après avoir avalé au moins cinq bonnes gorgées sans respirer. »

J'en restais estomaquée. J'ignorais que ça n'allait pas entre eux.

En y repensant, j'ignorais beaucoup de chose sur les relations de ma mère. Je savais qu'elle s'entendait très bien avec Eva, qu'elle rencontrait régulièrement Jack et qu'ils faisaient le marché ensemble, le samedi matin quand elle ne travaillait pas. Je savais que ma mère était en couple, mais je ne savais rien de Viktor et d'eux.

« J'aurais dû m'en douter quand il a commencé à annuler nos sorties... murmura-t-elle. Mais comme il continuait de répondre à mes messages et qu'il venait me voir au travail, j'ai voulu faire la sourde oreille. »

Moi, mon Portable et l'Idiot d'en FaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant