Chasseur (Parution 01 septembre 2021)

Chapitre 3

17 ans plus tard.

1818.

- Non, Agate ! Reviens ici !

Tous les jours c'était la même chose : je devais me battre avec ma propre fille pour l'habiller. Agate courait autour de la table de la cuisine pour m'empêcher de lui passer sa robe, suivie de notre fidèle compagnon, Ul. À à peine 4 ans elle arrivait à faire tourner son père en bourrique. Je commençais à perdre patience.Tourner autour de cette table dans une ronde infinie commençait à me peser sérieusement.

- Arthur ! Viens m'aider !

Dans mon dos,le bruit de l'escalier, dévalé par mon fils, retentit. J'avançais de deux pas de façon à garder Agate à l'œil tout en étant capable de voir Arthur arriver. Quelques secondes plus tard, il apparut et s'appuya nonchalamment à l'encadrement de bois qui servait d'entrée à la cuisine. Je le fixai avec insistance mais il se contenta de sourire de toutes ses dents.

Se ficher de moi était son passe temps favori.

- Bah alors, qu'est ce qui t'arrive ?

- Idiot ! Attrape ta sœur !

Arthur posa un genou au sol et se contenta d'appeler sa cadette, qui accourut sans protester. Je lâchai un soupir, dépité par l'aisance avec laquelle il faisait ce qu'il voulait de cette gamine.

- Eh bien ? On ne veut pas s'habiller ? dit-il en soulevant sa sœur.

Agate lui attrapa les cheveux et les tira. Arthur se débattait gentiment pour la faire rire. Ses cheveux ébène n'étaient pas coiffés et se dressaient en épis de tous les côtés, jusque devant ses yeux marrons aux éclats or.

            Je regardai mes enfants chahuter. Ils avaient grandi. Ils étaient beaux. Je regrettais que Susanne ne soit plus là pour le voir.

Quelques jours après l'arrivée d'Arthur, elle avait donné naissance à un mort né et quelques années plus tard nous étions parvenus à concevoir Agate. Cette merveilleuse enfant aux cheveux aussi blonds que ceux de sa mère et aux yeux bleus-gris de son père. C'est en lui donnant naissance que Susanne était partie. Arthur avait alors 13 ans.

Je laissai ces souvenirs douloureux derrière moi et m'approchai de mes enfants. Je tendis à Arthur les vêtements de sa sœur, qu'il lui enfila aussitôt.

- Je serais dans mon bureau, si vous avez besoin.

- Intervention de ce soir ? demanda Arthur.

Je hochai la tête.

           En apparence, j'étais scientifique. Mais Arthur connaissait la réelle nature de mes activités, bien qu'il ignorât la vérité sur sa mère biologique et ses origines.

           D'un pas traînant je montai à l'étage et me dirigeai vers mon bureau, y entrai et refermai la porte derrière moi. Je tournai la clé dans la serrure et entendis le clac satisfaisant du verrou qui se fermait. Je ne voulais pas qu'Arthur découvre des choses qui le mettraient sur la piste des recherches que je menais parallèlement à celles de mon travail. Depuis quelques temps, une inquiétude croissait en moi. Quand je l'avais ramené à la maison dix-sept ans plus tôt, il y avait une chose dont j'étais persuadé : Arthur n'avait pas hérité du gène du Loup-Garou. Il ne s'était pas transformé le soir où sa mère avait été tuée, et c'était alors une preuve suffisante à mes yeux. Toutefois, depuis quelques temps,cette certitude se voyait ébranlée.

           J'avais alors entamé des recherches. Je cherchais toutes les informations possibles jamais rassemblées sur les Loup-Garous. Depuis quelques mois, les nuits d'Arthur étaient agitées et spécialement celles de pleine lune. Ce qui m'avait alarmé au plus haut point. Sommeil mouvementé, cauchemars... parfois même, il saignait du nez et souffrait de maux de tête.

           Arthur nem'en parlait pas. Il était bien trop fier pour ça. Mais sa chambre et la mienne étaient proches et j'avais déjà plusieurs fois été témoin de ses réveils brutaux en plein milieu de la nuit.

          Cependant,mes recherches n'aboutissaient pas. Au fond de moi, je me doutais que le pire pouvait arrivé, mais je refusais de le voir. Il s'agissait de mon fils.

          Je me plongeai donc dans la préparation de l'intervention du soir. Il fallait que je me concentre sur autre chose... Comme une bonne chasse au vampire.