- Épouse-moi et sors-moi d'ici, reprend-t-elle.
Je sais qu'elle est sous le choc mais de là à me demander de l' épouser, c'est complètement fou.
- Je...
Je n' arrive pas à formuler une phrase correcte pour lui répondre. Je ne veux pas la décevoir mais mon voyage est dans seulement quinze jours et elle n'en sait encore rien.
Son regard confus cherche le mien qui fixait un point invisible sur le sol.
- Tu ne sais pas comment j'ai passé ces deux mois ici. J'avais la peur dans l'âme, je tremblais à chaque fois que je le croisais. Après l'école, je m' enfermais dans ma chambre et avant de sortir, je devais vérifier plus d'une centaine de fois qu'il n' était pas dans les parages. Ce n' est pas une vie ça, John. Il est revenu pour de bon et moi, je n' arrive pas à le supporter...
Elle porte ses mains à son visage et se lève par terre pour s' asseoir sur son lit. Je la rejoins et j'enroule mes bras autour de son cou avant qu' elle ne décide à se coucher sur mes jambes.
- Je te jure que je fais tous mes efforts pour vaincre mes pensées suicidaires, explique-t-elle. Je ne suis plus une adolescente qui cherche l'attention des gens, je devrais pouvoir aller mieux depuis toutes ces années. Mais il y a toujours cette main invisible à vouloir me pousser dans le vide, cette petite voix qui, à chaque fois que j' essaie d' avancer, tente de me rabaisser. Tu sais, j'ai sauté de joie en voyant les résultats aujourd'hui mais en rentrant à la maison, la solitude s'est emparée de moi. Je n'avais personne, personne avec qui je pouvais partager cette joie, personne à me féliciter. Ma mère était à une réunion de prière et mon père...pardon, "mon géniteur" s' occupait de Tara. Je ne pouvais pas t' appeler non plus. Alors, je suis rentrée dans ma chambre et j'ai parlé aux murs. "J'ai réussi", leur ai-je dit. Je ne sais pas si je m' attendais à une réponse mais au bout de quelques minutes, je me suis sentie déçue, vide, inutile et seule. J'ai regardé par la fenêtre et c'est là que je me suis dite: "En voilà une bonne idée, jette-toi de là et qu'on en finisse une fois pour toutes"...
Chaque mot qu'elle prononce me poignarde le coeur. La mélancolie prend possession de sa voix et je ne peux que lui masser la nuque pour la détendre un peu.
- Comme toutes les autres fois, je n'ai pas eu le courage de le faire. Alors, je me suis juste assise sur l'encadrement comme attendant à ce que quelqu'un vienne et me donne un coup de pouce. C'est comme une personne qui refuse de se tuer mais qui prie à ce que quelqu'un lui prépare du poison, tu vois le genre?
- Hm mh, marmonné-je.
- J'ai pensé à ma petite soeur, à ma mère, à Anthony. J'ai pensé à toi, continue-t-elle en se tournant face à moi. Puis je me suis dite que vous auriez compris pourquoi si je parvenais à le faire.
- Je n'aurais pas compris, rétorqué-je d'une voix neutre. Ta petite soeur non plus. Ni personne d' ailleurs. On t' aurait haïe du plus profond de notre être parce que tu n'avais pas le droit de nous abandonner. Ce serait nous offenser, nous autres qui continuons à nous battre contre cette vie. Ne pense pas non plus que tu serais restée ancrée dans notre mémoire. Personne ne se souvient des lâches.
Qu' importe la dureté de mes paroles! Il y a des vérités qu'on doit dire sans tourner autour du pot.
- Je ne peux être brave que si je suis avec toi, réplique-t-elle en se redressant. Il n' y a que toi qui arrives à me faire voir la beauté de la vie. Tu t' absentes quelques mois et regarde ce qui a failli arriver. Imagine si tu devais partir pour toujours.
C'est dans ces genres de situations que l' attachement peut se révéler un problème. Je pars dans quinze jours et elle me dit être dépendante de moi!
- Tu es comme le fil qui me lie à la vie. S'il est coupé, je...
- Assez, la coupé-je en me levant. Arrête de dire toutes ces choses, ce n'est ni drôle ni rassurant.
- J'essayais juste de te dire que j'ai besoin de toi, s' attriste-t-elle.
Je reviens vers elle et m' accroupis devant ses pieds. Je lui prends la main pour tenter de la raisonner:
- Écoute, je peux comprendre que je compte pour toi et crois-moi c'est réciproque. Mais souviens-toi de ce que je t'ai dit sur l' éternité. Il se pourrait que la nôtre ne soit pas si longue qu'on l' aurait souhaité. Je sais qu' en étant amoureux de toi ça fait drôle que je te dise ces genres de choses mais je dois le faire...pour ton bien. Je veux que tu te trouves une raison de vivre juste parce que tu es venue en ce monde , pas que je sois la raison qui te maintient en vie. Je ne veux que tu ne dépendes de personne, pas même de moi. Les gens dans ta vie sont importants mais pas indispensables. Tu n'as besoin que de l' oxygène pour vivre. Tu n'as pas à vivre pour moi ni pour x ou y mais pour toi seule. Il n'y a qu' ainsi que tu pourras trouver ton véritable bonheur et s'il te vient à l' idée de te refaire du mal un jour, tu sauras qu'un être aussi merveilleux que toi mérite de vivre, Valen.
- Emy.
- Quoi?
- Appelle-moi Emy de préférence. J'ai l' impression d'être quelqu'un d'autre quand tu m' appelles ainsi.
- Je croyais que tu n'aimais pas, lui rappelé-je.
Elle prend un moment de silence puis revient au sujet précédent:
- Je comprends ce que tu me dis mais s'il n'y a rien ni personne qui nous attache à ce monde, on ne pourra pas survivre longtemps, pas vrai?
Je baisse la garde, réalisant qu'elle et moi avons toujours eu des points de vue différents. Je m' assois à mes côtés et elle pose sa tête sur mes épaules.
- Tu ne pourras pas comprendre puisque tu n'as pas vécu tout ce que j'ai vécu, dit-elle. Tu es psy, tu as été formé pour remonter le moral. J'ose espérer qu'un jour je puisse mettre en pratique tout ce que tu me dis là mais la force nécessaire me manque en ce moment. Je veux avancer mais tellement de choses me retiennent sur place! Tout ce que je peux te promettre pour l' instant, je te le jure même, c' est que peu importe la situation je ne penserai plus à mettre fin à mes jours. Je laisserai le Bondieu décider de tout ça.
Je souris. Mon être est comme réanimé.
- Le psy avant ta mère a vu juste: je ne peux pas rester dans un endroit qui me rappelle le traumatisme que j'ai subi. Tu le sais, toi aussi. J' en ai assez d' essayer de démontrer une force dont je suis dépourvue en réalité. J'y suis restée parce que je voulais qu'il se rende compte qu'il n'a pas réussi à me détruire, que cette chambre est la mienne et qu'il ne pourra pas me l'enlever. Mais je me fais du mal. J'ai constamment peur qu'il y remette les pieds de nouveau durant mon sommeil.
Elle respire profondément et reprend:
- Ma mère dit qu'il a changé, j' essaie de croire ça parce que c'est le mieux pour Tara. Tu aurais dû voir comment ces deux-là s'entendent. Peu importe la haine que je lui porte, je ne peux pas le séparer d'elle. Mais moi, je peux m' en aller. Je le veux. Je passerais la voir de temps en temps.
Elle relève la tête et du bout des doigts , m'oblige à la regarder:
- Alors pour une dernière fois, John, veux-tu m' épouser et me sortir d'ici?
Comment lui dire non si je suis la seule personne à pouvoir l' aider? Comment lui dire oui alors que je m' apprête à partir? Je n'ai même pas le courage de l'en avertir, je sais que c'est la dernière chose qu'elle voudrait entendre et je lui ferais encore plus de mal comme ça.
- On passerait juste un acte civil en présence de quelques personnes. On pourrait s' installer chez ta mère en attendant, elle m' apprécie d' ailleurs. Je sais que ce ne sera pas facile au début, sachant dans quel pays on vit mais tu as un job heureusement, je me débrouillerais à me trouver quelque chose de rentable à faire aussi pendant que j' étudie. Après, on se louerait une chambre et si la chance est de notre côté, on postulerait à des programmes de bourses pour poursuivre nos études ensemble à l' étranger...On aurait même pas à s' acheter de nouveaux vêtements pour le mariage. D'ailleurs, je n' aurais pas de problème à porter encore cette robe-là que je por...
- Oui, m' exclamé-je en lui coupant la parole. Oui, je veux t' épouser, Emy.
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Emy, Je Suis Fou De Toi (Tome 1)
RomansaJohn, un jeune psychologue fraîchement diplômé, doit convaincre sa patiente qu'il surnomme Emy à tomber amoureuse de lui afin de la sortir de la dépression d'où elle est plongée depuis son viol. ~~~ En amour comme à la guerre, tout est permis. John...