Journal de Barthélémy Volk. Mercredi 3/11/3013

55 10 51
                                    


Oui, ainsi débuta cette histoire. J'ai passé la journée entière, et une bonne partie de la nuit, à relire mille ans de l'histoire de Marseille. Puis j'ai ressenti le besoin de parcourir une énième et dernière fois les lignes de Violaine, ma lointaine ancêtre, si jeune, à l'époque, pour une telle charge !

Après s'être attribué face au public la paternité entière du champ gravitationnel, César entama son chantage avec les membres de la municipalité. Il avait gagné le soutien des habitants, foule aveugle voyant cet homme comme leur sauveur. Ainsi, personne ne sut comment, mais une semaine après la catastrophe, César prenait le pouvoir dans la ville.

Il avait préparé ses affaires. Dès le jour suivant, des frontières furent établies aux limites de la ville, et toute entrée ou sortie de Marseille fut abolie. César devint le maître absolu de la ville, disposant de tous les pouvoirs, ne souffrant aucune opposition. Il installa son gouvernement dans la cathédrale de Notre-Dame, où il se trouve toujours. Lieu mythique pour César, la position était également stratégique : l'édifice est le plus haut du centre de la ville.

Violaine quant à elle assura le relais de son père. Elle supervisa la construction d'un accélérateur à particules dans les anciens tunnels du Prado et du vieux port, afin de renouveler les gravitons des champs.

Comment d'ailleurs fonctionnent ceux-ci ? Ils créent, à partir d'un générateur principal situé dans le marégraphe de la corniche, une attraction d'une force inouïe sur les eaux. Cette force est concentrée à quelques centaines de mètres des côtes, attirant les eaux vers cette limite invisible, et les empêchant, paradoxalement, de la dépasser.

Marseille enfermée entre quatre murs. A l'est et au nord en briques, au sud et à l'ouest en gravitons. Le champ gravitationnel empêchait un accès à la mer, ceux en béton au continent.

Voilà, je crois ce journal terminé. Peut-être le destin fera-t-il en sorte de le préserver de la catastrophe que je m'apprête à déclencher. Le monde pourrait ainsi comprendre la deuxième génération de César de l'Histoire.

Il est cinq heures et cinq minutes. Drôle d'heure. Comme si les deux cinq voulaient me rappeler le compte à rebours que je m'apprête à déclencher. Dans précisément quarante-deux minutes, j'arrêterai le générateur principal des murs gravitationnels, situé sur l'ancien marégraphe de la corniche. Les flots lentement monteront sur Marseille, reprenant le droit de la submerger, comme ils auraient dû le faire depuis longtemps.

Alors, cette mascarade pourra enfin cesser. La Marseille des César, qui n'aurait jamais dû exister, n'existera plus. J'espère que César permettra aux habitants de s'échapper. Sinon ils périront, mais cela est nécessaire. Moi, j'attendrai vers les frontières, espérant pouvoir m'échapper. Mais, même si César ne m'attrape pas, la maladie qui me ronge depuis des mois se chargera de ma mort bientôt.

L'homme qui arrêta les flotsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant