Chapitre 1

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Aujourd'hui était un grand jour pour Charlie. Et pourtant celui-ci commença comme elle en avait l'habitude. Elle balança son bras de la même manière que les jours précédents afin d'éteindre le même réveil qui hurlait la même sonnerie depuis qu'elle l'avait trouvé et réparé. Elle grogna, comme à son habitude puis après s'être frotté ses yeux en amandes, se leva enfin. La tête encore dans les nuages, elle se dirigea vers la vieille salle de bain au bout du couloir, se lava rapidement, et s'habilla d'une des tenues officielles. Un pantalon bleu et une veste blanche, avec l'insigne de la Nation qui brillait sur son coeur, une balance avec un oeil, avec dans une main un arbre et de l'autre un livre ouvert. Celui-ci représentait la Grande Nation, maîtresse de la nature et du savoir. Et c'est justement cette Grande Nation qui avait décidé que ce jour serait spécial pour Charlie et les autres élèves de sa division. Aujourd'hui était le jour où ils passeront leur examen. C'est ce jour là qui sera définitif pour son avenir, pour son rang, sa classe, son métier, son époux, sa famille. Un examen mêlant savoir et nature. Enfin, cet examen était plutôt une épreuve traditionnelle, Charlie le savait déjà, malgré ses 16 ans, que tout était déjà plus ou moins joué d'avance, par la place des parents dans la hiérarchie. Mais c'est une idée qu'elle gardait bien pour soi, la balance avec son oeil était partout. Et c'est justement à cause de la place de ses parents dans la hiérarchie que cet examen était décisive pour Charlie, celle-ci avait été née d'un non-mariage, ce qui l'a tout de suite propulsée, elle et sa mère, aux plus bas échelons de la société, comme en témoignait la seule barre argentée qui ornait son épaule. Malgré tout, elle se sentait reconnaissante, comme sa mère lui avait toujours demandé de l'être, de ne pas se retrouver aux grilles. Privilège encore lié à la hiérarchie sociale, sa mère étant haut placée avant de tomber enceinte. Elle se devait donc de réussir pour espérer avoir une place moyenne, avoir le droit à deux enfants, le rêve de toutes les petites filles, et surtout, de rendre fière sa mère dont la perte de ses bandes argentées l'avait énormément affectée, le rêve le plus grand de la jeune femme. L'épreuve était anodine mais reflétait néanmoins les moeurs de vigueur de la Grande Nation, les élèves, placés dans un trou avec des murs de 6 mètres de haut devaient s'en échapper, à l'aide d'un gadget qu'ils auront eu toute l'année pour peaufiner. Ensuite sortis, ils devront arriver le plus rapidement possible à la grande tour, siège du gouvernement, devant lequel les attendrons leur avenir. Bien sûr cette épreuve était donc biaisée, la qualité du gadget dépendait des matériaux qui avaient été payés par la famille. Et des légendes racontées par des papiers-volants qu'il fallait plutôt ne pas regarder disaient que les plus grandes familles trichaient aussi lors de la course, en faisant amener une voiture. Mais Charlie restait plutôt confiante. Elle s'était entraînée pour cette course et y passait d'ailleurs tout son temps libre, ce qui lui avait sculpté un corps plutôt masculin. Quant à son invention, elle avait fouillé la Décharge de fond en comble afin de trouver les pièces qui lui fallait pour donner à naissance à ce qu'elle avait appelé Gecko, il s'agissait de mitaines comparables aux gants des armures de l'Ancien Temps, avec un système d'aspiration d'air afin de lui offrir une adhésion complète aux murs du gouffre, dits absolument lisses. Elle emplit le réservoir de son gadget du liquide noir et gluant qu'elle avait eu de la peine à trouver et s'en alla avec dans son sac les deux bouts de ferrailles sur lesquels reposait l'entièreté de sa vie. Outils qu'elle n'avait même pas eu la chance de tester sur elle, du fait du manque du précieux liquide, mais elle ne préférait pas y penser non plus. Elle pensait surtout à rien, et continua cet inactivité mentale sur la route vers le grand bâtiment de l'École. Debout au fond du bus avec les autres à une seule bande, elle regarda les immeubles défiler, puis les habitations laissèrent place aux grandes tours de bureaux où elle travaillera peut être un jour, aux halls remplient de commerces dans laquelle elle n'avait jamais eu le temps de flâner. Au loin, un seul point semblait être immobile, si éloigné, si imposant. L'oeil géant de la balance d'argent qui se dressait au sommet de la plus haute tour : celle de la Grande Nation. Elle descendit enfin, et se retrouvera dans un groupe de jeunes comme elle, avec qui elle avait passé toute sa jeunesse mais qu'elle ne connaissait pas, elle n'avait jamais pris le temps de les connaitres, elle ne voulait pas perdre du temps à cette hypocrisie qui se voyait sur les visages de ces enfants se souhaitant bonne chance. Ils reprirent une autre navette, où là aussi elle dû se mettre au fond, debout, avec seulement deux autres élèves. Ils échangèrent quelques regards désolés, mais aucun ne parla. Ils savaient eux, plus que les autres assis devant. Ils savaient que non, il n'y aura pas de "bonne chance", car ce que l'on se souhaitait réellement c'était que les autres n'y arrivent pas. Il fallait bien des perdants pour avoir des gagnants. Et des perdants il y en aura cinq sur ce groupe de quarante. Mais la chance de réussir n'était pas une probabilité de l'effectif gagnant sur l'effectif total, cette chance de réussir s'amenuisait lorsque le nombre de bande argentée sur l'épaule s'amenuisait. C'est pour ça qu'au fond on ne la souhaitait pas. C'était à présent des quartiers qu'elle ne connaissait pas qui défilaient par la fenêtre, mais il y avait toujours l'oeil au loin. L'oeil qu'elle devra suivre. Aujourd'hui et pour le restant de ses jours. 

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⏰ Dernière mise à jour : Apr 20, 2020 ⏰

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