Je m'assis lourdement sur le sable, le dos contre un bateau.
Des larmes brûlantes perçaient mes yeux pour venir dégouliner le long de mon nez.
Mon monde venait de s'écrouler, James Sharper venait de le témoigner.
Un moyen ?! Il n'y en avait aucun. Je le savais éperdument pour l'avoir cherché toute ma vie. Ma vie -enfin, ce qu'il en restait- était un enfer.
Je pleurai toutes les larmes de mon corps; et si ce n'était pas un mensonge ? Si c'était la vérité ? Je voulais savoir, je voulais connaître la vérité. Toute la vérité.
Un larme vint atterrir sur ma bouche, je l'avalai et grimaçai à cause de son goût salé.
Sharper me rejoignit et s'assit à mes côtés. Il ne parla pas, je n'en avais pas l'intention. Nous fixâmes tous les deux la mer en silence, écoutant le bruissement des vagues sur le rivage.
Finalement, il céda:
- Je crois que nous sommes partis sur de mauvaises bases, expliqua-t-il, je me représente donc; je suis James Sharper, et vous ?
Il attendait visiblement une réponse. Je le regardai droit dans les yeux et répondis, le plus diplomatiquement possible:
- Allez vous faire foutre.
Bon, d'accord, c'est pas très diplomatique.
- Je vois, on est fâché ? Parce que moi, je ne le suis pas du tout !
- Arrêtez, Sharper, vous faites pitié et êtes un très mauvais comédien.
- Enfin une phrase à peu près aimable ! sourit-il.
- Z'avez une drôle façon de voir le mot aimable.
- Oui, c'est vrai, admit-il.
- Vous êtes bizarre.
Il hocha la tête en souriant. Ce coco-là, j'allais avoir du mal à m'en débarrasser. Je soupirai et plongeai mon regard dans l'océan.
- C'est beau, hein ?!
- Foutez-moi la paix ! Allez emmerder quelqu'un d'autre ! rugi je.
- Votre vocabulaire laisse penser que vous êtes énervée.
- Très bien ! Vous avez fais combien d'années de philo pour dénicher ça tout seul ?!
Sharper me fixa d'une mine de déterré. Puis il lança, soudain offensif:
- Vous n'en avez pas marre d'être aussi désagréable ? Vous êtes vraiment invivable !
- Eh bien, allez-vous en !
Sharper se ferma comme une huître et commença à se lever. Je le regardai faire, sans l'en empêcher. Il m'observa de travers.
- Ben quoi ?! grognai je.
- Au revoir.
- Adieu, plutôt.
Il soupira et me regarda.
- Tu es belle, Vérity, belle et encore jeune.
- Arrêtez de vouloir m'appâter.
- Tu as toute la vie devant toi.
- La vie qu'on m'a offerte ne m'a jamais convenue, cette vie n'est pas une véritable vie.
- Profite au moins de ce qu'il en reste !
- Sharper, quand vous aurez compris qu'il ne reste rien de ma vie, vous pourrez revenir.
- Tu ne vois pas que tu es en bonne santé, que tu as la vie pour toi !
- James Sharper ! Je ne suis pas humaine, vous le comprenez, ça ?!
Il se figea.
- Je le sais, vous le savez, pourquoi se mentir ? dis je.
- Je...je...
- Ma vie n'a jamais donné rien de bon, pour peu qu'on puisse appeler ça une vie.
- Mais...
- Partez, Sharper, que je puisse méditer mes dernières pensées.
- Tu vas te tuer ?
- C'est la seule façon d'abréger mes souffrances.
- Vas là-bas, essaye.
- Je ne peux pas.
- Tu ne veux pas.
- Non, Sharper, je ne peux pas.
- Comment ça ?
- Revenir reviendrait à dire que je suis prête à recommencer, alors que, au contraire, je veux finir.
- Tu veux en finir ? Maintenant ?
- Oui, mais cela, je veux le faire seule.
- Bien, adieu, dans ce cas.
Je ne répondis pas, des larmes aux frontières des yeux. J'allais mourir, pour de bon. J'allais abandonner cette enveloppe charnelle et mourir.
Sharper partit donc après un dernier regard en ma direction.
Du coin de l'oeil, je le regardai partir en me disant que c'était la dernière personne que je voyais. Je le détaillai: grand, des cheveux noirs en bataille, des épaules carrées... J'essayai de me rappeler son visage; yeux verts et rieurs, sourire en coin, peau hâlée... Beau spécimen, quoique trop jeune pour moi. Il doit avoir quarante ans, j'en ai des milliards ! Je pourrais être son arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière etc... grand-mère !
Je reposai mes yeux sur le sable. De si petits bouts de monde, et en même temps, de si important bouts de monde. Ces grains de sable servent de maison à de nombreuses espèces animales et portant, ils sont tout petits.
Je balayai la plage du regard; James Sharper avait disparu.
Je me levai, essuyai le sable qui s'était déposé sur mes habits et contemplait la mer. Je redressai la tête de façon à voir le soleil; déjà dix heures. L'heure de mourir. Je réfléchi à la meilleure façon de mettre fin à mes jours; il y en a des dizaines. Mais au fond, on ne meure jamais vraiment, on reste vivant dans le cœur de nos connaissances. Donc, je ne mourrai jamais pour de vrai. Bref.
La noyade ? C'est pas mal comme mort, c'est sympa de mourir en nageant, au moins, je servirai de nourriture aux poissons.
Mais non, parce que si qu'un parvient à me repêcher, je suis mal.
Donc...
Le saut du haut d'une falaise ?
Non, mauvaise idée, je pourrais survivre (des fois que mon corps aurait l'idée de tenir le coup).
Bon, réfléchissons...
Tic tac, tic tac, tic tac...
Le temps passait et aucune bonne idée ne me venait à l'esprit.
La pendaison, même pas la peine, je n'ai pas de corde sous la main.
L'étranglement, mes mains ne pourraient si résoudre.
L'étouffement, ma trachée serait capable de recracher.
Une balle en pleine tête, je n'ai pas de pistolet.
L'enterrement, qui me recouvrirais de sable ?
Le hachement, me couper n'est pas une bonne idée.
L'écrasement, qui m'écraserais ?
Il ne restai qu'une seule solution: m'enfoncer une pointe dans le cœur ou dans un autre organe important.
Je cherchai dans mon sac mais il n'y a rien. Je fouillai la plage du regard et découvris un couteau sur le sable !
Merci, Sharper, pensai je.
Je me saisis de l'objet et le retournai dans mes mains moites. J'observai l'objet qui allait mettre fin à mes jours. La lame brillait d'une lueur cruelle dans la lumière du Soleil.
Et je me rendis compte que j'avais peur. J'avais peur de la mort. Pourtant, la mort est le prolongement de la vie, alors pourquoi avoir peur ? Et soudain, je compris; je n'avais pas terminé toutes mes missions sur cette terre. Une encore restait à faire. Et je savais qu'elle était cette tâche. Car c'était pour la remplir que j'étais assise sur cette plage. Je me redressai d'un bond. Je ne pourrais mourir qu'après avoir mené ma mission à bien. Je fourrai le couteau dans mon sac et mis ce dernier sur mes frêles épaules. Je courut ensuite vers...peu importe. Finalement, j'arrivais sur un petit coin de verdure où je savais que Sharper serait. J'avais raison. Il était bien là, il m'attendait tout souriant. Et je me pris à sourire moi aussi. Parce que j'avais compris. J'avais compris que toute vie mérite d'être vécue. Toute vie mérite qu'on se batte pour elle. Et j'avais décidée de me battre pour la mienne. Car, en fin de compte, elle n'était pas si mal. Enfin, j'essayais de m'en persuader.
- La tentation est trop forte ? me demanda James.
- Non, c'est juste que je n'ai pas fini un boulot cher à mon cœur.
- Alors tu viens ?
- Je viens.
- À la bonne heure ! s'exclama-t-il, suis-moi, j'ai un moyen de transport assez rapide.
- Parfait.
Je le suivais jusqu'à un port où nous slalomâmes entre les bateaux avant de nous arrêter au niveau d'un yatch de luxe.
- Votre carrosse, milady.
- Tu n'y vas pas avec le dos de la cuillère ! m'enthousiasmai-je.
C'était décidé, je le tutoyais.
- Vu le voyage qui nous attend, nous serons plus à l'aise dans le luxe.
- Mais bien sûr...
Je soupirai; avec Sharper comme compagnon de bord, la traversée ne serait pas de tout repos. Je montai tout de même à bord de son yatch de luxe et m'installai dans la cabine. Je balançai mon sac sur un canapé et m'affalai à côté. James Sharper devait vraiment être important aux yeux des Anciens pour avoir droit à autant de biens. Il entra d'ailleurs à ma suite:
- Eh bien ! Vouloir mettre fin à ses jours semble fatiguant, en vous voyant.
- La route est longue, je préfère prendre mes aises.
Sharper sourit et s'assit à mes côtés.
- Les Anciens m'ont prévenus que tu ne serais pas douce.
- Ils avaient raison de vous mettre en garde, je suis aussi douce qu'une lionne enragée.
- Ils m'ont aussi demandé de te remettre ça.
Sharper tira un coffret de bois de dessous le canapé et le le tendit. Je le pris de mes mains moites et tremblante.
- Je vais me retirer, car si cela était confidentiel...
Je le chassai d'un geste agacé de la main comme on chasse une mouche. Sitôt qu'il fut partit, j'ouvris le petit coffret avec appréhension et excitation. À l'intérieur se trouvait une sorte de balle bleue foncé, une lettre et un collier. Je pris la lettre et la décachetait. L'écriture qu'elle contenait était fine et penchée. Il fallut que j'apaise ma respiration pour commencer ma lecture:
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Rien Que La Vérité
Mistério / SuspenseVous avez l'impression que tous les mystères du monde sont résolus ? Vous vous trompez lourdement. Il existe un secret enfoui depuis la nuit des temps, un secret lourd à porter, un secret qui concerne le passé, le présent et le futur. Il existe en...