La porte se referma sur le passage de ces trois traîtres. Je pestai intérieurement. Ils s'étaient tous convaincus de ma culpabilité, alors que je n'avais été qu'une victime de leurs propres échecs. J'avais éliminé les joueurs par nécessité, non pas par plaisir.
J'entendis le feu crépiter faiblement derrière moi. Je grimaçai. Le Maître aurait tout de même pu choisir une mort moins douloureuse. Surtout après le magnifique spectacle auquel il avait assisté, grâce à moi. La partie aurait certainement été moins amusante à regarder avec un autre joueur en guise de Reine.
A mon grand étonnement, le tapis roulant restait toujours aussi immobile. Une panne de courant, peut-être ? J'espérai que le Maître se débarrassât vite de moi, car ces liens qui enserraient mes poignets et mes chevilles me faisaient terriblement souffrir.
Le bruit d'une porte qui claqua derrière moi me parvint soudainement, tandis que je pus percevoir de légers pas se rapprocher. Confuse, je me débattis autant que mes cordes me le permettaient. Qu'allait-il m'arriver ?
-Ne bouge pas.
La voix féminine me glaça le sang, tandis que le mystérieux individu me trancha les liens d'un coup sec à l'aide d'un couteau. Perdant l'équilibre à cause de mes membres légèrement engourdis, je m'étalai de tout mon long sur le sol de pierre. Je levai la tête vers une femme d'une beauté sans pareille, vêtue d'une longue cape noire à capuche qui faisait ressortir le rouge vif de ses lèvres pulpeuses et qui recouvrait une robe victorienne absolument magnifique. Cette dernière me tendit la main et m'aida à me relever. Je l'admirai, perplexe, tout en massant mes poignets douloureux.
-C'est vous, le Maître ?
La femme gloussa faiblement, sa main devant sa bouche. Son rire était aussi charmant qu'une douce mélodie.
-Tu peux me tutoyer, tu sais.
Elle semblait tout droit sortie d'un conte de fée. Rien à voir avec l'image sévère que je me faisais d'un vil Maître de jeu terrifiant et peu agréable à regarder. Comme elle ne semblait pas encline à me vouloir du mal, ou du moins pour le moment, je me détendis un peu.
-Pourquoi ne pas m'avoir jetée dans le feu ?
La dame prit un air horrifié.
-Et perdre un chef-d'œuvre tel que toi ?! Hors de question ! Tu m'es bien trop précieuse.
Je penchai légèrement la tête sur le côté. Je n'étais pas certaine de pleinement comprendre ce qu'elle insinuait.
-Qu'est-ce que tu vas faire de moi, alors ?
Elle eut un léger sourire en coin machiavélique.
-A vrai dire, la partie est loin d'être achevée. Ce n'était que la première étape. Il reste encore beaucoup de personnes telles que nous qui subissent quotidiennement des injustices, dans le monde. Nous n'allons tout de même pas les abandonner à leur propre sort.
-Nous ?
-Tu ne veux pas m'aider ?
Je me mordis la lèvre inférieure. Personne ne méritait de subir les traitements égoïstes de son entourage. Je ne laisserais pas des innocents être détruits tel que je l'étais.
-Tu peux compter sur moi.
Le Maître sourit de toutes ses belles dents blanches, entièrement satisfaite de ma réponse. Elle prit avec douceur mon menton entre ses longs doigts fins, et me susurra d'une voix mielleuse et envoûtante à l'oreille.
Ne t'en fais pas, je vais bien prendre soin de toi, ma Reine...
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Queen of Cards (Version française)
Misterio / SuspensoNous étions tout un groupe d'amis. Et pourtant, je me sentais si seule. Difficile de faire confiance aux autres lorsque l'on savait que l'un des joueurs de cette partie de cartes fatale serait prêt à tout pour nous tuer... Entre les nombreuses révél...