Errance [Le Visiteur du Futur]

chapitre I - Ploc Ploc

Il est parti.

Il fait froid ici.

Les néons en fin de vie clignotent au plafond comme pour me narguer. Je serai bientôt seul dans l'obscurité de ce laboratoire pourrissant, prisonnier de mes vieux démons.

Les murs empestent la moisissure. L'humidité va bien finir par faire s'écrouler le plafond. Même les rares tuyaux qui entretiennent le peu de plomberie ici sont en fin devie, et pendent mollement au dessus des têtes comme des serpents mécaniques.

Le robinet rouillé et squelettiquefuit. En plus.

Ça s'allume. Ça s'éteint. Ça s'allume....

Ça y est. L'obscurité.

Ploc.

Je pose ma tasse sur l'établi en désordre. Il est froid, ce café.

Je somnole affalé sur sa chaise.

Une minute, peut être bien une heure, une nuit ou vingt-quatre heures.

Personne n'est maître du temps ici bas. Plutôt ironique. Pour un visiteur du futur.

Mon vieux téléphone à clapet retentit du bout de la pièce.

C'est trop loin.

Et puis de toute façon, je sais très bien que ce n'est pas lui. Ça ne peut pas l'être. Il n'en a jamais eu.

Ploc.

Il n'en avait pas besoin.

Mieux vaut se rendormir. Que faire d'autre après tout ?

Ploc.

Ploc.

...

Ploc.

Mes cervicales me tirent.

Je m'étire lassement.

Sommeil.

Une sonnerie à nouveau.

Puis une deuxième.

Ploc.

Une troisième.

Il ne cessera jamais de briser le silence.

Je souffle bruyamment en me redressant, les poings appuyés contre la table.

Je retrouve à tâtons la bougie et la vieille boîte d'allumettes.

Le crépitement de la flamme rallume le silence.

Je suis la lumière jusqu'au téléphone encore criard.

C'est Raph.

Ploc.

Je ne veux pas décrocher.

Tant pis.

Dring.. Dring.. Dring..

C'est une belle mélodie.