Épidémie.

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Epidémie

Voilà maintenant 3 ans que je suis obligé de surveiller l'entrée d'un hôpital. On m'impose ce travail, on m'impose cette vie. L'envie de m'échapper est tellement grande que j'arriverais presque à m'envoler. J'ai toujours rêvé, d'ailleurs, de pouvoir voler, d'être aussi libre qu'un oiseau. Mais... dans un monde régit par l'obéissance et la soumission, notre peuple ne peut qu'obéir à des règles instaurées depuis tant et tant de décennies. Jamais, à aucun moment nous ne pouvons fuir, mais je n'accepterai pas cela indéfiniment. Jamais ! ô grand jamais, je ne pourrai faire cela.

***

Voilà six mois que je prépare un plan avec mon confrère James qui partage mes idées. Nous avons nommé ce plan « Epidémie, » en espérant qu'il soit suivi par beaucoup d'autres hommes et qu'il se propage aussi vite qu'une maladie ! Nous voulons que le monde comprenne notre besoin de révolte. Notre plan débutera lundi prochain, à dix-huit heures, au coucher de soleil, devant l'entrée d'un grand centre commercial situé à quelques pâtés de maison de l'endroit où j'effectue mon service chaque jour.

Tout, dans notre projet, est calculé pour que cela se passe dans les meilleures conditions possibles. Nous ne voulons pas qu'il y est foule quand notre plan se mettra en route pour éviter tous risques d'échec. Nous avons tout calculé au millimètre près, la ronde des vigiles à l'entrée du centre commercial, la superficie de couverture de la caméra... Tout est donc prévu pour que notre plan soit un véritable succès. Nous donnons rendez-vous à des personnes bien précises, elles ne sont pas choisies au hasard. Elles peuvent faire bouger les choses de par leur condition et leurs rôles dans la société. Nous allons cacher un message écrit sur un bout de papier dans leurs sacs ou dans leurs poches. Pour commencer, Natasha, une fille aisée battue et enfermée par son père. Elle trouve toujours le moyen de s'échapper et vient le lundi soir au centre commercial ...voler de la nourriture. Elle est une cible parfaite pour James qui travaille dans le centre comme caissier : dès qu'il la verra dans la file d'attente de sa caisse, il demandera à partir en pause, s'arrangera pour bousculer un peu la jeune-fille et glisser ainsi le message dans son sac. La deuxième cible s'appelle Florian un jeune-homme de 16 ans qui vient à peine de se faire embaucher dans ce même centre commercial comme technicien de surface. Il se fait passer pour un loubard, un dur à cuir, mais la vérité est qu'il se fait « raquetter » tous les soirs en sortant de son boulot. En le suivant jusqu'à son domicile, j'ai remarqué aussi qu'il s'arrêtait tout le temps dans un tabac pour voler des cigarettes. Lui aussi fera parfaitement l'affaire. La troisième et dernière personne s'appelle Ano, elle a une trentaine d'années. Elle est agent de sécurité avec moi. C'est avec elle que je fais ma ronde tous les matins. On s'entend bien malgré la différence d'âge. Elle a des allures de garçon manqué, roule des mécaniques, crache par terre... aux mêmes endroits tous les jours, elle a un regard sévère, une apparence austère. Je suis certain qu'elle viendra, elle n'a peur de rien. Sur ces petits bouts de papier, il sera noté : « Rendez-vous sous l'ancienne gare, demain, 17h30, signé Epidémie ».

James doit s'occuper de Florian et de Natasha et moi de ma collègue. Et tout va se dérouler comme prévu. Nous glissons notre message à chacun sans qu'ils s'en aperçoivent. Notre plan est un véritable succès pour le moment. James a pu glisser les messages en bousculant ou approchant Natasha et Florian, quant à moi, je n'ai eu qu'à inviter Ano dans son salon de thé préféré et lui glisser le message dans sa sacoche. Il n'y a qu'à espérer qu'ils viennent tous au rendez-vous.

***

Le lendemain, à 17h, le visage caché par une cagoule (au cas où nos cibles auraient prévenu la police), nous nous avançons avec prudence par l'entrée située derrière la gare pour ne pas nous faire repérer. Comme nous l'avions prévu, nos trois « Hommes » étaient là, assis, raides comme des piqués. Ils ont l'air de regretter d'être venus. James et moi toquons à la vitre qui nous sépare de nos trois futurs complices quand tout à coup l'un d'eux se retourne une arme à la main. Il tire violemment. Il fallut seulement deux balles pour que la vitre se brise. C'était Florian. Etonné par le message reçu, inquiet aussi, il est venu au rendez–vous avec une arme et n'a pas hésité à tirer quand nous nous sommes manifestés. L'avaient accompagné quelques-uns de ses amis également armés. Florian est un traitre, une balance. Nous nous échappons, une course poursuite débute. Ils étaient cinq, nous étions seulement quatre et sans armes. Heureusement James et moi étions masqués. Je n'avais pas choisi au hasard cette ancienne gare pour notre premier rendez-vous. Quand j'avais 16 ans, la gare était encore exploitée et j'y venais régulièrement observer les allers et venues des gens. J'en connais donc tous les recoins.

Epidémie.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant