De la comédie Au réel...

XXXVI.

   
      Amir avait insisté pour qu'un dîner soit donné suite à cette nouvelle. Il était très enthousiaste à l'idée d'être père une nouvelle fois, mais cette fois-ci d'un petit bébé. Les jours qui ont suivi ma perte de conscience, il m'avait empêché d'aller travailler et appelait toutes les heures pour s'assurer que je prenne tous mes repas. Je n'aurais pas imaginé un seul instant qu'il puisse autant s'impliquer dans cette attente de notre fils. Et d'ailleurs, personne ne l'avait imaginé ainsi. Tous les membres de nos familles respectives devaient nous rejoindre ce soir pour l'annonce officielle. Je finissais de mettre mes boucles d'oreilles lorsque Karly entra dans ma chambre, dans une robe rose, les boucles de ses cheveux dandinant de chaque côté.

- Maman, tu as bientôt fini ?; demanda-t-elle en me regardant d'un air curieux.

- Oui mon cœur, tu peux me dire qui est déjà arrivé ?

- Euh... Tout le monde je crois.

- Et papi?

      Mon père n'avait toujours pas changé d'avis au sujet de Amir, alors je doutais qu'il puisse se joindre à nous. Surtout que ce dîner était donné chez Amir, où j'avais fini par m'installer définitivement.

- Non... Seules mamie Irène et Rosie sont là.

       Même Nate n'avait pas répondu à l'appel, à croire qu'il n'avait toujours pas digéré la manière dont j'avais pris les choses concernant la grossesse de Malia. Je savais que tous les frères de Amir répondraient présents, alors j'étais un petit peu triste de ne pas voir tous les membres de ma famille.

- Tu es très belle Maman ; ajouta Karly en passant sa petite main dans mes cheveux.

- Merci mon petit cœur, maintenant rejoignons les autres.

      Je pris sa main et ensemble nous descendîmes au rez-de-chaussée. Pour ce soir, je n'avais pas porté une robe près du corps, du fait que mon ventre ressortait déjà. C'est donc dans ma robe jaune fluide que je me glissai dans la pièce et je rejoins directement ma mère et Jordan.

- Mon trésor, tu es radieuse ; commença ma mère en m'enlaçant.

- Merci Maman, Jordan je suis ravie que tu aies pu venir ; répondis-je.

- Oh tu sais, Karly a tellement parlé de ces mets espagnols que j'ai voulu les goûter à mon tour. Et qui plus est avec le clan Santiago ; sourit-elle.

- À ce propos, tu ne m'avais pas dit que Amir avait autant de frères ; chuchota ma mère.

- Ce ne sont que ses frères et quelques cousins; souris je à mon tour.

      Je balayai le salon du regard où les jumeaux et quelques cousins riaient de bon cœur en taquinant Siméon. Amir n'était pas dans la pièce, certainement était il en train de superviser les tâches en cuisine. J'apperçus Abuela installée sur un des canapés en compagnie de Cataluna et je proposai à ma mère d'aller les saluer.

- Abuela, je vous présente ma mère Irène Dolly.

- Encantada, soy Marcela Santiago Valentino; sourit-elle en l'invitant à s'asseoir près d'elle.

- Le plaisir est partagé. J'ai tellement entendu parler de vous ; ajouta ma mère en me regardant surprise par sa sympathie.

- Bon, je vous laisse faire connaissance ; ajoutai je avant de m'éclipser.

    Je retournai aux côtés de Jordan qui était restée près de la baie vitrée. Alors que nous discutions sur ses récentes collaborations, la grande porte principale s'ouvrit sur Bella dans une somptueuse robe en argent, suivie de très près par sa mère, Nate et mon père. Rien que de les voir tous les deux particulièrement, me fit le plus grand bien. Karly fut la première à manifester son enthousiasme en allant sauter dans les bras de mon père, pendant que Bella saluait rapidement les frères de Amir -- qui laissèrent des sifflements à sa suite -- avant de venir nous rejoindre Jordan et moi.

- Gérard est quelqu'un de très buté, j'ai bien cru qu'il ne finirait pas par accepter ; commença Bella.

- En tout cas, je te remercie d'avoir pu les faire venir tous les deux... Ça me tient vraiment à cœur ; lui dis-je en la tenant par l'épaule.

- Ce n'était pas gratuit Ann-Louise ! Je veux avoir trois mois d'abonnement gratuit ; ajouta-t-elle.

- Je m'en doutais bien, vendu Curtis.

     Juste après, Amir vint nous retrouver dans le salon en nous invitant à rejoindre la grande table qui avait été dressée dans le jardin. Des torches de feu avaient été installées autour de la table, ainsi que des lanternes qui avaient été allumées pour éclairer l'espace. Aucun ordre n'avait été prévu pour s'asseoir mais Amir occupait l'une des places en bout de table, à sa gauche était installée sa grand-mère et le siège à sa droite je l'occupais. Mon père avait pris le siège en face de Amir, à sa droite Béatrice et sa gauche Nate. Durant le dîner, les conversations en espagnol fusaient -- à croire qu'ils avaient oublié que ma famille était des nôtres ce soir -- et mon père et Nate n'avaient pas vraiment parlé de la soirée, se contentant de discuter tous les deux, ou de sourire aux blagues de Giovanni qui semblait avoir abusé de l'alcool. Je souris en me disant que désormais ce serait cela mon quotidien, avec Amir et nos enfants. Je sentis d'ailleurs sa main sur la mienne, il ne dit rien et se contenta de me sourire. J'aimais le voir ainsi, insouciant et enjoué d'être entouré de sa grande famille.
    Alors que l'on enlevait les dernières assiettes, il fit tinter son verre de vin rouge à l'aide de son couteau. Le silence se fit peu à peu au milieu de nous, et les battements de mon cœur s'affolaient déjà. Bien que c'était une bonne nouvelle, je ne pouvais m'empêcher de sentir ce stress.

- Merci à tous de nous avoir rejoint ce soir, Ann-Louise et moi tenions à ce que tous ceux qui sont à cette table soit là ce soir, parce que vous êtes de notre famille et on m'a toujours éduqué en me disant que la famille est sacrée.

     Ses frères approuvèrent en levant leurs verres à l'intention de Amir.

- Ann-Louise est pour moi un trésor inespéré, et le fait qu'elle ait accepté de me laisser faire partie de sa vie ainsi que de celle de notre Karly me procure un bonheur inestimable. Parce-que cette femme je l'aime de tout mon être. Et ce soir, je suis heureux de vous annoncer que nous allons accueillir un autre enfant... Je serai papa à nouveau ; ajouta-t-il en me regardant.

      J'étais touchée par ses paroles. Ces déclarations si touchantes, je ne m'y habituais toujours pas. Nous étions totalement plongés dans notre bulle que les sifflements de ses frères arrivèrent difficilement à nous y sortir. Ma mère se précipita pour venir me prendre dans ses bras, les larmes aux yeux. C'était bien une nouvelle comme celle là qu'elle attendait depuis des années, ce n'était pas un mariage mais elle y voyait une réussite car bien que je ne me marie pas avec Amir, nous n'avions pas seulement un, mais deux enfants désormais et rien ne la rendait plus heureuse. Tout le monde vint nous féliciter et rapidement nous retournâmes à l'intérieur de la maison, où Élodia se donna à cœur joie au piano. Je m'isolai avec mon père à nouveau dans le jardin.

- Poussin, ça y est tu es mère ; commença-t-il.

- En effet, je suis la mère des enfants de l'homme que j'aime papa ; dis-je en lui tenant la main.

- Oh mais je l'ai bien vu... Je vois bien que Santiago n'a pas l'intention de te laisser tomber comme il l'a...

- Papa... C'est du passé maintenant. J'ai tourné la page et tu devrais en faire de même.

     Il prit mon visage en coupe avant de déposer un baiser sur mon front. Ses mains étaient chaudes de même que son souffle.

- Je suis heureux pour toi ma fille, et si Amir te rend heureuse... Alors je l'accepte ; ajouta-t-il en me tenant les mains.

- Il sera ravi de l'apprendre, ajoutai je en conclusion.

       Nous retournâmes à l'intérieur pour rejoindre le reste du groupe où Karly dansait au milieu du salon, pendant que les autres la regardaient sur des airs de salsa. Nous ne tardâmes pas à tous la rejoindre. Il y avait de fous rires, nous étions tous heureux, Amir et moi étions enfin ensemble malgré toutes les péripéties auxquels nous avions fait face. J'étais amoureuse de cet homme, ainsi que de la famille que nous étions en train de construire, et rien ne me rendait plus heureuse d'être ici, et nulle part ailleurs.