Frédéric se tapotait nerveusement la cuisse. Il secoua sa chevelure brune, ses mèches rebelles lui encombrant la vue. Il se sentait intimidé, comme toujours, de se trouver seul devant son professeur à l'UQAM. Respirant un bon coup, il dirigea son archet d'un geste souple vers son violoncelle puis entama sa composition. Les heures passées à la répéter lui revinrent en mémoire et il s'efforça d'en être à la hauteur. Il espérait recevoir de nombreux commentaires positifs biens mérités. Cependant:
- C'est très bien. Mais pas assez, dit son professeur d'un ton qui lui parut glacial.
Puis, jetant un coup d'œil à sa montre, il ajouta:
- On s'en reparle au prochain cours. Tu peux disposer.
Frédéric, déçu, hocha de la tête et sortit de la salle de cours. Sa passion pour le violoncelle l'avait conduit jusqu'à l'université. Il avait travaillé fort, était fier de sa composition et ne comprenait pas la froideur de son enseignant. Cette pièce était sa chance d'entrer sur le marché du travail. Mais il ne pouvait plus reculer. Il s'était déjà inscrit au concours. Il présenterait cette pièce avec ou sans approbation.
En sortant du bâtiment, il vit une jeune mère, son fils dans les bras. Avec tristesse, ses souvenirs d'enfance firent irruption dans sa mémoire. Lorsqu'il était jeune, ses parents reçurent un contrat de travail. Ils acceptèrent aussitôt, car l'offre était avantageuse. Malheureusement, leur travail occupait tout leur temps alors ils n'étaient pas disponibles pour s'occuper de lui. Le petit garçon restait souvent seul. Cette époque le marqua et il devint vite très indépendant. De là venait sûrement sa taciturnité. Puis, il déménagea dans son propre appartement à Montréal. Ils restèrent en contact, bien sûr. Mais pas assez selon Fred bien que lui non plus ne fit pas grand chose pour les voir plus souvent. Tout en marchant, il se dit que cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas eu de leurs nouvelles. Il arriva chez lui, prit le courier et s'installa confortablement sur son fauteuil en cuir marron. Mais il se releva brusquement. Sur une des enveloppes, était écrit Jeanne Dupuis. C'était le nom de sa mère. Soudain, il fut saisi d'un mauvais pressentiment. Quelque chose de grave s'était passé. Il en était sûr.- Papaaaaa, chuchota-t-il d'une voix tremblotante avant de fondre en larmes. PAPA!! hurla-t-il.
Des larmes inondaient ses yeux, coulaient sur ses joues, mouillaient sa chemise. Elles suivaient les courbes de sa peau pour tomber sur la lettre de sa mère. Précipitamment il se ressaisit, déposa le précieux document sur sa petite table et accourut appeler sa meilleure amie, Laurie. Elle avait toujours été là pour lui dans les moments les plus difficiles et lui pour elle. C'était assurément la personne la plus proche de lui. Lorsqu'elle décrocha, le son de sa voix fit comme un baume apaisant pour le jeune homme.
- Oui, allo?
- Laurie?
- Fredy! Comment vas-tu?
- Pas super... J'ai vraiment besoin de ton aide. Pourrais-tu m'aider à trouver un billet d'avion? Je dois absolument me rendre chez mes parents à Régina.
- Mais voyons Fred! tu sais bien que ton concours est dans deux semaines. Tu dois continuer de te pratiquer. Tu iras voir tes parents après. Si tu ne participes pas au concours, tu rateras la chance de ta vie!
- Je sais, maiiis... sa voix se brisa et il éclata de nouveau en sanglots.
- Que se passe-t-il Frédéric?
- C'est papa... continua-t-il entre deux hoquets, il est rentré d'urgence à l'hôpital et... et il est atteint d'un grave can... Frédéric ne pût terminer sa phrase.
- Je vois. Est-ce grave?
- La tu... tu... tumeur se propage rapidement. Cette fois, il pleurait pour de bon. Les larmes lui brouillaient la vue et l'empêchaient de penser. Laurie vint chez lui et le réconforta. Ils restèrent entrelassés longuement, jusqu'à ce que les larmes du pauvre Fred s'estompent. Enfin, ils commencèrent leurs recherches. Malheureusement, elles s'avérèrent plus compliquées que prévu. Ils passèrent toute la journée et une bonne partie de la nuit à chercher un billet, mais les prix étaient décourageants. Ils cessèrent leurs recherches, exténués. Frédéric, allongé sur son lit sentit son estomac se nouer. Qu'allait-il faire? Mais surtout, allait-il arriver à temps?
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Frédéric
Short StoryLorsque l'on apprends que quelqu'un que l'on aime est sur le point de mourrir, on remue ciel et terre pour lui dire "Je t'aime..."