Comme tous les matins depuis trois mois, Georg se rendait au travail à vélo et il prenait plaisir à le faire. Même si le temps n'était pas toujours au rendez-vous, que le vent pouvait être violent et qu'il pouvait faire très froid par moments, le paysage, la beauté des bâtiments et la facilité de circulation lui donnaient envie d'enfourcher son vélo chaque fois qu'il lui était possible de le faire.
Les gens étaient sympathiques, serviables et toujours souriants. Les premiers jours, Georg avait trouvé ça plus qu'angoissant mais il s'y était fait et appréciait ce détail.
Trois mois plus tôt, sur un coup de tête, il avait accepté de suivre un ami, un natif, dans son projet de bar vegan non loin du centre de Copenhague. Et aujourd'hui c'était enfin l'ouverture. Georg avait quitté son Allemagne chérie dont il pensait ne jamais pouvoir se séparer, et au final, elle ne lui manquait pas le moins du monde.
Dès qu'il avait l'occasion de parler danois il se sentait l'âme d'un viking. Plus précisément, il se sentait l'âme d'un Floki car ce qu'il disait n'était pas toujours très clair- cela ne faisait que trois mois qu'il vivait ici. C'était une sensation nouvelle qui lui plaisait aussi beaucoup et le fait de parler une nouvelle langue, une langue comme celle-ci, avait tendance à l'amuser. La prononciation n'était pas évidente, il avait encore du mal à comprendre ce que les gens lui disaient mais il progressait à une vitesse fulgurante. Il adorait l'accent des gens de la capitale. Il avait toujours l'impression qu'ils vomissaient au lieu de parler, mais il trouvait ça mélodieux une fois arrivé à son oreille.
Plus précisément, ce qui plaisait à Georg était de voir tout ces beaux mâles danois, ces vikings en puissance qui l'avaient toujours fait fantasmer depuis qu'il était en âge de le faire. Quand il était dans sa boutique, il faisait semblant d'aider aux travaux pour pouvoir mieux se rincer l'œil depuis un coin de la vitrine qui donnait sur la rue. Si sa réputation n'était plus à faire en Allemagne, au Danemark ce n'était pas encore le cas. Il comptait bien à ce que tous les scandinaves lui passent sur le corps et le fassent grimper aux rideaux au point de lui faire hurler l'hymne norvégien jusqu'à s'en casser la voix.
C'était aussi pour cette raison que son ami lui avait proposé de se joindre à lui dans cette aventure. En Allemagne la vie de Georg stagnait. Il n'avait pas de travail malgré de brillantes études dans le commerce, il n'avait personne dans sa vie car les hommes n'avaient jamais les mêmes attentes que lui. Quand il voulait se poser avec un homme, il ne tombait que sur des types qui cherchaient uniquement des plans cul, et inversement lorsqu'il ne cherchait rien de sérieux.
Ici, Georg avait tout recommencé à zéro et pour l'instant, en trois mois au Danemark, sa vie se déroulait mieux que durant ses trente années en Allemagne. Le seul hic, Georg ne s'était toujours pas envoyé en l'air. Jusqu'à présent il avait préféré se focaliser uniquement sur le bar et son ouverture, il voulait que tout soit parfait et que le commerce ouvre dans les temps. Une fois le bar ouvert, il aurait tout son temps pour faire gémir tous les chants vikings qu'il connaissait aux danois chauds comme des Krisprolls (ou plutôt comme des « Pølsevogn* ») qui croiseraient sa route- car Georg n'était pas difficile, si le type en face de lui avait du charme, qu'il soit grand, petit, gros, mince, il s'en fichait. Cela pouvait aussi bien être Mads Mikkelsen que Bill Skarsgård (Alexander, Gustaf, qu'importe, la fratrie entière était sur sa to-do-list), il s'en fichait et passait directement à l'attaque.
Ce soir, lorsque la journée d'ouverture serait enfin terminée Georg savait déjà qu'il serait de retour sur toutes ses applications de « rencontres » et repartirait immédiatement en mode prédateur comme il savait si bien le faire. Cela devenait urgent, d'autant plus qu'il s'abstenait depuis trois mois. Il était en manque, à tel point qu'il pouvait se faire un paquet de chips du moment que c'était purement danois. Georg avait faim. Et quand il avait faim, il pouvait se faire n'importe quoi.