THE OPHTHALMOLOGIST

Chapitre A

Même en ce début d'après-midi de novembre, la chaleur de l'automne ne s'était pas encore dissipée. Les quelques feuilles encore vertes des arbres dansant au rythme du vent chaud. Le port grouillait de monde, autant de femmes avec des parapluies accompagnées d'hommes bien habillés que d'enfants jouant parmi les marins préparant le départ du bateau. Parmi cette foule de gens, un jeune homme marchait, sa valise à la main et un sourire timide au visage, se dirigeant vers la file menant au pont du bateau. Un rayon de soleil lui caressait la joue tandis qu'il montait rapidement les marches de l'escalier.

Lorsqu'il arriva à la porte, il s'arrêta. Un marin d'une soixantaine d'années s'était approché de lui avec un regard inquiet :

- Tu es encore jeune, tu ne mérites pas ça... Va-t'en ! lui chuchota-t-il.
- Je vais en Europe.
- Tu fais une erreur...
- Non, c'est un paquebot ?
- Oui, c'est un paquebot.
- C'est un voyage ?
- Oui, c'est un voyage.
- Alors, ce sont des vacances.
- Non.
- Excusez-moi, pourquoi ce ne seraient pas des vacances !?
- A moins que vous ne considériez la mort comme des vacances...

Alors qu'il allait lui répondre, il entendit derrière lui un homme crier : "Eh bien mon garçon, qu'est-ce que tu attends pour monter à bord !? Nous attendons depuis 10 minutes et le bateau va bientôt partir !"
Ne voulant pas accroître la colère de cet homme, il montra son billet de bateau avec son nom et le lieu de départ écrit dessus, "Edwin Sorren de New York vers l'Europe", un signe de politesse envers le matelot, et il monta sur le paquebot à la recherche de sa cabine.
Il traversa les couloirs étroits du navire, descendit les escaliers jusqu'à elle.
Cabine 289. Le voici arrivé. C'était une cabine vide aux murs de fer tachés par le temps. Il y avait un lit dont les draps étaient pliés et posés sur le matelas, un bureau, un tabouret, sans oublier le hublot. Il mit sa valise sous son lit, car c'était une petite pièce et il manquait de place. Puis il se prépara pour faire connaissance avec les autres passagers.

Quelques mois plus tôt, son père avait entrepris un voyage à travers l'Europe.  Cette année-là, pour son anniversaire, il a décidé d'aller à sa rencontre pour lui faire une surprise.  Il n'a pas pu s'empêcher de rire un peu... Il lui manquait beaucoup.
« Quelle sera sa réaction en me voyant ? » se dit-il.

En sortant de sa cabine, il croisa le marin qui l'avait laissé monter à bord. Il lui sourit doucement et se rendit sur le pont supérieur pour faire de nouvelles connaissances.
Sur le pont, il y avait beaucoup de monde. Ils avaient tous l'air différent. Certains jouaient aux cartes, d'autres fumaient ou fixaient l'horizon.
Les membres de l'équipage étaient différents du matelot qu'il avait vu plus tôt.  Ils souriaient, leur visage n'exprimait pas d'inquiétude.
Le matelot était peut-être resté longtemps sur ce bateau, était-il fatigué ?
Selon lui, ses paroles n'avaient aucun sens. Le soleil brillait, l'océan était calme, il n'y avait pas de danger... Et il y avait un singe.

Un singe ?
Que faisait-il ici ?
Les animaux étaient strictement interdits...