La balançoire

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Je suis de nouveau dans ce parc de jeu. Celui où tout a commencé et celui où tout s'est arrêté. Ils l'ont remis en état mais il est toujours aussi désert. Le parc de jeu de mon enfance et même en partie de mon adolescence. Ça fait combien de temps déjà que je ne suis pas venu ? Au moins une dizaine d'année ? Je suis revenu chez mes parents récemment et mes pas m'ont naturellement guidé jusqu'ici. Pourquoi maintenant ? J'avais réussi à oublier ...

Avec Nathan on jouait tout le temps en ce lieu. On s'était rencontré à la crèche. Nous étions devenus inséparables. Nous allions tout le temps chez l'un ou chez l'autre. Nos parents se sont tout de suite bien entendus. Quand nous avons un peu grandi, nous avons commencé à fréquenter ce petit parc de jeu qui était presque laissé à l'abandon. Nous y jouions tous les jours ensemble. On allait dans le toboggan, on se poussait sur la balançoire, lui et moi faisions des tas de feuilles sur lesquels nous sautions. Nous avions grandi ensemble en partageant tout : nos lits, nos peluches, nos vêtements. Nos envies d'enfants. Au collège nous étions toujours aussi inséparables, même si personne ne comprenait notre entente : j'étais calme, doux et posé, lui plutôt impulsif et sanguin. Elle tenait.

Inlassablement, même adolescents, nous nous retrouvions au parc. A part nous nul ne le faisait vivre. Un jour, nous discutions des derniers ragots du collège, nos visages étaient trop proches. Avec une évidence que nous ne soupçonnions pas, nos lèvres se sont liées et ont pris du temps avant de se séparer. Je pense que ça nous a paru la chose la plus naturelle au monde, à l'un et à l'autre. Ces échanges d'affections se produisirent de plus en plus fréquemment. Mes sentiments pour lui fleurissaient toujours plus.

Un jour je parlais de mes mauvaises notes ; il me disait qu'il pourrait m'aider assis sur la balançoire. Perdu dans mes pensées. Je ne l'ai pas vu monter et monter encore. J'ai juste entendu un corps tomber. Je n'ai même pas eu le temps de me retourner, j'avais compris qu'il s'agissait de Nathan. J'ai essayé de le ranimer. Rien. J'ai appelé les pompiers. L'angoisse envahissait mon ventre. Elle se répandait dans mon être comme se serait répandu l'alcool.

Direction urgences. Je m'en voulais. C'était de ma faute.

C'est de ma faute.

Ses parents sont arrivés rapidement. Ils ne m'ont rien reproché. Ils savaient que c'était lui le plus casse-cou de nous deux.

Il s'est réveillé. Nous avons tous poussé un soupir d'apaisement. Tout allait bien.

« Qui êtes-vous ? »

Ces mots résonnent encore dans ma tête. Il avait perdu la mémoire. Il ne se souvenait même plus de son prénom. Ses parents étaient de parfaits inconnus. J'en étais un également.

J'ai changé de collège. Je suis allé en internat. Je ne revenais que les week-ends pour voir mes parents. Parfois ceux de Nathan passaient. Je m'enfermais dans ma chambre. Je ne pouvais soutenir leurs regards. Je suis fautif. S'il est amnésique, c'est de ma faute. C'est de ma faute ...

C'est de ma faute !

Des larmes coulent sur mes joues. Bordel. C'est pour ça que je ne voulais pas revenir ici. Tout allait me revenir en mémoire. Alors que ça fait des années que j'essaye d'oublier son prénom, son visage, notre passé, mes sentiments...

Je me retourne, des larmes dévalent le long de mes joues.
« Excuse-moi ... Mais ton visage me dit quelque chose ... On se connaît ? »

Il est là. Il pose un regard inquiet sur moi. C'est bien son genre ...

« Je ... Je suis juste le fils de Louis et Nathalie ...

- Pourquoi es-tu ici ?

- Je suis juste venu voir cette balançoire.

- Ah, moi aussi je suis venu pour elle. Elle me rend nostalgique, je ne sais pas trop pourquoi. »


Bonsoir à tous. J'espère que vous allez bien. Je voulais vous partager ce petit texte que j'avais écrit pendant le inktober de cette année. J'espère que ça vous plaira.

A la revoyure ! 


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