Chapitre 14 : Je suis réelle.

573 36 3
                                    

Lexa :

Les arbres s'acharnaient à me tomber dessus.

Nous étions rentrés à Polis dans la calèche où j'avais feint une indigestion pour expliquer mon mal-être.

Deux jours étaient passés depuis la missive de Finn. Deux jours que je me levais la boule au ventre parce que je quittais Clarke dans mon pays des songes et que j'avais peur de la prochaine demande de Finn. Quelle serait-elle ? Quelle décision me plongera vers ma perte ? Deux jours où la raison avait perdu sa place dans mon cerveau et que seul l'instinct guidait mes pas, me faisait manger, me réveillait, me faisait parler et aller aux toilettes. Nous étions le soir du troisième jour sans nouvelle de Finn et cela ne me rassurait pas. Son plan était machiavélique. Je m'endormis difficilement en pensant au lendemain mais heureuse d'aller retrouver Clarke. D'ailleurs, en parlant de mes rêves, même si seuls les ancêtres savent combien j'apprécie retrouver Clarke chaque soir, je me demandais bien comment cela était possible. Je me rendais bien compte que ce n'étaient pas des rêves normaux. Je voulais dire que je la sentais. Physiquement. Elle restait muette, jamais elle n'avait ouvert la bouche sauf pour chanter mais je sentais son souffle sur moi, j'entendais son cœur qui battait quand je posais ma tête sur sa poitrine. Rien de tout ça ne devrait être possible. Et pourtant...

J'avais si hâte de la retrouver. Les deux nuits précédentes, nous nous étions câlinées toute la nuit, elle dans mes bras ou moi dans les siens. Juste son corps contre le mien. J'avais l'impression que l'on rechargeait les batteries. J'avais l'impression étrange de vivre la nuit mais quand je me réveillais, j'étais reposée, presque plus que lorsque je ne rêvais pas d'elle. Aucun baiser, aucune autre marque d'affection que des caresses douces et pleines d'amour mais innocentes. J'avais vu le désir dans ses yeux qui reflétaient le mien mais ça me paraissait étrange d'aller plus loin avec elle en rêve. J'avais l'impression que ce qu'on faisait en rêve était réel, que c'était bien elle qui me caressait les cheveux et chantonnant des comptines, ou du moins ce qui y ressemblait, dans une langue étrangère. Cette langue semblait comporter des sonorités graves et dures mais tout dans sa bouche se faisait doux et léger. Je compris que c'était la langue de son peuple décimé qu'elle utilisait et faisait revivre. Sa voix me faisait frissonner et ses comptines semblaient être lourdes de sens malgré la mélodie enfantine et le rythme simple. Toute la nuit, je cherchais à en comprendre le sens, le message caché derrière la tonalité. Son visage était un masque de tendresse.

Je voulais la rejoindre.

La nuit commença comme les précédentes, douce et câline. Je savourais ces moments délicats partagés avec elle. Je ne vis pas le temps passer et, à un moment, Clarke, allongée depuis le commencement de notre session de rêve, se releva doucement puis plus franchement en voyant que je ne voulais pas la laisser bouger croyant que notre nuit ensemble était finie. Ses yeux se plantèrent dans les miens et je vis qu'elle essayait de me dire quelque chose. Un éclair d'urgence passa dans son regard. Sa bouche entrouverte chantonnait encore et encore des nouvelles comptines qu'elle semblait connaître par cœur. Puis la peur envahit peu à peu ses magnifiques iris pour se transmettre jusqu'à mon cœur qui se glaça d'effroi.

Elle s'acharnait à essayer de parler, je pris presque peur. La musique qui sortait de sa gorge devenait de plus en plus forte, le grave et l'aigu augmentant chacun de leur côté séparant une mélodie unique en deux voix distinctes qui criaient plus qu'elles ne chantaient. Le son montait toujours plus haut, augmentait toujours plus fort. Tout ce vacarme devenait insupportable, mes mains étaient sur mes oreilles, une sorte de terreur me paralysa. Ma tête rentrée dans mes épaules, je voulais m'écarter de la source de bruit qu'étaient les cordes vocales de Clarke. Comment une voix humaine pouvait-elle provoquer des sons aussi beaux séparément et si insupportables ensembles ?

You're my evidence of love's existence (FanFiction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant