Prologue

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Les rayons du soleil levant perçaient à travers les cristaux rouges et bleus des vitraux de l'église. Les bancs de la nef étaient pour certains renversés, les autres brisés en de nombreux morceaux de bois. Une silhouette se détachait près de l'autel, ramassant les coupes qui y étaient disposées, les fourrant dans un sac en tissu, clinquant les unes contre les autres, comme un son de cloche alors que la personne s'éloignait en courant. Les motifs des vitraux aux contours flous se réfléchissaient sur le sol du bâtiment, espacés de quelques mètres, perturbés par les pas des individus venus rompre la quiétude du lieu de prière.

Mon souffle s'accélérait. De peur, de panique ou à cause de l'effort, je ne savais mais une chose dont j'étais sûre était que je ne pouvais pas me permettre de ralentir. Je continuais donc à avancer, sautant par dessus les obstacles, gardant les yeux sur mon objectif. J'atteignais précipitamment la porte qui menait au dortoir. Ma main tremblait alors que j'essayais d'attraper la poignée, glissant sans cesse. Je jetais un coup d'oeil par dessus mon épaule. Les cris de mes poursuivants me semblaient lointains, mon coeur battant avec énergie, pulsant dans mon oreille.

Je reculais donc de quelques pas et lançais un coup de pied puissant sur la serrure, la brisant ainsi que le cadre autour. La porte rebondit brutalement sur le mur de la cage d'escalier alors que je m'y précipitais en la plaquant de la paume de ma main. Je trébuchais sur les premières marches, me relevais et m'élançais essayant de mettre le plus de distance entre moi et mes poursuivants. Leurs voix faisaient échos dans les voûtes, une femme criait des ordres indescriptibles.

Alors que je m'approchais de l'étage, le tumulte que je venais de quitter s'effaça progressivement. Je gravissais les marches deux par deux, ignorant la douleur lancinante dans mes tibias que j'avais cognés en tombant, me tenant aux murs de pierre de l'étroite cage d'escalier. La lumière du dortoir se dessinait en hauteur, telle une balise à atteindre. En raison des festivités des derniers jours, très peu de gens étaient venus au Sanctuaire. Je savais donc que les chambres ne seraient pas occupées.

Enfin j'arrivais au long couloir à l'étage, illuminé par des lampes accrochées à même les murs à côté d'icônes et crucifix. Les portes étaient toutes fermées exceptée la toute dernière au fond. Je n'avais cessé de courir et c'est essoufflée que je m'arrêtais devant celle-ci. Je me précipitais dans la pièce. Une fenêtre se trouvait à ma gauche, en dessous de celle-ci un grand coffre de bois faisait office de banc. En plein milieu, le lit était fait, une couverture posée sur le bord. Une armoire avait été placée dans un coin et à côté, les étagères fixées sur le mur croulaient sous le poids des nombreux livres et bibelots. A part cela, la pièce était vide et impersonnelle. Les jeunes qui venaient dormir ici le temps d'une nuit ou deux avant de repartir sur leur chemin ne laissait rien d'eux mêmes, aucune empreinte ou souvenir.

Thalia m'avait prévenue que l'objet que je cherchais se trouverait ici. C'est donc sans réfléchir que je me dirigeais vers le coffre, l'ouvrais et y plongeais ma main. Sous des draps, je finis par agripper le manche en métal de l'Epée. En me relevant, je sortis entièrement l'arme, flanchant légèrement sous son poids. La voyant pour la première fois de ma vie, je restais un instant ébahie et admirative. Elle n'était pas spécialement très belle mais l'aura qui s'en dégageait suffisait à la rendre majestueuse. Pour seul ornement, le manche était garni d'une unique et petite pierre bleue. La lame était suffisamment aiguisée et brillait à la lumière douce qui émanait du couloir. Des symboles y étaient gravés mais je n'y accordais pas plus d'importance.

Les bruits de pas s'approchant me firent revenir à la réalité. Repartir par le couloir m'était tout simplement impossible. Je refermais donc le coffre de bois, grimpais dessus et ouvris la fenêtre. Après avoir jeté un dernier coup d'oeil derrière moi, je me laissais tomber. Le bruit du vent sifflait dans mes oreilles et je fermais les yeux. Ma chute semblait presque interminable puis elle s'amorça progressivement. Le sol se dessina sous moi et j'atteris les genoux à terre. Je repris mon équilibre rapidement et observais autour de moi. Les Sanctuaires étaient toujours localisés dans les grandes villes des Mortels, invisibles à leurs yeux.

En l'occurrence, celui-ci se trouvait à New York. Je reconnu l'Empire State Building, trônant fièrement sur les rues pleines de monde. Le bruit environnant des voitures et des conversations me tira de ma rêverie. Je connaissais la ville et je devais donc profiter de cet avantage pour m'échapper vite. Les contours encore troublés du Passage s'estompèrent alors que je sortais de la ruelle sombre où j'avais posé pied. L'Epée toujours fermement en main, je me remis en chemin. Un homme courait, des dossiers à la main tentant en vain de héler un taxi. Je passais brièvement à côté de lui. Il ne flancha même pas, ne me remarquant pas. Personne ne me remarquait. J'étais totalement invisible.

Je regardais derrière moi, à la recherche de mes poursuivants mais j'étais absolument seule. Les trottoirs étaient mouillés; il avait dû pleuvoir quelques instants plus tôt. Mais le soleil était revenu, les gens avaient rangés leur parapluies et enlevaient leur capuches. Dans ma course effrénée, des gouttelettes d'eau éclaboussaient mes chevilles à chacun de mes pas. Je slalomais habilement entre les touristes et les enfants, les travailleurs qui rentraient du travail et les vendeurs de hot-dogs à chaque coin de rue. Même si je n'étais pas visible, mes pas eux se dessinaient au sol. Mais dans l'effervescence de la ville qui ne dort jamais, on pouvait aisément ne pas les remarquer.

Concentrée sur mon objectif de trouver un nouveau Passage, je ne prêtais plus attention à mon environnement. Je tournais machinalement dans les rues bondées, agrippant d'une poigne de fer l'Arme. Bientôt j'arrivais devant la New York Public Library. Des gens discutaient en groupe, d'autre les bras chargés, enlevaient leurs écouteurs en entrant dans l'enceinte. Je passais sous les grandes arches de l'entrée de la bâtisse et gravissais les immenses escaliers de marbre, passant devant des alcôves et leurs statues. J'arrivais enfin dans la pièce principale. De nombreuses personnes lisaient et travaillaient à la douce lumière des lampes présentes sur les longues tables de bois s'étalant à perte de vue. Les étagères de bois bordant les côtés de la pièce étaient illuminées par des néons. Je longeais celles-ci, cherchant minutieusement le livre qui m'intéressait. Finalement je le trouvais, The History of magic de Ennemoser. Assez ancien, il était fragilisé sur les bords et de petites écailles de papier de la couverture se détachaient.

Mais à peine eut-je touché le dos du bouquin, l'air se mit aussitôt à miroiter faiblement devant moi. Je fermais les yeux et me sentie aspirée par le portail qui venait de se créer. Le poids de l'Epée se raffermit dans ma main gauche mais je m'y agrippais encore plus fermement. La bibliothèque disparut derrière moi et je me retrouvais bientôt dans un tunnel aux contours vaporeux. Il était difficile de savoir si j'avançais à grande vitesse ou au contraire très lentement, toutes sensations de gravité ou de mouvement étant comme annihilées . Les parois défilaient sous mes yeux, avec un aspect presque psychédélique. Mais alors que je me sentais approcher de ma destination, je rouvris les yeux et visualisais le sol familier aux carreaux couleur argile de la cuisine du Château.

J'étais seule, la pièce était inhabituellement très calme. Je me dirigeais vers la porte de bois, soulevait le loquet et allais dans la salle à manger gigantesque se trouvant derrière. Il n'y avait toujours personne. Dépitée, les bras ballants, je regardais autour de moi dans l'espoir de trouver des indices indiquant où se trouvait tout le monde. Soudain, des éclats de voix retentirent dans le hall à l'entrée. Alors que je parcourais la distance m'en séparant, une voix m'interpella de derrière:

"Emilie?"

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⏰ Dernière mise à jour : Oct 28, 2022 ⏰

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