CHVPITRE 1 - LILI

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Bien que Lili ne pût voir à travers l'opaque peau qui fermait ses deux yeux, elle restait bien éveillée sous ses paupières

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Bien que Lili ne pût voir à travers l'opaque peau qui fermait ses deux yeux, elle restait bien éveillée sous ses paupières. Elle avait cette sensation de lourdeur, comme deux gros poids de pesée qui maintenaient ses yeux fermés, cette même sensation qui l'empêchait de se lever le matin. D'ailleurs se lever, elle ne le pouvait pas. Tout ce qu'elle était capable de ressentir commençait par cette vision brouillée. Ce miasme onirique et ces lueurs noires qui se déplaçaient librement sous ses yeux esquissaient une fresque lugubre. Lili reprenait lentement conscience.

Les ténèbres se voyaient alors bercées par une teinte plus chaude. Un jaune laiteux parvenait à éblouir sa pupille pourtant cachée. Le Soleil commençait à secouer sa petite tête et à déclencher à divers endroits de son crâne des douleurs chocs. Lili sentait comme un étau de fer froid qui lui écrasaient la caboche à mesure que son cerveau sortait du tumulte de l'éveil. Et il y avait ce liquide froid qui se déversait le long de sa courte nuque d'enfant. A l'intérieur de sa gorge, c'était la brûlure lancinante de ses poumons qui appelaient à l'air. Lili sentait également des légions de fourmis engourdir ses deux bras, glacer son sang maintenant devenu colonie. Cette sensation de lourdeur qui pendait à ses yeux venait de se répandre dans tout son corps en un « battement de cil ». Ironique. Cela semblait durer un bon moment, le temps que toutes ces souffrances s'harmonisent, pourtant seulement trois secondes s'étaient écoulées depuis son éveil.

Deux billes bleutées comme le ciel se dévoilèrent au Soleil. La petite avait ouvert les yeux sans s'en rendre compte. Son mal de crâne lui tomba aux chevilles et se dissipa dans la terre car elle avait chassé les ténèbres de sa tête. Lili ne put ouvrir ses yeux bien longtemps, il était midi et le Soleil n'offrait aucune ombre. De retour sous ses paupières, elle sentait fourmiller son premier bras, le gauche, celui avec lequel elle écrit, puis son deuxième bras, le droit, utilisé pour le curage de nez. Il y avait aussi ses deux jambes qu'elle utilisait principalement pour marcher, mais qui servaient aussi dans la danse et la course. Quoi qu'il en soit, comme les membres supérieurs, les jambes rajoutaient du poids mort dans ce tas qu'était Lili.

Pour les bras, la petite avait une explication : elle avait dû dormir dessus, mais pour les jambes, Lili ne connaissait aucune position qui aurait pu les engourdir, du moins pas des positions pour s'endormir. D'ailleurs c'était la dernière chose dont Lili se souvenait : elle s'était endormie dans son lit et quelque chose était venu la border de ténèbres. Refusant d'y sombrer à nouveau, la petite rouvra les yeux et laissa au Soleil la chance d'observer ses deux perles céruléennes. Lili arrivait à plisser ses yeux de façon à empêcher la lumière de les fermer. Elle refusait de rester bloquer dans les ombres. Sa vision s'adaptait lentement et il semblait que le ciel bleu se fissurait en des traits noirs distincts qui grandissaient et s'épaississaient de plus en plus. C'était les branches noires d'un arbre prit par l'automne. En relevant son menton, Lili s'aperçut qu'elle était couchée aux pieds d'un grand pommier nu. Elle commençait à se souvenir des après-midis froides de novembre lorsque sa mémoire disjoncta. Elle parvenait à imaginer les feuilles jaunies se décrocher des arbres mais elles n'avaient pas le temps d'atteindre le sol. A la place elles tombaient comme absorbées dans un puits abyssal. Soudain c'est toute sa mémoire qui sombra dans ce même puits. Lili était incapable de se souvenir. Seul son prénom restait gravé dans sa conscience, tout le reste était tombé dans les profondeurs froides de l'Oubli. La petite ne percevait ni son corps, ni son esprit. Avait-elle encore de quoi se rattachait à l'Existence ? Une bien simple question. Il lui restait encore une chose : sa peur.

Ses bras, elle les sentait devenir chauds. Aux épaules, une décharge de picotements sournois firent sursauter ses phalanges. Lili venait de réussir à bouger ses doigts qu'elle pensait transformés en pierre. Elle sentit d'abord le froid aux extrémités, un froid de fin d'année. Emballée par la perte de sa mémoire, son cœur avait battu de chaleur et embrasait son corps tout entier. La colonie fourmillante était désormais devenue four et la machine se lança. Lili se hissa une première fois sur ses poignets tremblants mais retomba immédiatement sur le dos. Ses paumes avaient glissé sur une surface molle et visqueuse. Au deuxième essai, elle fut plus prudente et parvint à bloquer ses deux coudes comme des tréteaux. Si la petite pensait que se battre contre un corps endormi était une lutte qu'elle ne pouvait gagner, elle était loin d'imaginer son échec lorsque tout son être fut pétrifié par l'horreur. Une vision cauchemardesque venait de la tétaniser.

Loin devant elle se trouvait cette entité vibrante de terreur. Elle était assise face à une Forêt d'un noir si profond qu'elle s'y sentait aspirer. Il y avait un vent qui s'y engouffrait en hurlant à la mort voyant que même la lumière ne parvenait à en sortir. Lili le savait, si elle la regardait trop longtemps, la Forêt allait s'en rendre compte. Des yeux sur chaque tronc, une bouche dans la noirceur qui cache un sourire effroyable. Les arbres étaient tordus vers l'intérieur de la forêt et faisait siffler les pauvres courants d'air. Il y avait cette sensation horrible qui émanait de l'endroit : l'impression d'être observé. A nouveau, Lili se sentit engourdis. Ce n'était pas dû à son réveil, c'était l'effet de la Forêt. Quelque chose retenait son regard à l'intérieur. Ses coudes qui tremblaient de peur et de froid ne pouvaient plus supporter son corps et Lili retomba sur le dos.

La petite releva immédiatement la tête vers la Forêt pour se rendre compte qu'il faisait noir. Elle était juste là, face à elle. Il suffit d'une seconde et la Forêt s'était déplacée pour l'engloutir. Elle avait aspiré tout l'espoir. Les souliers de Lili touchaient les premières racines noires de l'orée. Il faisait tellement noir autour d'elle, le Soleil avait complètement disparu. Lui-même n'osait ou ne pouvait éclairer cet endroit. Un de ses réflexes fut de cacher ses yeux avec ses petites mains. Les ténèbres de ses paupières étaient moins effrayantes que celles qui allaient la dévorer. Pendant une seconde qui dura, elle entendait le bruit des racines qui s'éloignaient et la chaleur du Soleil regagner sa peau. Cependant ce n'était pas terminé. Après que les racines aient cessées leur progression, c'était des bruits de pas qui arrivaient de derrière elle. Couinement après couinement, la chose faisait craquer l'herbe dans un bruit aigu. Une ombre vint cacher Lili qui, couchée, fit pivoter sa tête sur le côté.

Elle vit deux grosses bottes boueuses et rafistolées remonter vers deux jambes rayées d'orange et de violet pâle sur lesquelles tenaient une robe bleu pastel aux extrémités roses. Des gants de jardinage énormes assortis aux chaussures de cuir avec des bracelets de toutes les couleurs qui fermaient des poignets si fins qu'on aurait cru voir ceux d'un enfant, un collier en forme de fleur accroché à un cou d'une longueur impressionnante avec, surplombant le tout, une fine tête rousse au regard interrogateur et un énorme chapeau de paille qui avait pris la place du Soleil ...

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⏰ Dernière mise à jour : Oct 11, 2020 ⏰

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VANTHER CIANOVA [EN COURS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant