Chapitre 1 (1/2)

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Quelques mois plus tôt


Il y avait foule ce jour-là. Meril fixait distraitement de son point d'observation les déambulements dans la ruelle remplie de stands. Elle était assise sur le trottoir chauffé par le soleil de fin de matinée. Le brouhaha ambiant et le spectacle qu'offraient la foire de fin de printemps avaient le don de l'apaiser. Alors qu'elle se laissait bercer par l'instant, elle remarqua un enfant qui pleurait à chaudes larmes. Sa mère venait de refuser de lui acheter un jouet en bois. Les oreilles de la jeune femme captèrent les voix fluettes d'un groupe de jeunes paysannes arrivées à sa hauteur. Les demoiselles avaient sorti leurs plus beaux habits pour l'occasion, mais le manque de bijoux et leurs mains calleuses ne pouvaient mentir. Elles travaillaient dans les champs.

La petite ville de Romeli, située à flanc de montagne était entourée de plantations, de fermes et plus loin, de l'immense forêt d'Abadon. La ville n'accueillait que très peu d'étrangers. Les rares visiteurs arrivaient par le cours d'eau qui passait au travers de la forêt puis par charrette. Il était généralement cas de marchands venus alimenter la ville en produits secondaires. Romeli était assez autonome pour subvenir à ses propres besoins. Coupée du reste du monde, on y vivait sans se soucier de ce qui se passait à l'extérieur. L'épaisse et grande foret d'Abadon agissait comme un rempart. Les quelques chemins cahoteux permettant de la traverser valaient plusieurs jours de marche et leur accès était contrôlé par la garde du vieux comte Alivar, qui gouvernait la ville d'une main plus que laxiste. Il fallait dire qu'il ne se passait pas grand-chose à Romeli. Alors quand les festivités arrivaient, la ville était en effervescence.

Une ombre vint cacher le soleil qui baignait sur Meril et sa chevelure dorée. Elle fronça les sourcils.

— Je te trouve enfin !

En entendant cette voix grave familière, le visage de la jeune femme se détendit. Elle se releva du trottoir à regret et épousseta sa longue jupe rouge sang.

— Eh bien, j'ai failli m'endormir en t'attendant, fit-elle nonchalamment à l'intéressé.

La silhouette à contre-jour souleva les mains dans un signe d'excuse.

— J'étais pourtant parti dans les temps, mais le travail m'a appelé.

L'homme sortit finalement de l'ombre et le visage d'Ortis se matérialisa, un sourire malicieux étirant ses lèvres.

— Ça n'a pas dû être productif, vu le peu de temps que tu as passé avec elle, lâcha Meril en s'avançant vers lui.

— Du tout, on a rendez-vous ce soir, après le bal.

Ce fameux bal signait le début de la foire, qui s'étalait sur une semaine entière. Toute la bourgeoisie y était invitée.

— Oh je vois, ta nouvelle cliente doit être très aisée alors.

Ils se mirent en marche, longeant les stands. La guitare d'Ortis rythmait leurs pas en tapant doucement sur son dos.

— Effectivement, mais nous verrons bien, je ne préfère pas m'emballer.

Ortis était un musicien de rue. Il n'avait pas de don particulier, mais sa maîtrise de l'instrument ne pouvait être que saluée. Cela ne suffisait malheureusement pas à subvenir à tous ses besoins. Il avait alors commencé deux années plus tôt à courtiser des dames de la bourgeoisie, pour étoffer ses revenus.

— J'ai croisé Nikolas en arrivant. Il souhaite changer d'emplacement pour le reste de la journée. Il va nous laisser le sien, poursuivit-il.

Ils arrivèrent devant ledit emplacement. Un homme aux cheveux grisonnants se tenait devant son chevalet, peignant de ses doigts colorés par la peinture, le portait d'une vieille dame assise devant lui. Chaque élément de sa main était utilisé dans la réalisation de son art, c'était sa spécialité. Ses œuvres étaient magnifiques et on pouvait le regarder travailler ainsi pendant des heures, tant son talent était curieux et hypnotisant. Lorsque Meril et Ortis se postèrent à côté de lui, la dame braqua ses yeux sur eux. L'homme la rabroua gentiment.

ARTESIA : L'Indépendance du SoleilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant