22 heures. Peter est immobile. Ses mains ensanglantées sont posées sur le lavabo. Ses articulations sont d'un blanc jaunâtre, chaque muscle est tendu. Des gouttes de sang coulent le long du lavabo et disparaissent dans une flaque rouge sombre au sol. Le robinet est ouvert. L'eau coule incessamment et rapidement. Le souffle de Peter est lourd, lent, presque apaisant. Il inspire profondément par le nez, souffle délicatement par la bouche. La tête baissée, ses cheveux cachent son visage, mouillés par un mélange de sang et d'eau. Des gouttelettes retombent dans le lavabo rempli, leur bruit assourdi par celui du robinet.
Peter lève la tête. Son regard croise celui de son reflet. Qui est-ce? Est-ce réellement lui? Difficile à dire, avec le visage recouvert de sang il est devenu méconnaissable. Ses yeux ne quittent pas son reflet, attendant patiemment de le voir bouger de son plein gré. Attendant la preuve que cet homme ce soit pas lui. Ça ne peut pas l'être. Impossible.
Sa main lâche enfin prise. Il avance son bras vers le miroir face à lui et ouvre le cabinet auquel il est attaché. Il s'arrête. Sa main. Elle aussi est recouverte de sang. Mais c'est pas le sien. Il n'est pas blessé. Sa main tremble. Il ne veut pas se souvenir. Il ne peut pas se souvenir. Autant noyer le tout dans le lavabo débordant d'eau. Il faut oublier. Il faut tout oublier. Il faut tout noyer. Il faut tout désinfecter.
Sa montre s'illumine. 22 heures 15. Sa mère va bientôt rentrer. Il peut pas rester dans cet appartement. Il peut pas y laisser ses empreintes. Les preuves. Il faut effacer les preuves. Le sang. Le lavabo. Son reflet dans le miroir. Il faut tout faire disparaître avant son retour.
Peter prend le savon dans le cabinet et se lave les mains. Il frotte de plus en plus fort. Il frotte partout. Entre ses doigts. Dans sa paume. Sous ses ongles. Il frotte même sa montre. Il jette le savon dans un grand sac en plastique blanc, posé au sol près de lui. L'intérieur est tâché de sang. L'extérieur est trempé d'eau. Il mouille son visage d'un coup d'eau rapide. Prend une serviette de bain et se sèche rapidement. La serviette blanche se tâche rapidement du liquide visqueux. Peter la regarde. Soupire. Elle le remarquera jamais. Il l'espère, du moins. Il jette la serviette dans le sac avec le reste. Il ferme le robinet, prend le sac à deux mains et le lance au dessus de ses épaules.
Il se retourne avant de quitter la pièce. Le sang recouvre le sol. Des empreintes de chaussures mènent jusqu'à lui. Ses chaussures. Des preuves. Il les enlève une à une et les jette dans le sac. Il enfile sa capuche et avance vers la porte d'entrée.
Un bruit.
Des pas.
Il s'arrête net. Qui est-ce? Ça peut pas être elle. Elle termine le boulot à minuit. À moins qu'elle ait fini plus tôt. Impossible. En 16 ans de connaissance elle est jamais rentrée une seule fois plus tôt du boulot. Ça a toujours été minuit. Pas une minute avant. Pas une minute après. Non?
Les pas se rapprochent.
Des cléfs tintent.
La serrure se débloque.
Il faut faire vite. Peter se dirige vers la porte à l'arrière de la maison. La porte d'entrée s'ouvre avec un grincement. La voix de la mère d'Ed résonne à travers les pièces vides. Putain, c'est elle. Peter attrape la poignée d'un coup de main rapide.
Les pas se rapprochent.
Il tourne la poignée. Il pousse la porte grand ouvert. Un grincement glaçant accompagne le mouvement.
"Chéri, c'est toi?" elle crie.
Peter traverse la porte. Le froid glacial le frappe au visage. Il ne se laisse pas arrêter. Il court hors du jardin. Il saute par dessus le grillage, son sac toujours sur ses épaules.
Il quitte la maison, tête baissée. Normal. Il doit avoir l'air normal. Il peut pas paraître suspicieux. Le grand sac blanc l'est déjà assez.
Il avance dans le froid glacial, ses chaussettes recouvertes de neige gelée. Sa capuche baissée. Le sac dégoulinant encore d'eau.
Un cri. C'est elle. Elle a découvert le corps.
Peter ne cesse pas sa marche. Il rentre dans les ténèbres de la nuit. Il avance sur la route enneigée, vers là où les lampions cessent de fonctionner. Vers là où la forêt commence. Vers là où la nuit est la seule chose qui apporte réconfort.
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C'est pas moi
General FictionDans Yeecity la norme est pas ce qu'elle paraît être. Peter vient de tuer son ami. Il essaye de fuir la scène de crime et de cacher son acte à sa famille jusqu'à ce qu'il craque et leur raconte tout. Cependant, même en leur donnant tous les détails...