47 : La dette d'Arsenal

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Le troisième jour de route touchait à sa fin. La fin de l'après-midi inondait les champs sombres de chaudes et étouffantes couleurs, sous un ciel embrasé de flammes vermeilles.
Sur un horizon qui n'avait jamais semblé aussi proche s'élevaient les monts de la chaîne du Berceau, frontières occidentales du monde connu. Taillées ainsi que des dents tranchantes, elles étaient si hautes et si abruptes que nul ne pouvait espérer les franchir.

Au loin, vers le sud-ouest, la Cité-Mort dominait tout. Derrière de puissantes murailles d'obsidienne hautes de cinquante toises, la légendaire tour de la Cité-Mort semblait être un phare d'obscurité au milieu du jour.
Les rumeurs concernant le joyau d'Ovilath prétendaient qu'elle dépassait la pointe des plus grandes cathédrales des Blanches - en comptant le plateau des Hautes-Terres sur lesquelles elles étaient bâties.
Ajoutant la touche finale au sommet du monument à sa propre gloire, la Quatrième des Cinq scrutait son empire, juchée là-haut, au delà des nuages. Nul ne savait si elle voulait ainsi garder un œil sur le monde, ou si elle désirait que le monde puisse contempler son œuvre et vénérer sa personne. Nul ne pouvait distinguer bien plus que la silhouette squelettique de l'Avatar de la Mort, mais son jugement pesait pourtant sur des lieues.

La cité d'Arsenal, quant à elle, était bien plus modeste sans pour autant manquer de superbe. Les bâtiments, collés les uns aux autres comme un rempart uni, rendaient en effet l'impression de ruches anguleuses, ou bien de ville faite de blocs construits les uns aux côtés des autres.

Les quatre aventuriers quittèrent enfin les champs en jachère pour poursuivre à travers les faubourgs d'Arsenal, sous les regards méfiants de quelques villageois.
Les expectatives de Paulin sur les peuples des cités d'extrême-occident, qu'il attendait composés uniquement de morts-vivants esclaves de l'emprise de la Quatrième, en prirent un sacré coup.
Les habitants ne semblaient pas plus maléfiques, ni plus morts, que les voyageurs eux-mêmes. Bien sûr, ils ne jouissaient ni de l'opulence ni des luxes que pouvait offrir Messire Misères, mais paraissaient tout de même d'une santé bien différente de l'image d'un peuple miséreux au teint blafard que Paulin imaginait.

Le chemin les mena enfin aux portes d'Arsenal, gueule béante aux crocs de herse gardienne de la cité. Deux Paladins Noirs veillaient à l'entrée, leurs armures dissimulant leur humanité pour ne laisser voir que des monstres de métal sombre habitées par les ténèbres.

« Halte, ordonna l'un des deux à l'approche des cavaliers.
Sa voix ne contenait aucune animosité, seulement une froideur qui n'appelait à aucune contradiction.

Sans que les voyageurs n'aient à toucher leurs brides, les chevaux obéirent d'eux-mêmes à cet ordre.

— Êtes-vous un prestre ? demanda son collègue, tout aussi froidement.

Méturis, impressionné par la stature des gardes, hocha docilement la tête, faisant tinter ses chaînettes.

— Sont-ce là vos assistants ? renchérit aussitôt le premier.

Le prestre déglutit difficilement.
— Tout à fait.

— Entrez donc, invita le garde sur le ton de l'ordre. Le dispensaire est dans le quartier ouest, contre les murailles. Pas d'histoires. Circulez. »

Les deux colossales armures pivotèrent, laissant les trois cavaliers pénétrer la cité fille d'Ovilath. Les chevaux se hâtèrent, tout autant pressés que leurs destriers de s'éloigner des Paladins Noirs.

Les rues, propres bien qu'étroites pour des chevaux, étaient sinistrement vides. Les terrasses de quelques tavernes attendaient la tombée de la nuit pour se bonder, et les seuls badauds que croisèrent les infiltrés semblaient être de zélés lanterniers.

Ainsi qu'il fut ÉcritOù les histoires vivent. Découvrez maintenant