Personne ne se souvient de quand les Ombres se sont abattues sur le monde. C'était il y a des centaines d'années, les gens n'ont pas eu le temps de se mobiliser, de transmettre leur savoir, trop occupés à se battre pour survivre. Et la priorité pour...
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Je ne sais pas ce qui me met le plus mal-à-l'aise. Le regard scrutateur de la principale, qui s'applique à ne pas dire un mot en passant de moi à Nerys sans discontinuer, ou celui, incendiaire, que me porte cette dernière. Je me demande si elle a cillé depuis que nous sommes assis. C'en devient angoissant. Les trois autres ont été transférés à l'infirmerie, évidemment, et s'appliquent à se présenter en victimes innocentes, totalement prises au dépourvu par mon attitude. Notre attitude. Puisqu'ils avancent également une version selon laquelle Nerys se serait jetée sur eux. Une version en leur faveur, pour résumer. Et la principale ne dit toujours rien. Ça fait peut-être une dizaine de minutes que nous sommes là, et personne ne dit rien. Je craque :
« Ils nous ont provoqué. »
La principale pose son regard sur moi, tentant apparemment de m'analyser, de lire en moi. Elle essaie de paraître cordiale et détendue, mais je n'arrive pas à donner le change aussi bien qu'elle. Aussi bien qu'elles. Je ne relâche pas la pression. Le regard de Nerys m'en empêche. La directrice se laisse aller dans son siège, et me toise un moment avant de répondre de sa voix posée mais ferme : « Hector et Jason ont de multiples contusions de bénignes à graves. Vous ne semblez pas aussi blessé, Ajax. »
Son regard se pose sur Nerys, comme si elle scrutait sa réaction plus que la mienne, mais je reprends sur un ton plus agressif :
« Donc on considère que je suis coupable parce qu'ils sont en moins bon état ? Quelle justice. » « Vous, souligne-t-elle, êtes coupables, au même titre que ces garçons. Parce que vous êtes tous des adultes responsables, et que vous auriez dû parvenir à éviter cette confrontation stupide. »
Son ton reste égal, mais elle a l'air moins calme qu'au départ. Nerys me lance un regard réprobateur en haussant les sourcils, l'air d'approuver chaque mot de la principale. Je me pince l'arête du nez. J'essaie de ne pas laisser transparaître à quel point je me sens acculé, mais j'ai du mal à le cacher :
« Évidemment, je m'en excuse. Mais ils m'ont poussé à bout, ils ont décidé d'un coup de venir nous faire craquer... » « La distribution des affectations a tendance à exacerber ce genre de rivalités intestines. Cela dit, jeune fille, vous avez votre part de responsabilité. »
Je lève les yeux, et capte l'échange de regards entre les deux femmes. Nerys a l'air de prendre l'affront personnellement, et même si elle ne laisse voir aucune émotion, elle soutient le regard de la principale. Elle la vrille d'un regard plein de morgue, et de défi. La principale ne se démonte pas. Je suis un peu impressionné parce que moi j'aurais déjà fondu sur place. Je me sens obligé de m'expliquer :
« Madame, Nerys est parvenue à garder son calme, c'est moi qui me suis énervé et ... » « Elle a sévèrement entaillé l'un des jeunes hommes. » « Un accident, je réponds tout de suite, et sincèrement, ils étaient bien partis pour me faire plus qu'une petite entaille. » « Votre inconscience pourrait vous coûter votre place dans le prochain raid. On ne prend pas les têtes brûlées pour ce genre d'expédition. Alors j'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi je devrais vous garder dans cette équipe, étant donné votre insubordination. »
