Personne ne se souvient de quand les Ombres se sont abattues sur le monde. C'était il y a des centaines d'années, les gens n'ont pas eu le temps de se mobiliser, de transmettre leur savoir, trop occupés à se battre pour survivre. Et la priorité pour...
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« Alors tu ne parles vraiment pas du tout ?, demande Faune, jamais ? »
Je secoue la tête en lui offrant une grimace contrite. La journée ne fait que commencer, mais je dois avouer qu'elle se révèle déjà très intéressante. Je prends un sincère plaisir à apprendre à connaître chacun de mes coéquipiers. Chaque caractère est différent et apporte sa propre facette à notre équipe, et j'apprécie ces différences. L'ambiance me plaît, chacun étudie l'attitude de l'autre, s'applique à essayer de le comprendre, et personne n'essaie d'empiéter sur l'espace de l'autre. J'aime cette ambiance bienveillante et curieuse qui plane.
Andromaque et Faune ont l'air de déjà bien se connaître. Ils se lancent des blagues, continuellement, et rigolent ensemble des réponses faites par l'autre. Leur débit est tel que je peine à suivre, mais leurs rires sont agréables à entendre. Attis et Lycaon sont plus discrets, mais ils observent le déroulement des événements avec un vague sourire aux lèvres, qui laisse entendre que, comme moi, ils apprécient un peu d'animation. Je note d'ailleurs que si Attis se tient en retrait, Lycaon, lui, s'est rapproché d'Ajax, et ils discutent ensemble, à mi-voix, depuis le début de notre trajet. J'esquisse un vague sourire. Voir Ajax s'intégrer me fait plaisir.
Nous marchons d'un bon pas, sous la direction d'Andromaque, qui a décidé de nous trouver un endroit où manger. L'harmonie qui plane me détend. J'appréhendais cette étape des raids, celle où j'étais censée tisser des liens avec mes autres équipiers. Me rendre compte que tout peut se passer aussi naturellement est encourageant. Je sens mes angoisses se calmer, pour ne laisser que les interrogations curieuses à l'égard de mon nouvel entourage.
« Tu sais signer, du coup ?, demande Faune, si tu ne parles pas ? »
Je penche la tête, interrogatrice. Je ne sais pas ce qu'il veut dire, et il semble le voir. En revanche, je note que malgré son caractère très tactile, il maintient une sorte de distance avec moi, que j'apprécie sincèrement. J'ose espérer qu'il ne s'agit pas d'une répulsion que je lui inspire, mais j'ai l'impression qu'il s'agit surtout d'un respect de mon propre caractère. Et je trouve ça agréable. Il reprend :
« Signer, tu sais ce que c'est ?, je fais non de la tête. Ah ! Ma sœur ne parlait pas. Du coup, un vieux du village lui avait appris à parler avec des gestes. »
Je laisse entrevoir ma surprise. Je ne connaissais pas l'existence d'un tel vocabulaire, et je hoche la tête pour le pousser à m'en dire plus. Ce qu'il fait très volontiers, un sourire plein de dents, un peu maladroit, accroché aux lèvres. Je lui rends doucement son sourire, enthousiasmée. En comparaison à ceux qu'il m'offre depuis quelques heures, je pense qu'il est assez piteux, mais il a l'air de s'en satisfaire, puisqu'il tourne la tête vers Andromaque, l'air de me désigner avec fierté comme s'il avait réussi un exploit :
« Je l'ai fait sourire ! »
« J'ai vu ça, rit-elle, brave bête !, elle répond, et moi j'ai trouvé où manger ! »
