34 - Ludo

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Tranquillement attablée autour d'un rôti de bœuf, toute la caserne s'étonne lorsque la télé et les lampes s'éteignent simultanément. Aussitôt, Clémentine se lève alors et dit, souriante :

– Ça vous suffit pour comprendre qu'il faut changer l'installation électrique, maintenant ?

Mais son visage change vite de trait quand elle pousse l'interrupteur et que la lampe ne s'allume plus. Instinctivement, je me jette sur le robinet et l'allume. L'eau ne coule plus non plus. Raphaël en conclut, la mine grave :

– Il y a une coupure d'électricité et d'eau.

Un autre renchérit :

– Après l'annonce du confinement, nous voilà coupés d'eau et de lumière !

Le reste du repas se déroule sans aucune autre embûche. A la fin du festin, le chef se lève et s'adresse à l'attablée :

– Suite à l'annonce de notre cher maire, et le fait qu'on a plus d'électricité ni d'eau, on va devoir ralentir notre consommation de tout. Les douches seulement lors des inter grave type feu... Vous comprenez. Ensuite, les ressources pour se nourrir vont être aussi à diminuer. D'ailleurs Messieurs Carrotin, Walker et Satinelli vous partirez faire les courses pour ravitailler la caserne.

Après sa longue élocution, notre chef se rassoit et jette un coup d'œil à Louca, Raph' et moi. Nous nous levons, attrapons trois sacs à dos et nous dirigeons vers la porte. On s'apprêtait à sortir lorsque Clémentine se lève, vas vers Raph' et lui dit :

– Fais attention à toi...

Pour toute réponse, il l'embrasse et ouvre la porte.

Cela fait plusieurs minutes que nous marchons dans les rues désertes de Toulouse quand nous tombons face à une supérette. On entre à l'intérieur, il fait noir et froid. Les étales de fruits et légume ont été dévalisé, les frigos éventrés. Il ne reste que quelques petite boîtes de céréales de basse qualité. Le sol, lui, est jonché de différents emballages plastiques vides. Nous sortons alors de ce magasin et continuons notre chemin sur les routes pavées de la ville.

Plus tard, nous croisons le chemin d'un petit garçon d'environ dix ans. Il tient dans sa main un paquet de carte. Tout souriant, il nous demande :

– Je peux vous faire un tour ?

Je regarde Raph' et réponds :

– Ouais, ça nous changera les idées !

Tout content, il mélange ses cartes et me les présente en éventail. Tout en me tendant un stylo, il me dit :

– Choisis une carte et signe là, pour qu'elle soit unique.

J'en choisis une au hasard, l'as de trèfle. Je dessine une flamme dessus et inscrit mon prénom en guise de signature. Il me dit alors :

– Au fait, moi c'est Rémi. Passe moi ta carte.

Je lui tend ma carte et répond :

– Moi c'est Ludo.

Il mélange toutes les carte et se dirige vers la vitre de la supérette de tout à l'heure. Rémi étale ses carte sur la vitre et tourne la tête vers moi pour me dire :

– Pousse-les de toutes tes forces pendant deux secondes.

Il me fait un signe de tête pour que je vienne le rejoindre. Je m'exécute et il me dit :

– C'est bon, tu les tiens ?

Je hoche la tête positivement.

– OK, donc un... deux... stoop !

Je m'arrête et laisse tomber les cartes. En regardant face à moi, je découvre une carte collée de l'autre côté de la vitre. C'est ma carte ! Celle que j'ai signée ! J'arrive pas à le croire ! Je regarde Raph' et Louca qui, vu leurs têtes, sont aussi surpris que moi.

Sans attendre, je m'engouffre dans le mini magasin et vais décrocher ma carte. Elle se décroche, elle est bien réelle. Je retourne auprès du magicien et de mes amis et dis :

– Woaw, tu gère !

Louca et Raphaël approuve d'un hochement de tête. Rémi nous remercie, puis il ramasse ses cartes et s'en va.

Ce tour nous a tous un peu déboussolés mais, très vite, Raph' reprend ses esprit :

– Bon c'est pas tout ça... Mais on a une mission.

Et il se remet en marche dans la rue pour trouver un autre magasin qui pourrait répondre à nos besoins.


Plus tard, nous trouvons un enfin un supermarché correct. Nous entrons et, cette fois, c'est allumé et on aperçoit un vieil homme assis à l'une des caisses. Alors nous commençons à nous servir. On ajoute plein de boîtes de conserve, plats surgelés, bouteilles d'eau et papier toilettes dans le caddie. Une fois nos rations de survie faites, nous nous dirigeons vers les caisses. Mais le vieillard nous fait signe de la main de nous stopper, ce que nous faisons. Il s'approche de nous, examine le contenu de nos deux caddie, et dit :

– Vous pouvez y aller.

D'un pas mécanique, il retourne s'asseoir à sa caisse. Alors Raph' pose quelques billets de dix euros sur sa caisse et nous sortons à l'extérieur. Nous nous regardons, interloqués par ce qui vient de se produire, mais tout ce qui sort de ma bouche est :

– Bref, on rentre ? Le soleil se couche.

Raphaël et Louca hochent de la tête et on se met en route vers la caserne. Le chemin inverse se fait sans aucune embûche particulière.

A peine avons-nous passé la porte que Clémentine se jette dans les bras de Raph' en lui disant :

– Vous avez passé un temps monstrueux dehors ! J'ai eu peur qu'il vous soit arrivé quelques chose !

Raphaël la serra dans ses bras et dit d'un ton moqueur en me regardant :

– Ludo voulait une parenthèse magique.

Plusieurs regards interrogateurs se tournent alors vers moi.


Nous rangeons les différentes affaires achetées et je vais sur la terrasse pour respirer un peu seul. Voir le jeune homme de tout à l'heure dans la rue m'a en quelque sorte rassuré ; il m'a rappelé que tout n'était pas mort. Comme le rêve. Et mon rêve, actuellement, c'est de retourner à Marseille, retrouver les Alliés Visionnaires et notre vie d'avant. Mais la pluie met fin à mes espérance et je dois rentrer à l'intérieur. Une fois encore, la vie me ramène à la tristesse de la réalité. 

La Nature reprend ses droitsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant