52 : Interrogatoire

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L'esprit de Témeriel, entravé par l'alcool, la fatigue et la douleur, émergea lentement des abîmes. Les ténèbres étaient encore reines, et sa vision demeurait floue. Pourtant, il aurait juré distinguer deux lumières jaunes pâles danser devant lui, comme deux sinistres feux follets cambrioleurs.

« Il se réveille. » informa une voix fluette à sa gauche.
Le Commandeur bascula sa tête trop lourde vers la voix, et crut délirer en y discernant une silhouette minuscule scintillant d'une lueur bleutée.

Ses forces lui revenaient petit à petit. Il sentait à présent les cordes qui le ligotaient solidement à la chaise, et la douleur du coup porté à son crâne lui revenait, de plus en plus fort à chaque battement de cœur.

Une silhouette s'assit face à lui, mais la pénombre et ses esprits embrumés ne lui permirent pas de la dévisager. Sa voix, en revanche, lui sonna étrangement familière :

« Où sont les Reliques ? demanda la voleuse.

Témeriel plissa les yeux, à la recherche d'indices sur sa tortionnaire. Des cheveux mi-longs bouclés, une vivacité acerbe dans le regard, une carrure à la fois solide et fine... Il ne lui en fallut pas tant pour retrouver dans ses souvenirs de qui il s'agissait.

— Je vous connais, non ? vérifia-t-il tout de même. Vous étiez la compagne du chevalier Destoisons, c'est cela ?

Comme pour lui donner raison, une autre silhouette rentra dans la pièce, sortant de la chambre à coucher. Le Commandeur reconnut immédiatement sa voix.

— Les bottes ne sont pas non plus dans sa chambre, informa Paulin.

Aliénor se retourna une seconde vers son compagnon. Ce moment d'inattention était tout ce dont Témeriel avait besoin : il bondit de sa chaise et empoigna sa ravisseuse, une main tenant sa tête en arrière et l'autre menaçant sa gorge nue de sa lame.
Les ténèbres omniprésentes lui avaient permis de trancher ses liens en toute discrétion, mais c'était bien l'incompétence des cambrioleurs qui lui avait laissé son poignard. Fut-il dissimulé dans les plis de ses vêtement.
La fée scintillante, les deux feux follets et Paulin se figèrent, conscients que le piège s'était retourné contre eux.

— Bien, souffla Témeriel. Je vais à présent vous poser des questions, et si vos langues ne savent pas proférer autre chose que des mensonges ou des bégaiements,  je trancherai celle de votre amie. Sachez que j'ai déjà administré ce châtiment assez de fois pour qu'elle s'en sorte en vie, mais mon humeur pourrait assez vite changer. Est-on tous d'accord ?

Les quatre acquiescèrent.

— Super. Première question, alors. Que faites-vous ici ?

Paulin déglutit.
— Nous recherchons vos Reliques.

— Bien. Je le savais déjà, c'était juste pour vérifier que vous preniez la menace au sérieux. Deuxième question : que comptiez-vous en faire ?

Les deux feux follets répondirent d'une même voix, faisant comprendre à Témeriel qu'il s'agissait manifestement des yeux d'un prestre.
— Nous comptions les donner aux rats.

— C'est... C'est une sacrée dette, s'étonna le Commandeur. Troisième question : que vous ont promis les rats en échange ?

La fée s'avança. Ou bien ses ailes ne brillaient pas, ou bien elle n'avait pas d'ailes du tout.
— L'utilisation d'un passage secret vers Ovilath, avoua-t-elle.

— Vraiment ? Quatrième question : lors de votre duel contre Varlok, Paulin, vous avez promis la chute des Cinq. Votre objectif a-t-il changé depuis ?

Le concerné hésita. L'éclat de la lame s'approchant de la gorge de son amie ne délia pas sa langue.

— Non, affirma Aliénor, d'une voix dont la fermeté ne masquait pas tout à fait l'inquiétude.
Nous voulons encore la destruction de la tyrannie Draconique.

Ainsi qu'il fut ÉcritOù les histoires vivent. Découvrez maintenant