Il y a toujours un point de non-retour dans nos vies. Un point où l'on sait que c'est la fin. Qu'il n'y aura plus de retour en arrière. Plus de changement. Seulement une fin imminente. Une fin écrasante ou l'on ne pensera jamais qu'on arrivera à se relever à nouveau.
Les bruits des roulettes de ma valise tapaient le sol en marbre de l'aéroport suivant le chemin vers l'embarquement. Ce voyage devait être une exploration, une histoire heureuse, une histoire que je pourrais raconter à ma famille. Une histoire que je partagerai avec mon âme sœur. Du moins, je pensais qu'il l'était. Je voulais lui offrir ce moment, j'avais eu tort. J'avais eu si tort. J'aurais probablement dû rester en France, oublier tout ça. Ne jamais l'amener ici.
Je n'imaginais pas une seule seconde, que je repartirais sans lui. Que le voyage finirait non accompagné. C'était dur, le retour à la réalité, seule.
« Votre carte d'identité » Je lançais un regard à l'hôtesse française face à moi. Je supposais qu'elle embarquait, elle aussi pour le retour en France. Je lui tendis le papier, montrant mon identité. Ce bout de papier attesté qui j'étais. Une humaine banale avec une description : cheveux bruns, yeux verts, jusque-là complètement normal.
Mais la réalité était autre. Mon monde était bien différent de celui des humains. J'enviais les humains, ces êtres conscients et inconscients à la fois. Ces êtres qui ne voyaient presque jamais la face de mon monde. Eux, ils avaient le cycle de la vie, les enfants, les hommes, les femmes à aimer. Moi, qu'est-ce que j'avais ? L'immortalité infinie l'ennuie totale, une croissance arrêtée et je n'étais qu'au début. J'allais bientôt voir toute ma famille mourir sous mes yeux un jour. Ce n'était qu'une question de temps pour eux. J'enviais tellement mes petites sœurs, elles, elles n'avaient pas hérité du don de notre père. Elles, elles pouvaient avoir un semblant de vie banale. Ce que moi, je ne pouvais probablement jamais connaître.
Ma famille bien évidemment était là pour moi. Mais j'avais toujours su que nous n'avions rien à voir avec les familles humaines. Le conseil des êtres surnaturels m'avait continuellement montré à quel point mon monde était différent de celui des humains.
Avec lui, j'avais pensé pouvoir changer. J'avais laissé l'idée même de divaguer sur une vie avec lui. Avoir qui sait ? Des enfants, je m'étais bien trompée, j'avais bâti toutes mes croyances sur de faux-espoirs. J'avais été stupide.
"Eh bah beauté. Qu'est-ce qui t'arrive ?" Je détournais mon regard du hublot, reconnaissant cette voix si familière. Clovis se tenait debout face à moi. Son sourire victorieux pendait à ses lèvres. Il savait pertinemment qu'il avait gagné son pari. Que je me ferai larguer. Que je reviendrai vers lui. Pourtant, c'était lui qui était dans l'avion du retour avec moi. C'est lui qui me courrait toujours après.
"Tu as gagné. Content" Je l'oubliais à nouveau, reposant mon regard sur l'extérieur de l'avion. Clovis n'avait pas attendu pour prendre la place sur le siège passager à mes côtés qui était ni autre que libre. Je le supposais d'avoir réservé même tout l'avion. Il n'y avait quasi personne. À part quelques passagers, que je soupçonnais être comme nous.
"Moi, Non. Je n'aime pas te voir triste. Mais ne t'inquiète pas. C'était un minable ce type. Il ne te méritait..." Je l'arrêtais à temps, je ne voulais pas encore entendre ce genre de phrases. Je me sentais quand même en partie responsable de cette rupture. Si j'avais été humaine, si je n'étais pas cette chose, alors peut-être aurais-je pu avoir une vie avec lui.
"Arrête Clovis, je sais que ça t'arrange. Tu t'en fiches. Tout ce que tu veux, c'est retrouver nos parties de jambes en l'air, vu qu'il a dégagé du tableau." Il fit semblant d'être touché en plein cœur par mon attaque. Tout en affichant toujours son stupide sourire victorieux.
"Tu sais bien que c'est faux. En partie."
"Qu'est-ce que tu fiches ici, de toute façon ?"
"La même chose que tous ses jeunes. Je suis venu m'amuser à Ibiza." Je devais avouer que sur le coup même si j'étais mal, il m'avait fait rire. Je ne croyais pas une seule seconde à son mensonge.
"Vraiment, en plein mois de février." J'avais beaucoup de mal à imaginer les jeunes en cette saison qui restait hivernale. Du moins pour nous les Français de partir à Ibiza.
"Rohhh ça va. Apprécie ma compagnie plutôt." Ça me faisait bizarre, de l'avoir à mes côtés, ça faisait un moment que l'on avait arrêté de se voir. Or, je devais avouer que sa présence était agréable. Comme un retour à la maison avant même d'avoir posé mes pieds sur le sol français.
"Tu sais peut-être que tu devrais considérer de me suivre vraiment cette fois-ci." Je savais bien de quoi il me parlait. D'utiliser sa fortune et la mienne pour s'amuser et faire le tour du monde. Mais c'était hors de questions que j'utilise l'argent que mon père avait acquis au cours des siècles pour faire n'importe quoi. Finalement, Clovis revenait exactement là où lui et moi ça n'avait pas fonctionné. C'était un flambeur, il n'avait rien acquis. Moi, j'avais encore l'éternité face à moi. Et je comptais clairement gagner mon propre argent sans utiliser celui de mon père.
"Je sais. Je sais, un jour, tu changeras d'avis. Peut-être lorsque l'on rentrera à la maison." Il me sourit avant de finalement ne plus rien ajouter. Il s'était allongé, abaissant son bandeau pour les yeux, il avait bien sûr, pris le soin, de prendre sa main dans la mienne. Comme si rien n'avait changé entre nous. Comme si nous ne nous étions jamais quittés. Clovis était toujours un éternel optimiste même si le monde brûlait, il avait foi en lui. Je l'enviais sur ça, moi, je n'y arrivais plus, et surtout en ces derniers moments.
Gabriel avait pris tout ce qu'il y avait de bon en moi. Je n'avais plus que la peine et la rage incessante envers les chasseurs pour qui il avait choisi de rester avec. Je le haïssais, je le détestais, et je savais que l'hôtesse qui venait de repasser avec son plateau allait être mon quatre heures.

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Gabriel - Chasseur de vampire
Vampire"Si un jour, on m'avait dit que l'amour fait si mal, je l'aurais tué, je n'aurais pas attendu si longtemps." Ma sœur rattrapa mon bras m'empêchant de fuir la maison familiale. "Heidi, arrête, vous vous retrouverez." Mmh, la bonne blague. Je détestai...