Chapitre 3. Le locataire

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Le cri résonna dans tout le manoir.

En l'entendant, tous les locataires se retournèrent en silence dans leur lit, guère décidés à le quitter. L'un deux marmonna même une insulte, tandis qu'un autre se remit à ronfler.

Hildegarde hurlait toujours.

Dans la pénombre de la chambre, la silhouette noire accroupie au-dessus d'elle avait des allures de gargouille. Des yeux disproportionnés et un sourire carnassier.

Qu'est-ce que c'était ? Un monstre ? Un homme ? Une femme ?

Ses yeux faisaient un va-et-vient entre elle et la silhouette, ses mains plaquées contre elle. Toutes ses pensées étaient bloquées. Qu'est-ce que cette chose faisait ans son lit ! Elle avait fermé la porte à clé !

Elle avait fermé la porte à clé !

-Non ! Non ! Non !

La jeune femme la repoussa violemment du plat de la main et se colla contre la tête de lit. La silhouette partit alors en arrière et avec un bruit sourd atterrit sur le plancher, hors du champ de vision d'Hildegarde.

Elle cessa de crier et retint son souffle. Elle voyait le rebord du lit. Elle s'attendait à tout moment à voir sa tête difforme ressurgir ou une main agripper la couette. Ses mains froides et moites... Elle les sentait encore sur elle. Le léger pincement de ses ongles sur sa peau... Elle plaque son poing contre sa bouche pour s'empêcher de crier. Un gémissement étouffé siffla entre ses lèvres.

Pourquoi personne ne venait ? Elle était seule !

Le temps sembla s'écouler au ralenti. L'horloge de sa chambre était arrêtée, ses aiguilles figées. Hildegarde avait le regard rivé sur le rebord du lit où la créature avait disparu.

Le souffle d'Hildegarde tapissait le silence en toile de fond. Plus un bruit. Plus un pas. Plus de deuxième respiration.

Hildegarde se mit à quatre pattes sur son lit et prenant tout son courage, elle s'approcha du rebord. Doucement, elle passa sa tête par-dessus.

Le tapis était vide. Sous le lit, la créature devait être sous le lit.

Hildegarde se recula immédiatement et se recroquevilla au milieu de la couette. Elle rabattit les pans sur elle comme si cela pouvait la protéger.

Elle imaginait la créature allongée sous elle, attendant qu'elle pose un pied par terre. Elle se souvenait de ces yeux hallucinés... Elle mordit son poing jusqu'au sang.

Putain, putain, puatin...

Elle en était persuadée, il y avait quelqu'un dans sa chambre. Son regard filtra jusqu'à la fenêtre. Les tentures de velours cramoisies, si épaisses, ne laissaient pas passer le moindre rai de lumière. Si elle pouvait juste... briser les ténèbres de la chambre. Elle ne pouvait plus rester dans l'obscurité. Il lui fallait de la lumière.

Il fallait qu'elle tire les rideaux.

La créature sous le lit. La lumière.

Les deux désirs se battirent en duel sous son crâne, jusqu'à ce que la peur elle-même plie face à l'obsession qui grandissait en elle. Comme une somnambule, emballée dans la couette, Hildegarde courut jusqu'aux fenêtres. Elle agrippa fermement le velours et d'un coup sec, écarta les rideaux. La lumière éclaboussa d'un coup tous les contours de sa chambre. L'horloge cessa de prendre des allures de géant, les tableaux devinrent moins menaçants et la pièce lui apparut telle qu'elle était. Plaquée contre les murs, Hildegarde fit le tour de sa chambre. Toujours aucune trace de la créature.

Le Foyer [En pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant