28. Course effrénée

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J'aurais pu prendre un taxi, mais je ressens le besoin urgent de marcher. Ma tête bourdonne de questions, de peur, de rancune et de haine. Je bouille de rage et cette boule d'émotions au fond de moi n'attend qu'une chose : exploser. Le bruit de mes pas rebondit sur les murs des bâtiments que contient la rue alors que seuls les lampadaires me confèrent une lumière. Je lève la tête et observe le ciel obscur, obstrué de nuages sombres qui m'empêche de distinguer les étoiles ainsi que la lune. La noirceur de la nuit ne me permet pas aisément de lire les panneaux qui indiquent le nom des rues, mais je reconnais les blocs résidentiels autour de moi. C'est ici.

Cet appartement fut jadis mon chez moi, ma maison, mon petit coin douillet. Je suis d'ailleurs surprise qu'il n'ait toujours pas été loué. Sa position par rapport à Montréal est très avantageuse, comptant les nombreux magasins et le centre commercial jouxtant le bloc appartement. Et l'endroit n'est pas laid, c'est parfait pour les jeunes adultes qui commencent leur vie ainsi que leur carrière et qui cherchent un petit endroit pas trop cher pour vivre.

Exactement ce que j'étais lorsque j'ai loué cet appartement. Jeune et innocente, inconsciente des dangers qu'abrite le monde.

J'extirpe mon portable de la poche de ma veste et allume la flashlight. Je balaie la face du bloc des yeux, cherchant un papier ou un indice qui m'indiquerait le passage de Spenter. Néanmoins, je ne trouve rien. Je déduis donc que ce psycopathe doit s'être introduit illégalement dans mon ancien appartement. Je souffle et pousse la porte principale, éteignant ma lumière. Je grimpe le plus silencieusement les escaliers pour ne pas alarmer les voisins ni le propriétaire jusqu'au dernier étage, là où l'appartement se trouve.

Mes pas me mènent jusqu'à bout du couloir. Une fois devant ma porte, j'empoigne la poignée et la tourne, constatant immédiatement qu'elle est verrouillée. Évidement, à quoi ai-je pensé ?

Je soupire et observe longuement la porte, en proie d'une hésitation meurtrière intérieure entre la curiosité et la raison. Ma curiosité me hurle de me débrouiller afin d'ouvrir la porte et de découvrir enfin la raison pour laquelle Spenter m'as écrit. De l'autre côté, ma raison me gronde de ne pas entrer et de ne pas m'abaisser à son niveau en commettant le crime d'entrer par infraction dans un appartement qui n'est plus mien.

La curiosité est certes un vilain défaut, mais le visage de ma fille entre les mains de cette vermine me vient à l'esprit et la question ne se pose même plus. Si j'ai une chance de sortir Hailey de l'endroit où elle se trouve ou même d'être avec elle, je prendrai tous les risques nécessaires sans hésiter une seule seconde. Je rabats ma capuche sur mes épaules et fouille dans mes poches à la recherche d'une pince plate ; je ne supporte pas avoir des cheveux dans le visage, alors j'en ai toujours sur moi. J'étire les deux extrémités afin de pouvoir en insérer une dans la serrure, à la manière de Betty Cooper.

Après quelques secondes à forcer la serrure, je finis par atteindre le loquet et je peux finalement ouvrir la porte, que je referme délicatement derrière moi. Je rallume une nouvelle fois ma flashlight, actionner les interrupteurs pour les lumières principales étant trop risqué : je risquerais d'attirer l'attention pour rien. Je m'avance vers le salon complètement vide et suis aussitôt submergée de souvenirs étouffants. Je dois m'appuyer contre le mur pour ne pas m'écroule sur le sol. Mes jambes flagellent et j'ai l'impression qu'elles pourraient me trahir à tout moment. J'inspire et expire, chassant la crise d'angoisse du mieux possible.

Je ne peux me permettre de paniquer maintenant. Le temps presse et je dois absolument retrouver Hailey. Je monopolise toutes mes forces pour ignorer les larmes qui montent et la panique qui me guette afin de me concentrer sur ma recherche. Je fouille des yeux le salon, sans succès. Aucune trace de Spenter. Je fais de même pour toutes les pièces, terminant avec la cuisine. J'ai beau regarder partout sur les murs, le plancher et le plafond, rien.

Le temps d'une vie - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant