Les jeunes femmes rentrèrent au Triton. Le calme régnait dans ses lieux, un client dormait encore sur un des bancs, seule preuve restante de la débauche de la veille. Fusco, fidèle au poste, était penché dos à elles, nettoyant une des tables. Elles le regardèrent quelques secondes. Talia chuchota à l'oreille de son amie.
— Regarde-moi ses belles fesses qui se dandinent. On en croquerait volontiers, n'est-ce pas ?
Meril ne résista pas à la tentation de fixer le postérieur qui s'offrait à sa vue. L'intéressé se retourna et les scruta. Elle détourna le regard, le visage en feu.
— Tu vois, enchaîna Talia comme si de rien n'était. Je t'avais bien dit qu'il serait là. Cet homme ne dort jamais.
Fusco se tint contre la table et croisa les bras.
— Je t'ai entendu, je te signale. fit-il nonchalamment. Mes fesses n'ont pas envie d'être meurtries mais si un jour elles changent d'avis, je te préviendrais.
Talia éclata d'un rire haut perché, visiblement gênée. Fusco et elle, échangèrent un lourd regard pendant quelques instants. Une tension palpable enflait, laissant Meril perplexe. Fusco finit par se racler la gorge.
— Je vous sers quelque chose ou vous préférez rester à l'entrée toute la journée ?
Talia reprit ses esprits et se dirigea vers le comptoir, l'air soudain indifférente.
— Deux remontants de ta confection s'il te plait. répondit-elle en s'asseyant sur un tabouret.
— Deux remontants pour ces demoiselles. Ça marche, je reviens.
Il partit quelques minutes dans l'arrière-salle. Meril s'assit à côté de son amie.
— Ça te dit de m'expliquer ce qu'il vient de se passer ? Cette tension... C'était si intense. J'en suis encore toute retournée, fit-elle en s'éventant de la main.
— Il ne se passe rien, plus maintenant en tout cas. Ce que t'as vu, c'est le résultat d'une mauvaise idée après une soirée trop arrosée. Rappelle-moi d'arrêter de boire.
Meril s'esclaffa.
— Eh bien, la liste commence à s'allonger.
— De quoi tu parles ? fit Talia méfiante.
— Tu veux arrêter de te laisser porter par tes fantasmes et maintenant l'alcool.
Talia jeta un regard à Meril qui souriait.
— Pourquoi tu souris comme une imbécile ?
— Tu es sûre que c'est une erreur due à l'alcool ta petite incartade avec Fusco ? demanda-t-elle l'air de rien.
Un silence suivit, Talia paraissait songeuse.
— Une sale erreur ouais.
La matinée se poursuivit, quelques clients poussèrent les portes de la taverne. Les jeunes femmes allèrent se faire un brin de toilette avant de partir pour leur nouvelle escapade. Elles prirent deux grands sacs vides et se dirigèrent vers l'épicerie de Rodan. Elles s'arrêtèrent à l'angle d'une ruelle, observant la devanture sans pour autant être repérées. Un moment passa avant que Rodan n'en sorte. Lorsqu'il se fut éloigné, elles se précipitèrent vers la porte. Meril avait toujours la clé et rentra sans difficulté.
— Quelle odeur ! fit Talia en se pinçant le nez.
— Oui, ça sent fort, on s'y habitue avec le temps. Viens.
Elles empruntèrent les escaliers qui menaient à l'étage. Les lieux étaient éclairés par les volets ouverts. Meril récupéra tous ses vêtements à la va vite et les fourra dans un des sacs, emporta quelques breloques, des papiers et des livres. Elle partit dans le grenier pour prendre sa boite à bijoux en bois sculpté. Alors qu'elle avait presque fini de ranger ses affaires de toilette, elle entendit le carillon de la porte de l'épicerie teinter.
— Chut, plus un bruit ! souffla-t-elle. Il est en bas.
Talia mima avec ses lèvres dans un pure silence.
— On fait quoi ?
Meril regarda autour d'elle et désigna la fenêtre ouverte sur la rue. Elles s'en approchèrent. Heureusement, un seul étage les séparait de la ruelle. Le mur était fait de pierre et permettait de s'y agripper avec aisance. Une gouttière en fer descendait tout le long.
— Talia, tu y vas en première.
L'intéressée hésita.
— Allez ! Tu voulais venir, maintenant dépêche-toi ou il va nous trouver.
Talia passa la fenêtre. Elle s'accrocha à la gouttière et descendit avec lenteur. Meril entendit les pas de son ancien compagnon dans les escaliers. Il montait et il allait bientôt la trouver. Son cœur tambourina à ses oreilles, elle enjamba précipitamment le bord de la fenêtre. Alors que son amie continuait à descendre par la gouttière, Meril passait directement par le mur de pierre. Elle le dévala avec aisance et rapidité. Lorsqu'elle arriva en bas, Talia était toujours accrochée.
— Vite, saute ! Je te rattrape !
Talia ne bougeait plus d'un pouce. Elle était pétrifiée.
— Tout va bien Talia, c'est moins haut qu'hier. Tu peux le faire, fais-moi confiance.
Son amie ferma les yeux, elle devait lutter contre le vertige. Elle essaya de faire le vide dans son esprit, de respirer profondément. Quelques secondes passèrent et elle se décida à sauter. La danseuse la rattrapa sans difficulté. Talia, un peu désorientée, prit quelques instants pour se reprendre.
— C'est bon, je me sens mieux, on peut y aller.
Meril ne se le fit pas dire deux fois, elle prit sa camarade par le bras et elles déguerpirent à toute allure, l'expression triomphante accrochée au visage et l'esprit léger.
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ARTESIA : L'Indépendance du Soleil
FantasyMeril est danseuse de rue dans la ville de Romeli depuis sa plus tendre enfance. Elle danse pour s'évader de son quotidien morne qui lui pèse. Lorsqu'un jour quelqu'un est blessé par sa faute, elle ne peut pas rester sans rien faire. Marque ainsi...