Chapitre 3: Injuste Banquet

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Un banquet nous attendait sur l'autre côté de la place. Un repas en notre honneur pour notre anniversaire. Je voyais des tas de victuailles que je n'aurais jamais envisagé manger, même en rêve. Des gâteaux au chocolat, à la crème, aux fruits, se mélangeaient sur la table avec des soupières de bouillabaisse. Je voyais des légumes qui brillaient, de la viande en grande quantité, des plats gastronomiques incroyables qui dégageaient de la fumée ou qui brûlaient sans se carboniser.

Ce spectacle m'émerveilla autant qu'il m'effraya.

C'était un gâchis. Où allait la nourriture qui n'avait pas été mangé ? Car il y avait de toute évidence de la nourriture en abondance. Le pays débattait pour survivre, les ressources étaient contrôlées sous une distribution stricte, et les produits qui n'étais pas commun, tels que la viande, les œufs, ou certains légumes et certains fruits, se vendait à des prix exorbitants afin de n'avoir seulement le strict minimum.

Tout ça pour quoi? Pour qu'on gaspille de la nourriture extrêmement chère en un repas? Alors qu'on pourrait la partager aux pauvres, ou en distribuer aux sans fonctions, ceux qui vivent dans la rue sans métier?

Bien entendu j'étais l'une des seules à m'en préoccuper. La plupart de ceux qui étaient ici étaient plus que contents d'enfin pouvoir avoir toute cette nourriture à leur disposition. Même ceux qui venaient d'un milieu aisé n'avait jamais rien mangé d'aussi bon, semblait-il.

Je m'assis, presque à contre cœur, à l'une des nombreuses tables qui habitaient la cour. Mon frère était introuvable mais je savais que je le repérerais facilement avec ses cheveux rouges flamboyants. On se ressemblait tous les deux, mais ses cheveux étranges le faisait se démarquer. Apparemment, ma grand mère maternelle aurait eut les mêmes cheveux singuliers. Moi, à côté, je suis vraiment ordinaire. Rien de démarquant. Invisible.

Le point fort c'est que je me fond dans la masse plutôt facilement. Aussi, personne ne vint s'asseoir à côté de moi à ma table. Les gens étaient plutôt attirés par les personnes charismatiques ou intrigantes. Je pensais avoir un petit moment de tranquillité, que personne ne voudrait me rejoindre à ma table. Mais je me trompais.

Un garçon s'assit à côté de moi, tout en affichant un air aussi étonné que le miens. Il avait des boucles blondes vénitiennes retenues par un bandana. Il avait des yeux gris très clairs, quelque chose dans son regard était, d'ailleurs, très perturbant. Il avait des tâches de rousseurs. Il était plutôt mignon et était habillé tel un aventurier. Je me questionnai immédiatement sur les raisons qui l'avaient poussé à s'asseoir près de moi.

Il m'observait avec une curiosité non feinte, presque malpolie. Il n'eut pas l'air de s'en soucier. Il m'inspecta, à mon plus grand désarroi, sous toutes les coutures. Puis, encore plus étonnant, il sourit, comme si il venait de retrouver une amie qu'il n'avait pas vu depuis longtemps.

- Enchanté de te rencontrer, dit-il d'une voix particulièrement douce.

Un impression étrange me dictait que je connaissais le garçon ou inversement, que le garçon me connaissait. Mais c'était insensé... J'étais sûre de ne pas connaître cet individu.

Il me tendit la main. Ne laissant pas mes appréhensions prendre le dessus, je répondis à sa poignée de main.

- Je m'appelle Sander, ajouta celui-ci avec un air fier. Sander Breath.

- Et moi Kyalyssandra. Mais je préfère Kya. Mon nom de famille c'est Koleman.

Il acquiesça comme si il le savait déjà. Il me laissait une drôle d'impression, comme si j'étais censée le connaître.

- Ravie de te voir, répondit Sander avec un air sincère.

Il se tut et le silence s'installa. Étrangement lui aussi avait l'air gêné. Je décidai de prendre la parole.

- Pourquoi tu t'es assis à ma table?

- Tu ne veux pas de moi? J'ai mauvaise haleine ? plaisanta-t-il.

- Non il y a juste beaucoup de gens plus intéressants que moi. Et puis j'ai vraiment l'air d'une insociable...

- Mais non, me rassura-t-il. Crois moi tu es plus importante et beaucoup plus intéressante que toute la salle réunie.

Je fronçai les sourcils.

- Tu ne me connais pas, lui fis-je remarquer.

- Ça c'est ce que tu crois!

Il me fit un clin d'œil ce qui me perturba. Il ne pouvait pas me connaître. C'était impossible. Qui était ce garçon ? M'avait-il espionné ? Était-il dangereux ?

Sans me laisser le temps de répliquer il se leva rapidement et disparu dans la foule, me laissant pantoise et pleine de questions.

Ne voulant pas perdre de temps à rechercher ce garçon étrange, je me servis dans un plat. Je décidai de goûter absolument tout ce que je pouvais, afin d'honorer cette nourriture. Si j'avais été certaine de revenir chez moi, je n'aurais pas hésité à cacher de la nourriture dans mon sac, pour l'emmener à la maison, et en donner à mes parents, ou encore au petit Billy, l'enfant le plus pauvre de notre voisinage.

C'était un banquet non mérité. Un injuste banquet. Cela avait beau être notre anniversaire, je savais que tout les jours, un nouveau banquet était renouvelé, pour fêter un nouvel anniversaire, de nouveaux adultes.

Tant de gâchis afin de faire croire que tout va bien.

Un banquet ? Une cérémonie ? Des cadeaux ? Toute cette mascarade servait uniquement à faire passer ce jour pour une célébration. Mais ce n'était pas une vraie fête selon moi. Plutôt un moyen de faire passer le test pour quelque chose de bénéfique. Je n'y croyais pas, sinon Isommée serait toujours là.

Je goûtai un plat avec de la viande. C'était si bon que je crus défaillir. Je ne pus m'empêcher de me goinfrer, tout en pensant au petit Billy.

" Vivement qu'il ait 18 ans pour qu'il puisse manger tout cela" aurait pensé quelqu'un d'autre. Mais Billy était condamné à avoir un pauvre métier: il n'avait pas fait d'étude et il était sous alimenté. Dans quatre ans il serait à la même place que moi.

Condamné.

Je sursautai lorsque Tyron me rejoignis, se glissant près de moi.

- Comment s'est passé ton examen, me demanda celui-ci.

- Bien je crois. Pas de problèmes à signaler en tout cas! C'est juste que lire l'inscription sur la pierre... J'ai ressenti un truc étrange...

- Je vois ce que tu veux dire, répondit-il. Je sais pas ce qu'il y avait d'écrit sur ta pierre mais sur la mienne c'était une phrase flippante!

Il avait presque l'air de prendre cette histoire à la rigolade, ce qui ne lui ressemblait pas. Il me regarda dans les yeux et me dit:

- Il y avait écrit: "La fin est proche, les enfants du ciel portent le flambeau"

Je ne savais pas ce que ça voulait dire mais je sentis mes entrailles se contracter. Comme un mauvais présage.

Les enfants du cielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant