Circuits empathiques

Chapitre 1

Kael

Ces dernières décennies, de nombreux domaines de recherche ont connu des succès phénoménaux. Puisque je lis parfois la presse de vulgarisation scientifique, ces avancées souvent présentées et vantées ne m'ont pas échappé. Cela étant dit, je n'aurais pas imaginé pouvoir, ou plutôt devoir, les vivre à la première personne.

« Mr. Brennan, j'ai discuté à de nombreuses reprises avec l'ingénieur en chef sur ce projet, et je pense vraiment qu'il s'agit là de votre meilleure chance. »

C'est avec ces mots que le docteur Mishak conclut son monologue. Depuis quelques minutes, il me présente un projet révolutionnaire (de ses propres mots) qui a l'avantage notoire de m'offrir une chance décente de survie.

En effet, malgré le fait que je me sente en bonne forme aujourd'hui, je suis en fait plus ou moins condamné. Ces dernières semaines ont été dures. Une bonne partie de ce temps, j'ai été inconscient, pendant que les médecins et autres membres de l'hôpital me gardaient en vie. L'autre partie de ce temps m'a permis de me rendre compte de la précarité de ma situation : je suis affligé d'une pathologie incurable et, à ce rythme, mortelle. La pathologie en question n'a pas de nom, car c'est la première fois qu'elle est identifiée. Ce qui contribue à mon pessimisme à propos de mon futur. Et donc à ma dépression croissante.

La pathologie est située au niveau du cerveau. D'après les docteurs dépêchés pour examiner cette maladie, qui ont d'ailleurs fait de nombreux examens de toutes sortes, l'origine est génétique. Mes gènes présentent un défaut qui semble produire une substance acide dans le cerveau détruisant mes neurones et d'autres cellules importantes. J'avais demandé pourquoi cette maladie génétique ne se montrait que maintenant, et on m'a dit que le déclenchement de la production de cette substance était improbable, mais une fois commencée, elle déclenche une réaction en chaîne inarrêtable dans tout le cerveau. J'ai donc compris que le compte à rebours avait commencé, et il n'était pas aussi lent que je l'aurais voulu.

Aucune technique ne m'offrait l'espoir dont j'avais besoin. Au mieux, certaines pouvaient retarder de quelques mois la fin. Généralement au prix d'un sommeil artificiel. C'est pour cela que la « meilleure chance » que mentionne le docteur Mishak est en fait probablement ma seule chance, à moins que les chercheurs inventent un remède avant mon éventuel décès.

« Je ne pense pas avoir d'alternatives, mais j'ai encore quelques... doutes. J'ai quelques questions sur le sujet, mais j'aimerai avoir un peu de temps pour moi d'abord s'il vous plaît. »

Malgré cela, j'évite de me précipiter. Après tout, la solution proposée peut avoir beaucoup de conséquences au-delà de simplement me sauver la vie. J'aimerais au moins prendre une décision en connaissance de cause.

Il s'agirait de remplacer mon système cérébral par de nouvelles technologies cybernétiques. Au vu de l'ampleur de la solution, je ne peux qu'imaginer le temps que cela va prendre. Au moins, c'est une solution radicale, la maladie ne risque pas de récidiver, que l'opération réussisse ou non... Enfin, il faut que je me concentre. Donc, remplacer le cerveau via des composants cybernétiques. Apparemment, de la nanotechnologie est impliquée. Je n'ai pas entièrement compris ce que le docteur a dit, j'espère au moins qu'il sait de quoi il parle. Ma formation en informatique ne me permet pas de comprendre tous les termes qu'il utilise, il devrait adapter son discours un peu. Quoi qu'il en soit, remplacer le cerveau me semble extrêmement dangereux. Et si cela aboutit, resterai-je moi-même ? Ils ne prévoient pas de me transformer en robot et de prétendre m'avoir soigné ?! Je ne suis peut-être pas un expert dans ce domaine, mais je ne suis pas assez ignorant pour me faire berner de la sorte. Mais pour cela, je dois réfléchir. Il faut que je pose les bonnes questions et, pour éviter toute mauvaise surprise, que je fasse particulièrement attention aux modalités légales de l'opération, que le docteur appelait «projet» de manière peu rassurante. J'apprécie les avancées scientifiques, mais pas si c'est à mon détriment.