Chapitre 33 - James

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Anna me parle depuis dix bonnes minutes du voyage de sa sœur au Canada, du fait que sa mère ne soit pas beaucoup présente en ce moment chez elle et aussi du travail de son père. J'aime quand elle se confie, je ressens le besoin de la protéger et je me pose les mêmes questions qu'elle concernant sa mère. J'avoue qu'au vue de comment elle me décrit son comportement, tout porte à croire qu'elle n'est pas très honnête dans les réponses qu'elle leur donne. J'aimerais beaucoup savoir pourquoi, tout comme Anna. Elle me confie aussi le fait que c'est dur de ne pas voir sa sœur depuis plusieurs mois déjà, je ne peux que la comprendre et tente de l'apaiser. Le temps passe plus vite lorsque nous discutons ensemble. Nous attendons Ayden et je prie silencieusement pour qu'il n'ait pas décidé de ramener Maria, comme il en avait émis l'idée il y a quelques jours. J'ai essayé de l'en dissuader, j'espère que ça aura marché.


Pour le plus grand bonheur d'Anna, nous voyons notre meilleur ami arriver seul au loin. Lorsqu'il nous rejoint enfin, nous allons vers le centre-ville pour commencer notre shopping. À vrai dire, Ayden et moi n'avons accepté de venir uniquement parce qu'Anna nous a promis que nous irions dans un super restaurant ce midi. Les boutiques, très peu pour moi. Mais je peux bien faire une exception pour une fois, pour elle. Le premier magasin dans lequel nous rentrons est un magasin de prêt-à-porter, évidemment. Les rayons pour femmes sont bien plus conséquents que ceux pour les hommes, mais Ayden me dirige vers eux quand même. Laissant Anna arpenter les rayons et s'extasier devant chaque robe qu'elle trouve, il me maintient un peu à l'écart et je comprends qu'il veut me parler.


- Bon mec, va falloir que t'agisses avec Anna ! Me dit-il en sortant ça de nulle part.

Je rigole, mais ne sais pas vraiment quoi répliquer.

- Je suis sérieux ! T'as vu comment tu la dévores du regard, et elle, impossible de détourner son regard de toi plus de deux minutes ! Y'a quelque chose, c'est indéniable, mon pote !

- Nan... et puis on est bien comme on est tu crois pas ?

- Si la situation te convient, OK. Mais crois-moi vous deux, ça a l'air sérieux !

- Mais y'a pas de « nous deux » ! On est a-mis, j'explique en insistant sur le dernier mot.

- Je crois que y'a que vous deux qui pensez ça, mais OK, je vous laisse tranquille !

Il me regarde et je sais que je souris bêtement et que ce sont mes sentiments qui me trahissent. Pour le moment, je ne me sens prêt à en parler ni avec Anna ni avec lui, alors qu'il me lâche !

Anna se rapproche dangereusement de nous et j'écourte la conversation pour ne pas qu'elle entende de quoi nous parlons.

- Vous faites quoi ? nous demande-t-elle en prenant un short en jeans en mains.

- Rien, rien, je réponds trop rapidement à mon goût.

Elle nous dévisage, perplexe.

- De quoi vous parliez ?

- De... j'hésite et cherche Ayden du regard pour qu'il me vienne en aide.

- De l'endroit où on va manger après ! intervient-il juste au bon moment.

- Mouais, je vais vous croire pour cette fois.

- Comment ça « pour cette fois » ? je répète intrigué.

- Bah oui, vous allez me faire croire que vous parliez d'un truc aussi banal alors que vous vous êtes exprès éloignés ! Je vois tout, les gars, dit-elle avec un sourire espiègle. Je vous crois pour cette fois, mais croyez-moi que vous ne vous en sortirez pas comme ça si vous vous éclipsez encore...

Ni Ayden ni moi ne répondons quelque chose, parce que sa façon de raisonner me fait vraiment rire. Nos regards se croisent et nous éclatons de rire, laissant Anna dans l'incompréhension. Je m'approche d'elle et passe ma main autour de ses épaules :

- Oh, pauvre petite Anna ! Allez, on peut aller manger maintenant ?

Elle rit à son tour et nous sortons du magasin sans reparler de ce qui vient de se passer.


Au restaurant, nous parlons de choses sans importance, et je repense sans arrêt au père de Lola. Il faut que je leur raconte ce qu'il m'a dit au téléphone. Anna connaît ce que la presse en a dit, mais elle ne sait pas tout ce que son père m'a dit. Ayden est vaguement au courant puisque ma meilleure amie lui en a parlé, mais nous n'en avons pas reparlé ensemble.

Je profite du moment où le serveur nous apporte nos plats pour commencer à aborder le sujet. Ils m'écoutent, très attentifs à ce que je leur explique. Ils me laissent leur raconter toute ma conversation avec Charly sans m'interrompre une seule fois. Mais une fois mon histoire finie, je sens dans leurs regards qu'ils ont mille et une questions en tête. Je les comprends, il y a de quoi ! Nous continuons donc d'en parler et Anna paraît soulagée qu'elle soit enfermée à l'hôpital. Mais tous deux sont horrifiés de ce qui est arrivée à Lola enfant.


- Et toi, Jay, ça va ? intervient Anna après un petit moment de blanc.

Je ne comprends pas le sens de sa question, me demande-t-elle réellement comment je vais ?

- Je sais bien que tout cela te touche... Je sais aussi à quel point tu étais attaché à elle malgré tout... Alors je te demande, James, si tu vas bien après avoir appris tout ça ?

Le fait qu'elle s'inquiète me touche bien plus que je ne voudrais l'admettre. Je tente de faire face, de ne pas leur montrer que tout cela m'a affecté. Malgré moi, je sais que j'ai eu les larmes aux yeux lorsque je leur ai rapporté les paroles de Charly.

Anna pose une main sur ma cuisse, sous la table, de façon à ce qu'Ayden ne puisse pas le voir et elle exerce une légère pression que j'interprète comme un « je suis là ».

Je les rassure en leur disant que je vais bien, mais pour Anna ça ne semble pas suffire. Ayden ne sait pas vraiment quoi dire mise à part qu'il est désolé pour elle.


Nous changeons rapidement de sujet, sinon la conversation allait devenir morose. L'après-midi se déroule bien et nous ne reparlons plus de Lola. Je sens malgré tout qu'Anna n'en a pas fini avec ses questions et qu'elle va vouloir que je lui en parle tôt ou tard.

Nous continuons à faire les magasins et de temps à autres, la main d'Anna se rapproche de la mienne, elle la frôle, la caresse. Puis, lorsque notre meilleur ami est occupé au rayon jeux vidéos de la Fnac, je m'approche un peu plus pour prendre directement sa main dans la mienne. Nous faisons comme si de rien n'était, ne nous regardons pas, mais je sais que nous n'en avons pas besoin. Son pouls semble s'accélérer en même temps que le mien et je regrette que nous soyons au milieu de ce magasin. Au bout d'un moment, elle cherche mon regard et m'observe de ses yeux verts.


- Maria a enfin arrêté de parler à Mattéo, les gars !

Ayden revient vers nous mais nous ne nous lâchons pas la main pour autant, tant pis s'il nous voit.

- Sérieux ? demande Anna intriguée par le fait qu'il aborde le sujet de Maria.

- Ouais ! Ça fait déjà plusieurs semaines qu'elle le remballait à chaque fois. Mais cette fois elle l'a bloqué, ça y est !

Je suis content pour mon pote, ça veut dire qu'enfin elle va se concentrer uniquement sur leur relation et qu'il n'y aura plus de Mattéo dans l'ombre du tableau. Malgré tout, je sens Anna se crisper.

- C'est cool.

J'entends dans sa voix qu'elle essaye de faire bonne figure mais que le fait de parler d'elle la met mal à l'aise. Pourtant, je crois qu'elle va devoir s'y faire, Ayden n'a pas l'air d'avoir envie de la lâcher. Pourtant, notre ami ne semble pas voir que cela fait encore mal à Anna de parler de son ancienne meilleure amie.

On n'oublie pas [Publié en auto-édition]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant