MA FAMILLE avait plusieurs traditions. La première était de gifler sa fille quand elle a ses premières règles. J'avoue n'avoir pas trop compris pourquoi mais ma joue s'en souvient encore.
La seconde était les appels Facetime le jour des anniversaires. Même de mes cousins. L'avantage, c'est que j'ai un frère jumeau : ça fait d'une pierre deux coups. Je crois que ça soulage tout le monde, sauf mes grands parents.
La dernière, c'était que même après s'être installés en Normandie, nous retrouvons nos racines chaque année avec le village ô combien merveilleux de Saint-Palais.
L'avantage, c'est que mes quelques amis d'enfance ne m'oubliaient pas. J'étais une sorte d'invitée VIP qu'ils attendaient avec impatience quelques semaines de juillet. Mon frère ne pouvait pas vraiment en dire autant, mais ce n'était pas vraiment mon problème. On s'évitait autant qu'on pouvait pendant notre séjour.
A Rouen aussi, d'ailleurs. C'était juste plus facile de l'éviter là-bas.
Ce que j'aimais plutôt chez mes amis de Saint-Palais, c'est qu'ils avaient toujours des nouvelles personnes à me présenter, toujours plus de ragots à colporter. J'ai commencé à aimer aller à Saint-Palais quand les commérages sur qui couchait avec qui ont commencé à tourner. Je suis gémeaux, c'est comme ça.
Alors, avec mon amie d'enfance, Anaïs, nous avions instauré un rituel. On ne se parlait quasi pas de l'année, parce que nous étions aussi nulles l'une que l'autre pour tenir une conversation à distance. Mais quand j'arrivais à Saint-Palais, on se retrouvait dans le même bar, commandions une série de mojitos pendant qu'elle me raconte les détails croustillants de sa vie.
Ce qui est bien, avec Anaïs, c'est qu'elle avait toujours un tas de choses à raconter. Parce qu'elle était jolie et que les garçons lui tournaient autour. Et puis, parfois, elle me présentait ses autres amis. Je les aimais bien.
Mes parents savaient que quand j'étais à Saint-Palais, ils ne pouvaient pas vraiment faire de plan avec moi. Ils auraient pourtant aimé. C'était juste plus compliqué. Ils pensaient que c'est ma manière de me venger : ils m'emmenaient dans un bled pourri et en monnaie de rançon, ne pouvaient plus me voir pendant deux semaines.
Hop, bon débarras Rochelle!
De toute façon, je suis convaincue depuis le premier jour que je ne suis pas désirée. On ne désire pas un enfant en l'appelant Rochelle. Surtout quand mon frère hérite d'un Martin. Ils disent que c'est en hommage à Saint Martin de Ré. Je crois juste qu'ils se foutent de ma gueule.
Alors, je pose mes affaires. Je me dégourdis les pattes après des heures coincées dans la petite voiture à entendre mon père râler sur les chauffards de l'autoroute. Je prend ma pause clope avec Martin sous le regard désapprobateur de mes géniteurs.
"Tu vois Anaïs, ce soir ?
- Ouais.
- Dis lui salut de ma part.
- Ca marche."
Je ne le ferais pas et il le sait.
"Je le pense vraiment.
- Tu veux pas lui dire salut, tu veux juste la tringler.
- Toute grande histoire d'amour commence d'abord par un bonjour."
Je roule des yeux.
"Tu veux pas lui dire bonjour, tu veux lui dire "salut"."
C'est au tour de Martin de rouler des yeux.
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D'amour et d'eau salée.
Teen FictionRochelle a tout juste dix sept ans, un mépris de son prénom, de son frère jumeau et du village de Saint-Palais où ses parents l'emmènent tout les étés. Heureusement qu'à Saint-Palais il y a ses amis d'enfance pour lui permettre de passer deux semai...