Épilogue

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Kael

Alice et moi avons décidé de sortir de l'hôpital. La surveillance à laquelle on est soumise là-bas est assez pesante, car il faut éviter de révéler la présence d'Alice. J'apprends à nouveau ce qu'est la vie quotidienne. Je reprends mon emploi précédent, ce qui n'était pas chose donnée au vu de la durée de mon absence. Puisqu'il s'agit du secteur informatique, mon amnésie se révèle moins handicapante que prévu. Il faut dire qu'Alice et moi, nous sommes maîtres de l'informatique, ou presque. Nous avons encore bien besoin d'expérience.

À ce propos, Alice est très utile dans ses capacités empathiques. Elle est capable d'interpréter les expressions et dialogues d'autrui de manière inégalée. Je suis sûr qu'elle serait capable de parfaitement s'intégrer dans la société grâce à cela. J'ai presque l'impression que ses talents sont gâchés dans notre emploi informatique. C'est vraiment ironique pour une intelligence artificielle.

Il y a tout de même plusieurs bémols à notre nouvel état. Tout d'abord, mon cerveau cybernétique m'oblige à faire attention à où je vais. Une activité électromagnétique trop forte peut nous endommager, Alice et moi. De même, il faut éviter l'eau, «par prudence» a dit Mr Rives. Évidemment, le plus gros problème reste que je récupère mes souvenirs extrêmement lentement. À ce rythme, on n'aura pas fini avant deux décennies. J'ai donc perdu de vue beaucoup de gens que je connaissais, et ma relation avec ma famille est devenue assez inconfortable. Heureusement, je peux compter sur Alice pour m'aider dans les interactions sociales. Il y a aussi le fait qu'on ne peut pas vraiment profiter de la nature informatique de mon cerveau pour se connecter au monde extérieur. Le risque est immense, et on ne le fait que dans certaines conditions. La règle d'or est de ne jamais se connecter directement à Internet ou à quelque chose que nous ne connaissons pas. C'est pour cela qu'on utilise souvent des ordinateurs ou autres appareils en tant que liaisons, que nous pouvons interrompre facilement.

Toujours dans la vie quotidienne, le contrôle du corps et des sens ne cesse de s'améliorer. En tant qu'humain, on atteint rapidement les limites en termes de finesse et de perception, mais notre nature cybernétique permet des améliorations de la précision de ces domaines. Cela donne lieu à une adresse améliorée, des réflexes plus rapides, des choses comme cela. Enfin, cela reste une amélioration raisonnable pour l'instant, puisqu'après tout, l'organisme biologique est optimisé par des millénaires d'évolution et de sélection naturelle.

Les jours continuent de passer, et on apprend que Mr Rives n'obtient pas l'autorisation de refaire des opérations similaires à la mienne. Elles ont été jugées trop dangereuses. En effet, je n'ai pas cherché à cacher aux experts qui m'ont interrogé ce qui s'est passé, sauf par rapport à Alice bien entendu. Cependant, l'ingénieur a été employé par une société high-tech très puissante en Europe, et plutôt bien réputée. Tant mieux pour lui. J'apprendrai plus tard que cette société aura mise au point une opération permettant de soigner quasiment n'importe quelle affliction cérébrale de manière fiable et bien plus sécurisée, dans un projet dirigé par Mr Rives.

Alice m'a également poussé à enquêter sur la recherche qui l'a produite. Elle considère les chercheurs comme des criminels, et je la comprends. Il faut dire qu'on est rarement en désaccord, puisqu'on partage les mêmes expériences et même plusieurs de nos pensées. Malheureusement, quand bien même nous avons trouvé de qui il s'agissait, nous n'avions aucune base légale pour les attaquer. Ce qu'on a donc fait, c'est lancer des attaques informatiques contre eux. En exposant par la suite anonymement leurs expériences et leurs résultats, nous avons pu les forcer à interrompre leurs projets lorsque le comité d'éthique et celui d'experts ont commencé à enquêter sous pression populaire. Pour être certain que cela aboutisse, nous avons également utilisé les capacités empathiques d'Alice pour lancer une campagne de sensibilisation, avec bon succès. Les capacités de cette femme, ou plutôt de cette IA dans son expertise des émotions et de la société humaine ne cesseront jamais de m'étonner. On a aussi pu mettre la main sur les intelligences artificielles survivantes du projet, en toute illégalité et en secret. Encore aujourd'hui, nous cherchons une place pour elles dans la société pour qu'elles puissent vivre à l'abri, mais elles restent inactives dans nos espaces privés de stockage de données.

Pour finir, nous avons monté une association visant à réglementer l'usage des intelligences artificielles et sensibiliser ainsi qu'éduquer la population sur ce thème. Cela donnera lieu à quelques lois élémentaires, bien qu'insuffisantes, sur le sujet. Cependant, beaucoup de pays ne sont pas concernés par ces lois, et qui sait quelles horreurs virtuelles peuvent bien s'y dérouler.

Notre vie se poursuit sans encombre, mais je redoute l'avancée des recherches qui a fait de nous ce que nous sommes, et leurs inconnues.

Circuits empathiquesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant